
Le streamer Jean Pormanove, sur une photo publiée sur son compte Instagram le 11 mars 2023. © Capture d'écran Instagram
Le streamer français Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, est mort dans la nuit du dimanche 17 au lundi 18 août, a indiqué le parquet de Nice, qui a déclaré : "Le décès d’un homme dans un local loué pour des 'lives' [sessions en direct, NDLR] de jeu vidéo a été constaté."
Alors que son "live" XXL était branché (depuis dix jours consécutifs), Jean Pormanove a été retrouvé inerte sur un matelas, recouvert d’une couette, alors qu'il dormait aux côtés de ses acolytes de stream [consiste à créer et diffuser sur le web des contenus, en général axés sur les jeux vidéo, devant des spectateurs, NDLR]. "Il est vraiment dans une position chelou", entend-on notamment sur les images.
Malgré les tentatives de son équipe pour le réveiller – face à son absence de réaction et sa position inhabituelle, l'un de ses acolytes, "Naruto", dormant dans le même lit lui jette une bouteille –, leurs efforts sont restés vains. Une enquête est en cours pour déterminer les causes précises du décès.
Le streamer à succès avait été au cœur d'une vive polémique autour de la chaîne "le Lokal" sur la plateforme de streaming Kick. Dans une enquête publiée en décembre 2024, Médiapart évoquait des influenceurs à l'origine d'un véritable "business de la maltraitance en ligne". Parmi eux, "Safine" et "Naruto", dans le rôle des bourreaux ; Jean Pormanove (JP) et Coudoux, handicapé, dans celui des souffre-douleur.
"Une emprise totale"
Moqueries, jets d'eau et de peinture, claques, strangulation... Le concept du "Lokal" consistait à violenter quotidiennement "JP" et Coudoux devant de très nombreux fans, permettant à ses créateurs de générer plusieurs milliers d'euros mensuels. D'autres formats, à l'instar de "Des chiffres et des illettrés", ou encore "Question pour un Golmon", visaient à se moquer des capacités mentales de leurs participants.
Interrogé par Mediapart sous couvert d'anonymat, un streamer critique de la plateforme avait à l'époque déclaré être "choqué" par "l'utilisation de personnes fragiles voire handicapées" dans ces directs abondamment commentés par un public très demandeur. "Après ils [les streamers du Lokal] vont toujours présenter une image bienveillante de ça, en disant que c'est eux qui gèrent financièrement Coudoux ou Jean Pormanove, mais cela instaure à un moment une emprise totale."
Au lendemain de la mort de "JP", les réactions se sont multipliées sur les réseaux sociaux. Sur Instagram, son collègue "Naruto" – qui a par ailleurs demandé à ne pas faire circuler la vidéo du "dernier souffle de 'JP'" –, écrit : "Personne ne sait, mais tout le monde parle. On s'aimait, et c'est tout ce qui compte".
Partageant une photo en noir et blanc sur laquelle Jean Pormanove l'embrasse sur la joue, il ajoute : "6 ans qu'on rit ensemble, 6 ans qu'on se rend coup pour coup".
Responsabilité des plateformes
Mais la plupart des messages de réactions ne sont pas dupes et pointent du doigt aussi bien les streamers, que le public de ces vidéos et les plateformes de streaming elles-mêmes.
"Ce pauvre homme était en réalité victime de violence physique et psychologique, je dirais même de torture quotidienne et cela durant des années, au vu et au su de tous. Dans une indifférence abjecte", écrit le compte "Le Contemplateur" sur X. "Les plateformes de streams ont une immense responsabilité sur l'abrutissement général de toute une partie de la jeunesse. Où est la modération ?"
Publiant un extrait de vidéo dans lequel "Naruto" insulte Jean Pormanove en lisant des SMS dans lesquels ce dernier se plaint à sa mère de se sentir "séquestré avec leur concept de merde", un autre internaute commente : "Emprise psychologique, emprise financière, humiliation. Ils n'ont pas été bannis des réseaux et ont continué à se servir de la vulnérabilité de leur souffre-douleur pour faire du contenu sous le regard des mineurs qui les suivent. Terrifiant."
De son côté, "Rachid l'instit" dresse un parallèle avec Gérard de Suresnes, ou "l'histoire d'un marginal alcoolique qu'on a érigé en star de la radio seulement pour se foutre de sa gueule", dit-il, achevant : "Les médias changent, la vulnérabilité rendue spectacle reste."
Selon Médiapart, la brigade de gendarmerie de Nice est intervenue lundi matin avec l'appui de la cellule d'identification criminelle dans le local où étaient tournées les vidéos, dans la commune de Contes dans les Alpes-Maritimes. Le parquet de Nice a quant à lui indiqué au Parisien que "des auditions [étaient] en cours, et qu'une autopsie [serait] pratiquée".