Apparu il y a un peu plus d’un an, le mot "narchomicide" fait désormais partie du vocabulaire des rédactions françaises quand elles rendent compte de la guerre entre trafiquants de drogue à Marseille. L’Agence France-Presse (AFP) ayant elle-même adopté le terme, nombre de titres de la presse régionale et nationale l’utilisent aussi bien dans leurs textes que dans leurs titres.
Le nouveau substantif est un mot-valise, contraction de "narcobanditisme" et d’"homicide", selon la définition de celle qui a, la première, eu recours à ce terme. "Narchomicide" a fait son apparition dans la sphère publique le 1er septembre 2023, dans un communiqué de la procureure de la République de Marseille, Dominique Laurens.
La magistrate s’est expliquée quelques jours plus tard sur son choix d’employer un nouveau mot pour désigner les homicides liés au trafic de drogue, dont le nombre s'envolait dans la cité phocéenne. Dans un entretien accordé le 6 septembre 2023 à France Info, elle a surtout souligné que les homicides dont elle s’occupait ne relevaient plus vraiment de la définition policière du "règlement de comptes".
Ce n'est pas un nouveau phénomène, c'est surtout pour bien rappeler que le règlement de comptes a une signification en termes policiers. On n'est pas véritablement dans la notion de règlement de comptes, mais sur des homicides liés au narcobanditisme. Les victimes sont simplement des gens qui sont sur des points de stupéfiants. Ils ne sont pas visés pour leur participation spécifique au trafic, mais parce qu'ils sont là simplement. C'est ce qui est très frappant dans les homicides actuellement.
Comme le rappelle le quotidien régional La Provence, "selon la définition forgée dans les années 2010 par la direction centrale de la police judiciaire, la notion de règlement de comptes se base sur trois critères convergents : le mode opératoire, le mobile et le profil des victimes". Or les nombreuses victimes du narcotrafic à Marseille – un niveau record de 49 morts en 2023 – ne sont plus systématiquement issues des différents gangs et n’ont pas toujours de rapport direct avec le trafic de stupéfiants.
En effet, pour ces gangs concurrents qui multiplient les fusillades, "il s'agit simplement d'impressionner pour reprendre le point de stupéfiants. Il s'agit de marquer par la terreur l'équipe adverse et de marquer finalement son territoire", selon Dominique Laurens. Le caractère aléatoire de certains homicides exclut ainsi les personnes tuées du périmètre officiel des règlements de comptes.
D’où la nécessité de recourir à un nouveau terme, "narchomicide", à qui un bel avenir semble malheureusement promis – même si selon les derniers chiffres du parquet marseillais, le phénomène est en nette baisse en 2024.