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Bombardements au Liban, tensions avec l'Iran : la guerre à Gaza éclipsée ?
Les affrontements entre le Hezbollah et l'armée israélienne, entrée au Liban, ainsi que les tensions avec l’Iran ont fait passer au second plan la guerre à Gaza déclenchée par les attaques du 7-Octobre. Pourtant, l’armée israélienne n’a pas encore atteint tous ses objectifs face au Hamas.

Des explosions violentes et d'intenses bombardements israéliens. Non, cela ne se passe pas au Liban. Du moins, pas seulement. Cette fois-ci, c'était à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, où l'armée israélienne a mené une opération mercredi 2 octobre.

Car la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza continue. Certes, toute l'attention médiatique est actuellement tournée vers le Nord et l'opération militaire israélienne au Liban. Pas étonnant : le gouvernement israélien a redéployé des troupes affectées jusqu'alors aux opérations dans le Sud pour participer aux combats contre le Hezbollah.

"Operations de faible intensité"

Yoav Gallant, le ministre israélien de la Défense, a même qualifié les incursions au Liban de "nouvelle phase" du conflit. Comme si la page de la guerre à Gaza était tournée.

Pourtant, les bombardements à Khan Younès – accompagné par une opération au sol d'après The Guardian – ont fait plus de 50 victimes, d'après les autorités médicales palestiniennes.

De nouveaux bombardements israéliens ont entraîné, vendredi 4 octobre, la mort d'au moins 29 personnes dans la bande de Gaza, selon des sources médicales palestiniennes citées par l'agence de presse Reuters.

Contactée par le quotidien britannique, l'armée israélienne n'a pas commenté l'étendue des combats en cours dans la bande de Gaza. Elle a simplement confirmé mener des "raids ciblés" contre des "combattants" palestiniens autour du corridor de Netzarim, une route d'environ sept kilomètres construite par l'armée israélienne qui coupe l'enclave palestinienne en deux dans la largeur.

"Ce qu'on peut dire, c'est qu'Israël mène essentiellement des opérations de plus faible intensité à Gaza, visant avant tout à empêcher le Hamas de se réorganiser", précise Veronika Poniscjakova, spécialiste des aspects militaires du conflit israélo-palestinien à l'université de Portsmouth, en Grande-Bretagne.

Les rares informations diffusées ces derniers jours sur les combats dans la bande de Gaza – essentiellement sur des sites spécialisés comme celui de l'Institute for the Study of War, un centre de réflexion stratégique américain –, évoquent des attaques contre "des infrastructures" du Hamas ou des "centres de commandement". À chaque fois ou presque, il s'agit de frappes aériennes.

Il faut dire que le nombre de soldats israéliens au sol a sensiblement baissé dans l'enclave. L'armée israélienne ne communique pas sur le nombre de troupes engagées à Gaza depuis le début du conflit, mais au plus fort de l'offensive contre le Hamas, fin 2023, le site Foreign Affairs estimait que près de 40 000 soldats israéliens participaient aux combats.

Une aubaine pour le Hamas ?

En avril, l'état-major avait confirmé qu'une partie des forces israéliennes actives à Gaza avaient été réaffectées ailleurs. Et plus récemment, la 98e division de parachutistes, l'une des principales unités de forces spéciales déployées à Gaza, a été appelée sur le front libanais.

"Les forces restantes au sol sont positionnées le long des corridors de Netzarim et de Philadelphie [une zone tampon à la frontière entre Gaza et l'Égypte, NDLR], et l'essentiel de leur activité consiste à empêcher des Gazaouis de retourner dans leurs foyers dans le nord de l'enclave palestinienne", résume Ahron Bregman, politologue et spécialiste du conflit israélo-palestinien au King's College de Londres.

Pour les experts interrogés par France 24, le "risque pour Israël est que cette force restée à Gaza ne suffise pas à empêcher le Hamas de se réorganiser", souligne Veronika Poniscjakova. Certes, "le Hamas est durablement meurtri et saigne, mais il est toujours debout", ajoute Ahron Bregman.

Pour cet expert, les responsables du Hamas doivent "se réjouir des développements au Nord. La perspective d'un véritable conflit régional peut reléguer le Hamas au statut de menace militaire de second plan aux yeux de l'armée israélienne".

De quoi offrir au mouvement islamiste palestinien du répit et davantage de liberté pour tenter de recruter des nouveaux militants, et pour "réorganiser des filières d'approvisionnionnement en armes", note Veronika Poniscjakova.

"ll ne faut surtout pas sous-estimer la capacité du Hamas à rebondir", ajoute cet expert. Elle en veut pour preuve l'attaque meurtrière menée mercredi dans la banlieue de Tel-Aviv, revendiquée par la branche armée du Hamas, qui a agi depuis la Cisjordanie. "À moyen terme, cette organisation reste la principale menace pour Israël", assure Veronika Poniscjakova.

Retarder le cessez-le-feu avec le Hamas

Le problème est que, politiquement, le gouvernement de Benjamin Netanyahu "apparaît soulagé de pouvoir se concentrer sur le Nord" et de mettre temporairement sous le tapis "le travail inachevé à Gaza", affirme Ahron Bregman.

La prochaine étape pour Benjamin Netanyahu serait "de négocier un cessez-le-feu avec le Hamas, ce qui impliquerait la récupération des otages, dont une partie a été tuée, en échange d'un prix fort, notamment la libération de membres du Hamas", souligne Ahron Bregman. Des concessions que le gouvernement très à droite de Benjamin Netanyahu n'a, selon cet expert, aucune envie de faire pour l'instant.

L'opération au Liban permet de repousser cette échéance, ce qui fait les affaires du gouvernement, même si concrètement, "cela implique d'abandonner pour l'instant les otages à leur sort", conclut Ahron Bregman. Après 12 mois de guerre, 97 otages enlevés lors des attaques du 7-Octobre n'ont toujours pas été libérés et les autorités israéliennes ne savent pas combien sont encore en vie.