
Sur le parvis de la basilique de Saint-Denis, plusieurs centaines de personnes se rassemblent pour "fêter le départ" de François Bayrou, le 8 septembre 2025. © Pauline Rouquette, France 24
"On fête une renaissance des gens de toutes parts", lance un intervenant devant plusieurs centaines de personnes réunies aux abords de l’hôtel de ville, sur le parvis de la basilique de Saint-Denis, au nord de Paris. L'assemblée composée d’individus de tous âges est venue participer au "pot de départ" de François Bayrou – renversé au même moment par l’Assemblée nationale qui lui a refusé sa confiance –, et s’organiser pour le mouvement "Bloquons tout" prévu le 10 septembre.
La promesse d’un apéro a été tenue. Deux grandes tables proposent de quoi boire et manger. Certains trinquent avec des bières, d’autres servent la "soupe de soutien", du pain et du café. Tout cela, bien sûr, gratuitement.
Mais derrière les verres levés et les assiettes partagées, c’est bien la colère sociale et les revendications politiques qui s’invitent sur le parvis.
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"On assiste à des scènes dramatiques"
Sonia et Martine, Dyonisiennes depuis respectivement 25 et 30 ans, brandissent fièrement leurs pancartes. Les deux sexagénaires font partie du collectif pour le respect du droit des étrangers à Saint-Denis. Tous les vendredis matins depuis un an, elle se rendent devant la sous-préfecture pour aider et informer les personnes qui chaque jour font la queue en attendant la régularisation de leur situation alors que les retards dans le renouvellement des titres de séjour leur font parfois perdre leur emploi, ou la chance d’obtenir un logement.
"Depuis Retailleau [le ministre de l'Intérieur sous les gouvernements Barnier puis Bayrou, NDLR], c’est trois fois pire...", enrage Martine, évoquant notamment le délai entre l’obtention d’un visa pour regroupement familial et l’obtention d’un titre de séjour, laps de temps durant lequel certaines personnes sont considérées comme étant en situation irrégulière, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur leurs droits, notamment celui à être soigné. "On assiste à des scènes dramatiques tous les vendredis", déplore-t-elle.

Hormis le sujet particulier pour lequel elles militent chaque semaine, les deux amies fêtent le départ de François Bayrou, "parce que rien ne va", sourit Sonia, amère.
"On ne voit pas pourquoi c’est à nous de payer cette dette…", estime Sonia, évoquant l'endettement de la France qui justifiait aux yeux de François Bayrou un projet de budget 2026 vivement critiqué. "Et puis, on s’en prend toujours aux mêmes : on s’acharne sur les plus vulnérables et on ne parle jamais des riches", abonde Martine.
"L’idéal, c’est que Macron s’en aille", tranchent-elles, disant croire que le mouvement du 10-Septembre – qu’elles comparent déjà à celui des gilets jaunes – puisse mener à la destitution du président de la République. D’autant qu’à la différence du mouvement des gilets jaunes, "la jeunesse, cette fois, est vraiment présente !"
"Ça pose le problème de la société que l’on veut ensuite"
Assez rapidement, l’"apéro" se transforme en assemblée générale. Après la célébration, il est déjà temps de s’organiser pour la suite. Devant les intervenants qui prennent tour à tour la parole, énumérant des rassemblements et actions prévus dès très tôt mercredi matin, un parterre de jeunes écoute, acclame, scande, applaudit.
Lisa, 21 ans, étudiante en sciences politiques à l’université Paris 8 vient de rappeler une série d’actions, invitant les étudiants à soutenir tous les mouvements.
"On appelle avec différentes organisations politiques et syndicales de l’université à une AG parce qu’on a aussi de revendications autour du budget et sur la question de la militarisation", dit-elle à France 24. "En tant qu’étudiants, on refuse que nos savoirs soient mis au service du réarmement policier, militaire, du soutien au génocide à Gaza".

Jacques*, qui se dit "très content" de la chute du Premier ministre, soulève quand même quelques interrogations quant à l’avenir politique de la France. "Ça pose le problème de la société que l’on veut ensuite", dit-il. "Tous les gens qui sont présents ici sont des gens anticapitalistes. Mais comment on va faire ? Qu’est-ce qu’on va faire ?"
Racontant avoir participé aux Marches des solidarités en 2020 [les revendications portaient alors sur la régularisation des sans-papiers, la fermeture des CRA et l’accès au logement pour tous], Jacques se félicite de voir autant de monde se préparer au 10-Septembre dans sa ville. "Aujourd’hui on est environ 300, c’est la plus grosse AG qu’on ait faite", dit-il, dégainant son téléphone. "Sur notre canal Telegram – uniquement pour le département de Seine-saint-Denis, il y a 1995 membres, c’est énorme !"
Serein, Jacques dit croire que la police ne sera pas là dans certains blocages, mercredi. "Je ne pense pas qu'ils vont réprimer. Dans les conditions actuelles, ça risque de mettre de l’huile sur le feu", dit-il. Interpellée par l’optimisme de son voisin, une militante répond : "C’est un peu utopiste, c’est la seule réponse qu’ils ont depuis vingt ans : les gilets jaunes se sont fait éclater, et avant eux ‘Nuit debout’… Difficile d’imaginer qu’il n’y ait pas, cette fois encore, de répression".