Imperturbable malgré le chahut dans l'hémicycle, Michel Barnier a égrené ses priorités, mardi, lors de sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, largement tournée vers le redressement des finances publiques et la réduction d'une dette "colossale", décrite comme une "épée de Damoclès" au-dessus de la France.
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Accepter Gérer mes choix"Niveau de vie", "services publics", école et santé en tête, "sécurité", "immigration" et "fraternité" : le Premier ministre Michel Barnier a exposé devant l’Assemblée nationale, mardi 1er octobre, ses "cinq chantiers prioritaires".
Dans un discours de 1 h 23, le nouveau Premier ministre, issu du parti de droite Les Républicains (LR), a insisté sur la nécessité, d’une part, de redresser les finances publiques et de réduire la dette, et d’autre part, de reprendre en main la politique migratoire "que nous ne maîtrisons plus de manière satisfaisante".
L'Assemblée nationale ne s'était pas réunie depuis la mi-juillet et la reconduction au perchoir de la présidente (Renaissance) Yaël Braun-Pivet. Après une minute de silence en hommage à Philippine, jeune étudiante tuée il y a dix jours à Paris, l'hémicycle a rapidement retrouvé ses habitudes bruyantes et dissipées. Les députés de La France insoumise ont notamment brandi leurs cartes d'électeur en signe de protestation contre la nomination de ce Premier ministre venu de la droite, solution concoctée par Emmanuel Macron après la dissolution, alors que le bloc de gauche était arrivé en tête des élections législatives.
Voici les principales annonces et déclarations de Michel Barnier.
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Réduire les dépenses et faire contribuer grandes entreprises et Français fortunés
Pour redresser les finances publiques très dégradées, et ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025 puis "sous le plafond de 3 %" en 2029, deux ans plus tard que l'échéance fixée par le précédent gouvernement, Michel Barnier compte réduire les dépenses tout en jouant sur le levier fiscal.
"Le premier remède à la dette, c'est la réduction des dépenses. En 2025, les deux tiers de l'effort de redressement viendra donc de la réduction des dépenses. Réduire les dépenses, c'est renoncer à l'argent magique, à l'illusion du tout gratuit, à la tentation de tout subventionner", a-t-il déclaré.
Le Premier ministre compte aussi mettre à contribution les "grandes entreprises" et les "Français les plus fortunés", prévenant que la dette "colossale" du pays risquait de le conduire "au bord du précipice".
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"Nous ne maîtrisons plus de manière satisfaisante notre politique migratoire"
Michel Barnier a estimé que la France "ne maîtrise plus de manière satisfaisante" sa "politique migratoire", et qu'elle n'atteint donc "plus de manière satisfaisante" son "devoir républicain d'intégration".
Promettant d'agir avec "gravité" et "dignité", le Premier ministre a annoncé que son gouvernement proposerait "de faciliter la prolongation exceptionnelle de la rétention des étrangers en situation irrégulière, pour mieux exécuter les obligations de quitter le territoire français". Il envisage aussi de restreindre "davantage l'octroi de visas" pour les pays qui rechignent à délivrer les laissez-passer nécessaires à l'expulsion de leurs ressortissants.
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Nouvelle-Calédonie : report des élections provinciales "jusque fin 2025"
Michel Barnier a annoncé que les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie seront reportées "jusque fin 2025" et que le projet de loi constitutionnelle de dégel du corps électoral, à l'origine des émeutes qui ont enflammé l'archipel, ne "sera pas soumis au Congrès".
Le Premier ministre s'est dit désireux de s'impliquer "personnellement" dans ce dossier. "Une mission de concertation" conduite par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, se rendra sur place "prochainement". "Une nouvelle période doit maintenant s'ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie, à la recherche d'un consensus politique sur son avenir institutionnel", a-t-il encore dit.
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Nécessité du "respect de l'État de droit", garantie des libertés sur l’IVG, le mariage pour tous et la PMA
Le Premier ministre a rappelé la nécessité du "respect de l'État de droit", après la polémique créée par les propos de son ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui avait déclaré ce week-end que l'État de droit n'était "pas intangible, ni sacré".
"La fermeté de la politique pénale, que les Français demandent, est indissociable du respect de l'État de droit et des principes d'indépendance et d'impartialité de la justice, auxquels je suis personnellement profondément et définitivement attaché", a-t-il indiqué.
Michel Barnier a énoncé ses "propres lignes rouges" sur les questions de société, assurant qu'il ne tolérerait "aucun accommodement sur la défense de la laïcité" ni "aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans" sur l'IVG, le mariage pour tous ou la PMA.
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Revalorisation du Smic de 2 % "dès le 1er novembre"
"Nous revaloriserons le Smic de 2 % dès le 1er novembre, par anticipation de la date du 1er janvier", a annoncé le Premier ministre.
"Il reste dans notre pays des branches professionnelles dans lesquelles les minimas sont inférieurs au Smic, ce n'est pas acceptable et cela fera l'objet de négociations rapides", a ajouté le chef du gouvernement, qui a cité parmi ses cinq chantiers prioritaires celui du "niveau de vie des Français".
"En outre, il est désormais démontré que notre dispositif d'allègement de charges freine la hausse des salaires au-dessus du Smic: nous le reverrons", a-t-il poursuivi.
