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"Bloquons tout" : les étudiants misent sur la convergence des luttes pour "frapper fort"
À la veille du mouvement "Bloquons tout", des étudiants et personnels d'université se sont réunis en assemblées générales mardi sur plusieurs campus. À Paris 8, à Saint-Denis, au nord de la capitale, ont été évoquées les principales revendications du mouvement étudiant et les actions à mener pour toucher le plus grand nombre. Reportage.
Sur le campus de l'université Paris 8, à Saint-Denis, les appels à la mobilisation le 10 septembre s'affichent en grand sur les murs. © Pauline Rouquette, France 24

Les cours ne reprennent officiellement qu’à la mi-septembre, mais de très nombreux étudiants de l'université Paris 8 sont déjà sur le campus de Saint-Denis, mardi 9 septembre, notamment pour finaliser leurs inscriptions.

En peinture noire et rouge s’affichent sur les murs des invitations à rejoindre le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Feu partout. Le 10 septembre, ni fac, ni taf…", "Le 10 septembre, on bloque tout ! Tout est trop cher."

Devant le bâtiment B1, peu avant midi, un petit groupe d’étudiants se forme, panini dans une main, pile de tracts dans l'autre, à moins que ce ne soit un exemplaire du journal du Parti communiste révolutionnaire. C’est là qu’est fixé le rendez-vous pour la dernière assemblée générale (AG) avant les actions du lendemain.

"On va rassembler différents collectifs, exposer nos points de vue et nos mots d’ordre", explique Anna*, étudiante en sciences sociales dans une autre université parisienne. "Certaines revendications seront différentes, mais c’est important de s’organiser."

"Bloquons tout" : les étudiants misent sur la convergence des luttes pour "frapper fort"
Une assemblée générale a eu lieu le 9 septembre 2025 sur le campus de l'université Paris 8, à Saint-Denis, pour organiser les actions du lendemain. © Pauline Rouquette, France 24
"Bloquons tout" : les étudiants misent sur la convergence des luttes pour "frapper fort"
Plusieurs étudiants attendent devant le bâtiment censé accueillir l'assemblée générale étudiante, le 9 septembre 2025 sur le campus de l'université Paris 8, à Saint-Denis. © Pauline Rouquette, France 24
"Bloquons tout" : les étudiants misent sur la convergence des luttes pour "frapper fort"
Plusieurs jeunes militants du Parti communiste révolutionnaire sont présents sur le campus de l'université Paris 8 pour distribuer des tracts et vendre le journal du parti, qui titre sur le mouvement "Bloquons tout". © Pauline Rouquette, France 24

"Notre mot à dire sur les savoirs qui sont produits dans notre université"

Une centaine de personnes s'engouffre finalement dans l'amphithéâtre réquisitionné pour l'AG. Rapidement, le ton est donné. "Dans la situation actuelle de crise politique, le régime de Macron n'a jamais été aussi faible depuis qu'il est arrivé au pouvoir, et on a là une occasion de porter nos revendications et construire un mouvement qui sera en mesure de gagner des choses", galvanise Alexis, militant au syndicat Le poing levé, collectif de jeunesse de l'organisation politique d'extrême gauche Révolution permanente.

Si tous dans l'assemblée s'accordent à rappeler l'importance de se greffer à des mouvements déjà prévus pour les "massifier", notamment celui organisé à la gare du Nord à l'appel des cheminots, plusieurs voix s'élèvent pour qu'émergent des revendications propres à l'université.

"Dans la jeunesse, cette colère a aussi une expression propre", poursuit Alexis, qui énumère les problématiques de la précarité étudiante, du logement étudiant – un étudiant sur dix n'a pas de logement à la rentrée –, mais aussi du lien entre l'université et certaines entreprises du complexe militaro-industriel.

L'étudiant évoque une récente enquête du collectif Le poing levé révélant de nombreux partenariats directs entre des cursus de l'université Paris 8 et des entreprises comme Thales, Safran ou MBDA, "qui ont vendu à l'État israélien des armes qui sont aujourd'hui utilisées pour tuer des Palestiniens".

