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Le Japon vote pour des élections sénatoriales, cruciales pour la coalition au pouvoir
Coup d'envoi des élections sénatoriales au Japon, dimanche, un scrutin décisif pour la coalition au pouvoir du Premier ministre Shigeru Ishiba. Le gouvernement minoritaire est critiqué par l'opposition qui apparaît fragmentée. Un parti populiste anti-immigration de droite pourrait pousser à la démission le Premier ministre. 
Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba répond aux questions des journalistes au bureau du Premier ministre à Tokyo, au Japon, le 8 juillet 2025. © STR, JIJI Press, AFP

Les Japonais se rendent aux urnes. Le principal enjeu de ces élections sénatoriales, dimanche 20 juillet, est l'avenir de la coalition au pouvoir dirigé par le Premier ministre Shigeru Ishiba. Très impopulaire, sur fond d'inflation et de poussée d'un parti populiste de droite, elle pourrait perdre sa majorité au Sénat, après l'avoir perdu à la chambre des députés.

À 68 ans, Shigeru Ishiba dirige un gouvernement minoritaire depuis octobre, après avoir conduit sa formation conservatrice, le Parti libéral-démocrate (PLD), à un cuisant revers lors d'élections législatives à l'automne à la chambre basse.

Or, selon les sondages, la coalition gouvernementale, formée du PLD et du petit allié centriste Komeito, risque également de perdre dimanche sa majorité à la chambre haute du Parlement, où 125 des 248 sièges sont renouvelés. La coalition doit en remporter 50 pour conserver sa majorité.

Dans le cas contraire, "Shigeru Ishiba pourrait être forcé de démissionner", indique à l'AFP Toru Yoshida, professeur de sciences politiques à l'Université Doshisha.

Le Japon "entrera en terrain inconnu, avec un gouvernement en minorité dans les deux chambres du Parlement, situation inédite depuis la Seconde Guerre mondiale", prévient-il. Car le PLD (libéral) gouverne le Japon de manière quasi ininterrompue depuis 1955, malgré de fréquents changements de dirigeant. Shigeru Ishiba, autoproclamé "geek" des questions militaires, a pris la tête du parti en septembre, convoquant immédiatement des élections au succès très mitigé.

Désormais minoritaires à la chambre basse, le PLD et Komeito doivent transiger avec l'opposition pour faire voter leurs textes, alors même que la conjoncture s'assombrit.

Envolée des prix du riz

L'inflation reste forte (+ 3,3 % en juin hors produits frais), tirée par une vertigineuse flambée des prix du riz qui ont doublé en l'espace d'un an. "Les prix de base augmentent, mais je suis surtout inquiet que les salaires n'augmentent pas", soupire Atsushi Matsuura, 54 ans, dimanche dans un bureau de vote de Tokyo.

Hisayo Kojima, 65 ans, déplore elle la réduction constante du montant réel de sa retraite : "Nous avons beaucoup payé pour soutenir le système de retraite. C'est le problème le plus urgent", insiste-t-elle.

Pour atténuer l'impact inflationniste, Shigeru Ishiba a étendu les aides au logement, prolongé des subventions à l'énergie, et s'est engagé à verser des chèques de 20 000 yens (120 dollars) par citoyen. Les autorités ont également débloqué une partie des réserves stratégiques de riz pour faire baisser les prix, sans succès pour l'heure.

L'ombre de Donald Trump

Par ailleurs, l'offensive douanière de Donald Trump a fait plonger d'un quart les ventes automobiles vers les États-Unis, un secteur surtaxé par Washington à 25 % et qui représente 8 % des emplois dans l'archipel. La menace de surtaxes généralisées de 25 % au 1er août fragilise le tissu économique nippon, très dépendant des exportations.

Alors que le négociateur japonais s'est rendu à sept reprises aux États-Unis, les pourparlers avec Washington paraissent s'enliser. Avant les élections, Shigeru Ishiba a affiché une stratégie maximaliste consistant à réclamer l'élimination totale des droits de douane, au risque d'alarmer certains acteurs industriels. 

"La capacité du gouvernement à gérer les négociations commerciales est un enjeu critique, il est crucial pour le PLD de conforter la confiance des citoyens", confie à l'AFP Masahisa Endo, professeur de sciences politiques à l'université Waseda. 

Les marchés financiers s'inquiètent, eux, des dérives budgétaires, les massifs plans de relance et d'aides du gouvernement de Shigeru Ishiba aggravant un endettement déjà massif. Plusieurs émissions obligataires de Tokyo ont été boudées ces derniers mois, faisant s'envoler les taux nippons.

"Je voulais voter pour un parti qui ne multiplie pas les promesses (à fin électoralistes), car cela alourdirait à terme le fardeau fiscal. Mais de nombreuses formations promettent des dépenses, j'ai eu du mal à me décider", confie Norihiro Yamagishi, 54 ans, électeur à Tokyo.

Opposition : petits partis anti-système

Si on y ajoute les scandales de corruption entachant le PLD, le climat est favorable à l'opposition, mais celle-ci apparaît fragmentée. De petits partis anti-système empiètent cependant sur le vote PLD : le Sanseito, au slogan "Le Japon d'abord", pourrait remporter plus de 10 sièges, contre deux actuellement.

Cette formation, qui s'est vue contrainte de nier tout lien avec Moscou, prône des "règles et restrictions durcies" en matière d'immigration, fustige le "mondialisme" et les politiques de genre "radicales", et appelle à refondre les stratégies de vaccination et de décarbonation.

"Ils expriment ce que je pense, mais que ne pouvais pas dire depuis longtemps", confiait récemment à l'AFP une électrice lors d'un rassemblement du parti.

Avec AFP