Annoncée par l'armée israélienne puis confirmée par le Hezbollah, samedi 28 septembre, la mort de Hassan Nasrallah marque sans doute un tournant dans la poursuite de la guerre au Proche-Orient. Dans la foulée de la confirmation par le Hezbollah de la mort de son chef, le mouvement chiite libanais a prévenu qu'il poursuivrait sa bataille contre Israël "en soutien à Gaza et à la Palestine, et pour la défense du Liban et de son peuple".
Mais le pourra-t-il seulement ? Le Hezbollah ressort en effet très affaibli à la suite des attaques israéliennes des derniers jours qui ont tué de nombreux cadres du Hezbollah, sans compter son puissant chef vendredi. Le Hezbollah possèderait 150 000 roquettes et missiles, parmi lesquels environ 1 000 missiles balistiques, dont 200 qui peuvent frapper le territoire israélien en profondeur.
Une grande partie de cet "arsenal a été détruit par les frappes menées par l'armée israélienne" explique Karim Yahiaoui, envoyé spécial de France 24 à Beyrouth. De plus, leurs missiles sont la plupart du temps interceptés, à l'instar de celui qui a visé le QG du Mossad, mercredi, près de Tel Aviv. "Même s'il reste une capacité de frappe et de tir du côté du Hezbollah, pour l'instant, elle s'est montrée relativement inefficace à atteindre des objectifs militaires israéliens" estime ainsi le journaliste de France 24.
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Accepter Gérer mes choixSi la vengeance est "incontournable" pour le Hezbollah, elle sera " difficile à mettre en œuvre tant l'organigramme du Hezbollah a été ravagé par les frappes de ces derniers jours", considère Karim Yahiaoui. "La capacité du Hezbollah dans son organisation et dans sa capacité à tirer de façon organisée vers Israël est sans doute largement remise en cause".
Israël avait déjà mené une opération de désorganisation des communications du mouvement chiite libanais, en faisant exploser ses bipeurs et ses talkie-walkies, qui s'est parachevée par la mort de Hassan Nasrallah. Celui-ci "a été tué avec d'autres hauts responsables du Hezbollah dans une réunion très importante où ils étaient nombreux à s'être retrouvés".
"Prendre un tel risque signifie que le Hezbollah ne pouvait plus réellement communiquer et s'organiser à distance car les moyens de communication étaient tout simplement vérolés, en quelque sorte noyautés par les services de renseignement israéliens qui ont montré leur capacité à obtenir des informations extrêmement précises" explique encore Karim Yahiaoui depuis Beyrouth, qui fait état de la paranoïa au sein des militants du Hezbollah, alors que la recherche de traîtres est "évidente".
Hachem Safieddine pressenti pour succéder à Hassan Nasrallah
Un nom circule déjà pour succéder à Hassan Nasrallah, celui de Hachem Safieddine. Pressenti depuis plusieurs années, le chef du conseil exécutif du Hezbollah, deuxième poste de direction du mouvement, aurait survécu jusqu'à présent aux attaques israéliennes qui ont décimé l'organisation chiite, selon une source du parti chiite. Cousin de Hassan Nasrallah, avec lequel il partage une certaine ressemblance physique, portant comme lui le turban noir indiquant sa descendance du prophète de l'islam, Mahomet, Hachem Safieddine supervise les affaires politiques du Hezbollah. Il siège également au Conseil du Jihad, qui gère les opérations militaires du groupe.
Désigné comme terroriste en 2017 par le Département d'État américain, il s'inscrit dans la position militante du Hezbollah et son alignement sur la cause palestinienne. "Que (l'ennemi) se prépare à pleurer et à se lamenter", a-t-il notamment déclaré lors des funérailles d'un autre commandant du Parti de Dieu tué par Israël, menaçant l'État hébreu de représailles.
Hachem Safieddine, qui partage la vision stratégique et idéologique de son cousin, avec lequel il a d'ailleurs étudié dans la ville iranienne de Qom dans sa jeunesse, est perçu comme celui qui pourrait perpétuer l’héritage de la "résistance" tout en maintenant l’alliance avec l’Iran et d’autres partenaires régionaux.
Quelles réaction de l'Iran ?
La mort de Hassan Nasrallah constitue un coup dur pour le Hezbollah, mais aussi pour l'Iran, dont les Gardiens de la révolution ont fondé le mouvement en 1982.
Le guide suprême de la Révolution islamique depuis 1989, l'ayatollah Ali Khamenei, a appelé samedi les musulmans à "se tenir aux côtés du peuple libanais et du fier Hezbollah par tous les moyens dont ils disposent et à les aider à affronter le (...) régime diabolique (d'Israël)".
La grande question qui fait suite à la décapitation du Hezbollah est la réaction de l'Iran, qui fait profil bas depuis l'escalade brutale du conflit ces derniers jours.
Amar Al Hameedawi, grand reporter à France 24, estime qu'avec cette frappe qui a tué Hassan Nasrallah, ce n'est plus l'"axe de la résistance", constitué par l'Iran, avec la Syrie et des milices armées pro-Iran et pro-syriennes contre l'État hébreu et les États-Unis, qui mène la danse dans la région, mais Israël.
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Accepter Gérer mes choixUne opportunité pour le Liban ?
Ofer Bronchtein, président et cofondateur du Forum international pour la paix, estime de son côté que l'élimination de Hassan Nasrallah est "un coup sans précédent porté aux extrémistes chiites" mais pas "un coup sans précédent porté aux pays arabes avoisinants qui, eux non plus, n'ont jamais eu beaucoup de respect pour le Hezbollah".
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Accepter Gérer mes choixPour l'ancien conseiller du Premier ministre israélien Itzhak Rabin, "les Libanais doivent sentir quelque part un mouvement de libération". "Je pense qu'il est temps maintenant pour le peuple libanais de reprendre contrôle de son destin, de reprendre contrôle de son territoire et de n'avoir qu'une seule armée qui soit l'armée libanaise", considère Ofer Bronchstein, qui ajoute que "le Hezbollah aujourd'hui est un État dans l'État, qui a pris le contrôle du Liban contre la volonté des Libanais eux-mêmes". "Il n'y a pas de grand litige entre Israël et le Liban, contrairement à Israël et les Palestiniens", ajoute-t-il.
Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a lui-même déclaré, samedi, que "la guerre d'Israël n'est pas contre le peuple libanais". "Il (Nasrallah) a assassiné des milliers d'Israéliens et de citoyens étrangers. Il représentait une menace immédiate pour la vie de milliers d'Israéliens et d'autres citoyens", a-t-il ajouté dans un communiqué. "Au peuple du Liban, je dis : notre guerre n'est pas contre vous. Il est temps que le changement se produise".
Les frappes israéliennes se poursuivaient néanmoins samedi sur le Liban et la banlieue sud de Beyrouth, tandis que les sirènes résonnaient dans le nord du pays, cible de roquettes du Hezbollah.