Avec la revalorisation du salaire minimum annoncée "par anticipation" par Michel Barnier, le Smic net mensuel serait ainsi porté à environ 1 426 euros nets, contre 1 398,70 euros actuellement.
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Fin de vie : "reprendre le dialogue" avec le Parlement en début d'année 2025
Michel Barnier a annoncé qu'il souhaitait "reprendre le dialogue" avec le Parlement en début d'année 2025 sur le projet de loi sur la fin de vie, dont l'examen avait été suspendu à l'Assemblée en juin par la dissolution.
Pour "accompagner les personnes en fin de vie", "nous allons reprendre le dialogue avec vous, avec le Sénat, les soignants et les associations, en début d'année prochaine sur le projet de loi dont l'examen a été interrompu par la dissolution", a indiqué le Premier ministre devant les députés.
Il a aussi promis que, "sans attendre", les "efforts en faveur du développement des soins palliatifs seront renforcés dès 2025".
Le texte, arrêté avant la fin de sa première lecture à l'Assemblée, devait légaliser le suicide assisté et, dans certains cas, l'euthanasie, avec de strictes conditions et sans employer ces termes, préférant parler d'"aide active à mourir". Sa relance apparaît plus complexe avec le gouvernement Barnier, plus marqué à droite.
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Assurance chômage : Michel Barnier redonne la main aux partenaires sociaux
Le Premier ministre a redonné la main aux syndicats et au patronat pour négocier "sur notre système d'indemnisation du chômage" ainsi que sur "l'emploi des seniors", enterrant du même coup la réforme de l'assurance chômage prévue par le gouvernement Attal.
Les partenaires sociaux "sont les mieux placés pour apporter des solutions", a estimé le chef du gouvernement. Il a demandé que cette négociation s'ouvre "dès les prochaines semaines", alors que les règles actuelles d'indemnisation des demandeurs d'emploi ont été prolongées par décret jusqu'au 31 octobre.
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"Les travaux de planification" dans le domaine de l'énergie et du climat "vont reprendre immédiatement"
Michel Barnier a annoncé que les travaux de planification dans le domaine de l'énergie et du climat "vont reprendre immédiatement" sur la base des travaux déjà effectués, mardi dans sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale.
Cela se fera "avec les outils dont nous disposons : la Stratégie française énergie-climat, le troisième plan national d'adaptation au changement climatique, la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie", a-t-il déclaré.
Ces textes, qui ont jusqu'à un an de retard, sont très attendus par les acteurs du secteur et les associations de protection de l'environnement.
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Annonce d’une "grande conférence nationale" sur l'eau
Le Premier ministre a par ailleurs annoncé la tenue d'une "grande conférence nationale sur l'eau" pour "agir" concernant les "enjeux stratégiques" liés à cette ressource naturelle, de moins en moins maîtrisable dans le contexte du dérèglement climatique.
Il a notamment évoqué les "sécheresses", les "inondations", les "conflits des usages", la "pollution des nappes phréatiques" ou l'"envolée des prix" parmi les problématiques" concernant l'eau en France.
"Nous sommes 60 ans après la première loi sur l'eau de 1963 et je pense que, en prenant en compte les travaux et les réflexions engagées ces dernières années, le moment est venu" pour "agir", a indiqué Michel Barnier. Il n'a en revanche pas précisé à quelle échéance aura lieu cette conférence.
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Le projet de loi d'orientation agricole repris "sans délai" par le gouvernement
Le projet de loi d'orientation agricole, dont le parcours parlementaire avait été interrompu par la dissolution de l'Assemblée nationale, sera repris "sans délai" par le gouvernement, a annoncé Michel Barnier.
Très attendue par le secteur, cette loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture (PLOA) avait été adoptée en première lecture à l'Assemblée en mai. Elle doit mettre en œuvre une grande partie des revendications exprimées lors des manifestations du début d'année.
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Retraites : "réfléchir à des aménagements raisonnables" de la réforme
Michel Barnier s'est dit ouvert à des "aménagements raisonnables et justes", en concertation avec les partenaires sociaux, sur la très décriée réforme des retraites en vigueur depuis l'an dernier.
"Certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées. Les questions des retraites progressives, de l'usure professionnelle, de l'égalité entre les femmes et les hommes face à la retraite méritent mieux que des fins de non-recevoir", a-t-il déclaré.
"Sur ces sujets, nous proposerons aux partenaires sociaux de réfléchir à des aménagements, raisonnables et justes", a-t-il ajouté, sans préciser de délai ou de calendrier.
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"Prêt à une réflexion et une action sans idéologie sur le scrutin proportionnel"
Michel Barnier s'est dit "prêt à ouvrir une réflexion et une action sans idéologie sur le scrutin proportionnel" pour les élections législatives, réclamé par une partie de la classe politique, de la gauche au Rassemblement national en passant par le MoDem.
"J'ai bien entendu les appels à davantage de représentativité", a assuré le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement. Sans entrer dans le détail, il a relevé que ce mode de scrutin était "déjà mis en œuvre au Sénat et dans les collectivités et pratiqué, à des degrés différents d'ailleurs, chez beaucoup de nos voisins".
Avec AFP