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Réapparu dans un annonce immobilière, le tableau volé par les nazis a été retrouvé en Argentine
Après plusieurs jours d'intrigues internationales, les autorités argentines ont annoncé mercredi avoir retrouvé un tableau volé par les nazis. Le portrait de la comtesse Colleoni, réalisé par l'artiste italien Giuseppe Ghislandi, avait été repérée sur une photo d'une annonce immobilière. Il a été remis au bureau du procureur par la fille d'un ancien fonctionnaire nazi qui s'était réfugié en Argentine.

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Le procureur général fédéral de Mar del Plata, Daniel Adler (au centre), et le procureur fédéral Carlos Martinez (à gauche), donnent une conférence de presse devant un tableau identifié par le journal néerlandais AD comme étant "Portrait d'une dame" du portraitiste baroque italien Giuseppe Ghislandi (1655-1743). AFP - STRINGER
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Le feuilleton qui a tenu en haleine les amateurs d'art a pris fin. Un tribunal fédéral argentin a annoncé, mercredi 4 septembre, que les autorités du pays ont retrouvé le "Portrait de dame", une œuvre du XVIIIe siècle du peintre italien Giuseppe Ghislandi, longtemps disparue, spolié par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le  procureur Daniel Adler, qui s'exprimait devant la presse a expliqué que l'avocat de Patricia Kadgien, l'héritière d'un officier SS, Friedrich Kadgien, installé en Amérique du Sud après la fin de la guerre et mort en 1978 à Buenos Aires, "a rapporté l'œuvre".

Le journal néerlandais AD avait relevé sa présence dans l'annonce de la vente de la maison des héritiers à Mar del Plata. Saisie, la justice argentine avait diligenté une perquisition, mais le tableau ne se trouvait plus à l'endroit repéré sur la photo, remplacé par un autre. Patricia Kadgien et son mari, Juan Carlos Cortegoso, avaient été assignés à résidence depuis lundi. 

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Selon le journal argentin La Nación, le couple a reconnu devant la justice être en possession de l'œuvre d'art, mais estiment qu'elle fait partie de leur patrimoine et que toute action en justice concernant la peinture est prescrite. Le quotidien précise qu'une audience se tiendra vendredi lors de laquelle le procureur présentera au couple les faits reprochés et les motifs de l'accusation. Il sera décidé s'il convient de lever la restriction de liberté ou de la prolonger en détention préventive .

Une oeuvre de la collection de Jacques Goudstikker

Patricia Kadgien est l'une des filles de Friedrich Kadgien, un conseiller financier du criminel de guerre allemand Hermann Göring, qui durant le régime nazi avait amassé une fortune colossale, notamment par la spoliation de biens juifs. Il avait fui les Pays-Bas en 1946 pour se rendre en Suisse, puis au Brésil et finalement en Argentine.

L'oeuvre a appartenu au collectionneur néerlandais Jacques Goudstikker, dont plus de 1000 oeuvres d'art ont été spoliés par les nazis et dont les héritiers réclament la restitution. Elle figure sur une liste internationale des œuvres d'art disparues et est présenté sur le site internet de l'Agence du patrimoine culturel des Pays-Bas, dédiée à l'identification, au suivi et à la restitution des biens culturels volés par les nazis.

Comme le rapporte la BBC, certaines des œuvres appartenant à Goudstikker ont été récupérées en Allemagne après la guerre et exposées à Amsterdam dans le cadre de la collection nationale néerlandaise. Sa seule héritière survivante, sa belle-fille Marei von Saher, a déclaré que sa famille a pour objectif de ramener chaque œuvre d'art volée à la collection de Jacques et de restaurer son héritage.

Réapparu dans un annonce immobilière, le tableau volé par les nazis a été retrouvé en Argentine
l'expert et professeur d'art, Ariel Bassano, devant le tableau "Portrait d'une Dame" de l'Italien Giuseppe Ghislandi (1655-1743), volé par les nazis à un collectionneur d'art juif néerlandais, présenté au parquet de Mar del Plata, le 3 septembre 2025 en Argentine © STRINGER / AFP

Le tableau est "en bon état de conservation compte tenu de son âge, puisqu'il date de 1710. Sa valeur pourrait avoisiner les 50 000 dollars", a déclaré à la presse l'expert et professeur d'art, Ariel Bassano, au côté de l'oeuvre présentée au parquet.

D'autres oeuvres spoliées ?

Selon La Nación ,des gravures et des croquis d'époque ont également été saisis au domicile des accusés, dont l'origine fait actuellement l'objet d'une enquête. Les agents ont aussi découvert deux portraits datant du milieu du XIXe siècle dans une autre propriété du couple. Ils n'étaient pas exposés, mais emballés, comme s'ils étaient prêts à être transférés ou stockés. Une enquête est en cours pour déterminer s'ils font partie de la même liste ou d'une autre liste d'œuvres recherchées en raison de leur origine illégale.

Les historiens estiment que l'Argentine a servi de refuge à environ 5000 criminels de guerre. Le plus connu d'entre eux est Adolf Eichmann, responsable logistique de la "solution finale", qui grâce à l'aide d'un évêque autrichien basé à Rome, Alois Hudal, a pu débarquer en 1950 à Buenos Aires sous le nom d'emprunt de Ricardo Klement, avant d'être enlevé par le Mossad et exfiltré vers Israël en 1960. Il a été condamné à mort puis pendu en 1962 près de Tel Aviv.

Le médecin SS d'Auschwitz-Birkenau Josef Mengele a aussi pu se réfugier en Argentine en juillet 1949 où il s'est inventé une nouvelle vie pendant dix ans. Celui qui était surnommé "L'ange de la mort" est finalement décédé au Brésil en 1979, lors d'une noyade accidentelle, sans jamais avoir été appréhendé. Le commandant SS Erich Priebke, responsable du massacre des fosses ardéatines en Italie, a également disposé d'un passeport de la Croix-Rouge établi au nom de "Otto Pape" pour pouvoir fuir en Argentine où il a vécu en homme libre pendant cinquante ans, jusqu'à son extradition par la justice italienne en 1995.

Un travail de restitution toujours en cours

De l'arrivée au pouvoir des nazis en 1933 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses œuvres d'art ont été volées, en grande majorité à des familles juives, dans toute l'Europe. Les estimations varient selon les sources entre 100 000 et 400 000 oeuvres.

En 2013, la découverte dans un appartement de Munich où vivait Cornelius Gurlitt, le fils du marchand d'art Hildebrand Gurlitt, de 1 500 œuvres d'art, dont des des tableaux d'Auguste Renoir, Henri Matisse, Pablo Picasso, Marc Chagall, Paul Klee, Oskar Kokoschka ou Max Beckmann, avait défrayé la chronique.  Quatorze d'entre elles avaient pu être identifiées comme dérobées à des juifs.

La question de la restitution des œuvres est toujours d'actualité. En 1998, 44 États, dont la France, se sont engagés par la déclaration de Washington, à retrouver et restituer l'art spolié. Depuis 2019, il existe un réseau européen reliant cinq commissions qui, en Allemagne, en Autriche, en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, œuvrent à la recherche et à la restitution des biens culturels spoliés. Dans l'hexagone, cette mission est confiée à la Commission pour la restitution des biens et l'indemnisation des victimes de spoliations antisémites (CIVS).

Ces dernières années, la recherche d'oeuvres spoliées a été facilitée pour les descendants des victimes grâce à la déclassification de nombreux documents, à internet et à la numérisation, avec un accès facilité à tous les musées, marchands d'arts et maisons d'enchères. 

Avec AFP, Reuters et Associated Press