La vallée de Ferghana est le théâtre d'une guerre de l'eau opposant le Kirghizstan et le Tadjikistan. La raréfaction des ressources et le changement climatique accentuent le conflit. Avec la disparition progressive des glaciers de Ferghana, c'est l'avenir même de la vallée qui est en jeu. Un reportage de Marie Boyer et Germain Baslé.
C’est une oasis de fertilité en plein cœur d’une région de steppes arides. La vallée de Ferghana, à cheval entre l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan, concentre les ressources en eau d'un territoire où vivent 15 millions de personnes. Une terre féconde, théâtre depuis plusieurs décennies d’un conflit d'un genre nouveau : une guerre de l’eau.
Ces dernières années, des affrontements de plus en plus violents se multiplient à la frontière entre le Kirghizstan et le Tadjikistan. Autour des réservoirs d’eau, les militaires kirghizes tirent à balles réelles contre les Tadjiks, pour repousser la prise de ce territoire hautement stratégique. Une dizaine d'affrontements ont lieu chaque année, dont le plus meurtrier en 2022 a fait au moins 36 morts et des milliers de civils déplacés. Lorsque l’eau vient à manquer pour irriguer les champs, les habitants se font justice eux-mêmes dans certains villages frontaliers, où l'on assiste à des scènes de violence : jets de pierres et maisons incendiées.
Objet d'une surveillance militaire poussée, l'eau est une ressource essentielle pour ces deux pays. Pauvres en énergies fossiles, les gouvernements du Kirghizstan et du Tadjikistan se livrent bataille pour devenir le château d’eau de l’Asie centrale afin de revendre l’or bleu aux autres pays de la région.
Mais au-delà de leurs différends géographiques, les deux pays doivent faire face à un autre problème : l’accélération du réchauffement climatique. Avec la fonte des glaciers de Ferghana, c'est toute la vallée qui risque de se retrouver à court d'eau, alimentant ainsi le cycle infernal des guerres autour de cette précieuse ressource.