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"On doit avoir notre mot à dire sur ce à quoi servent les savoirs qui sont produits dans les murs de l’université où l'on étudie !", s'exclame-t-il.

Précarité des étudiants... et du personnel des universités

"Actuellement, 260 000 étudiants n’ont pas reçu leurs bourses. C’est un tiers des étudiants, parfois même la moitié dans certaines académies !", s'offusque une militante de la Fédération syndicale étudiante (FSE), qui pointe des lenteurs liées à un changement de logiciel imposé par le ministère de l’Enseignement supérieur.

"C’est la première fois que je vois ça : un tiers des étudiants boursiers de France qui, le 10 septembre, n’a rien pour manger", poursuit-elle. "On est vraiment des gros 'miskines' si on laisse passer ça !"

À (re)voir Précarité étudiante en France : "Notre galère, c'est aussi celle de nos familles"

Dans l'assemblée, certains profils se distinguent de la majorité étudiante. Des personnels de l'université sont également mobilisés.

"Ce mouvement a commencé contre les politiques d’austérité, et plus globalement contre Macron, donc je pense qu’il faut qu’on recentre la discussion sur 'C’est quoi l’austérité à l’université ?'", défend d'une voix portante un participant à l'AG qui se présente comme personnel Biatss (personnels de bibliothèque, ingénieurs, administratifs, techniques, sociaux et de santé).

"Chaque jour, je reçois dans mon bureau des centaines d’étudiants qui vont se retrouver sans papiers parce qu'ils ont été recalés par Mon master et Parcoursup. Mon quotidien en tant que personnel dans cette université est de leur dire que je ne peux rien faire pour eux et leur donner le numéro de la Ligue des droits de l'Homme", raconte-t-il, estimant nécessaire de mettre la suppression de ces deux plateformes de sélection aux filières d'études supérieures au cœur de leurs revendications.

Prêchant également pour sa paroisse, il évoque également la précarité qui touche les travailleurs des universités. "On a des contrats précaires de merde qui durent un an, sans certitude d'être renouvelés, ils coupent les budgets, donc des postes sont supprimés, et en plus on est mal payés."

"Frapper plus fort"

À ce stade, "ce mouvement est un mouvement de jeunes diplômés, bac+5, petits bourgeois", résume ce membre du personnel non enseignant, estimant crucial d’ouvrir davantage la mobilisation – notamment aux quartiers populaires – et d’investir d’autres espaces.

L'ensemble des étudiants, même s'ils ont leurs propres revendications, jugent aussi primordial de se rallier à d'autres rassemblements préexistants de travailleurs, afin de "frapper plus fort".

"Il faut que partout, on discute, qu'il y ait des comités de mobilisation et que dès demain, plein d'équipes soient prêtes à se mettre en ordre de bataille pour que ça déborde", lance un jeune militant du Nouveau parti anticapitaliste (NPA).

Des actions s'organisent depuis plusieurs semaines pour mercredi, dès 6 h, à Saint-Denis.

"Ce sont des rassemblements importants à leur échelle, surtout à Saint-Denis, qui concentre beaucoup de personnes racisées", estime Éliane, étudiant en littérature anglaise à l'université Paris 8. "Certes, 6 h, c'est tôt, mais c'est l’heure à laquelle la plupart des travailleurs racisés commencent à travailler. Ils peuvent donc avoir eux aussi leur mot à dire sur des sujets comme les violences policières, ou encore la situation du travail en tant que personnes racisées."

Éliane s'engage de son côté à se rendre dès 10 h au rassemblement prévu porte de Paris, puis convergera avec les autres vers la gare du Nord. "Ça va être un bon moyen pour influencer les personnes qui partent travailler, les pousser à se mobiliser, voire à faire de leur propres lieux de travail des lieux de revendications."

Le militant NPA de l'université Paris 8 abonde en ce sens. "Dans une période de grande instabilité politique, avec un mouvement pas du tout appelé par les syndicats, des dizaines de militants doivent pouvoir toucher des centaines voire des milliers de personnes", dit-il. "Pour faire un truc qui déferle, et leur fasse vraiment peur."