La passe d'armes entre le pensionnaire de Bercy et la cheffe des députés du Rassemblement national a offert une première illustration du rôle "d'arbitre des élégances" que le parti à la flamme et ses alliés, forts de 142 députés, entendent jouer dans la nouvelle Assemblée nationale.
Et c'est le jeune ministre savoyard de l'Économie, Antoine Armand, qui a essuyé les plâtres de cette nouvelle donne politique.
Sur France Inter mardi matin, le macroniste de 33 ans a d'abord rappelé que de nombreux députés avaient été élus à la faveur du "front républicain" face au parti d'extrême droite aux législatives.
À ce titre, il s'est dit ouvert à collaborer avec tous les partis, "dans l'arc républicain". "Le Rassemblement national contre lequel nous avons été élus, face auquel nous avons fait un front républicain, n'y appartient pas", a-t-il ajouté.
Dans les couloirs du palais Bourbon, la réaction de Marine Le Pen, qui revendique vouloir "peser" sur le gouvernement Barnier, ne s'est pas fait attendre. S'adressant directement au chef du gouvernement, elle a haussé le ton.
"Quand j'entends M. Armand ce matin qui explique que sa porte sera toujours fermée aux députés du RN alors que nous avons juste le budget qui arrive, je pense que le Premier ministre doit aller expliquer à l'ensemble de ses ministres quelle est la philosophie de son gouvernement, car il semblerait que certains n'aient pas encore totalement compris", a-t-elle grincé.
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Accepter Gérer mes choixCoup de fil de Michel Barnier à Marine Le Pen
Le locataire de Matignon a alors contacté la cheffe des députés lepénistes pour "rectifier", selon le patron du groupe Union des droites pour la République Eric Ciotti, allié du RN. Un coup de fil de déminage confirmé par une source au sein du parti à la flamme.
"Nous attendons" de Michel Barnier "qu'il désavoue publiquement M. Armand", a encore souligné Eric Ciotti.
Message reçu, semble-t-il, puisque l'entourage du chef du gouvernement a fait savoir que ce dernier avait appelé son ministre pour répéter "les règles fixées", "à savoir le respect des électeurs et le respect des responsables politiques représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat".
Un rappel à l'ordre assorti d'un rétropédalage : Bercy a annoncé dans la foulée qu'Antoine Armand recevrait bien "toutes les forces politiques représentées au Parlement" au sujet de la situation très dégradée des finances publiques.
La séquence suscite la colère à gauche.
"Il faut vraiment n'avoir aucune dignité pour accepter de se faire recadrer par l'extrême droite sans réagir", a dénoncé le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard, le leader du mouvement Jean-Luc Mélenchon fustigeant un gouvernement "passe-plats du RN".
Grogne aussi dans l'aile gauche de la macronie. "Antoine Armand est légitime, comme moi, comme les millions de Français qui ont voté pour le front républicain, à considérer que le RN ne fait pas partie de l'arc républicain", a tonné la députée Stella Dupont.
Interrogé par l'AFP, le député Ludovic Mendes admet que le ministre ait pu avoir une expression malheureuse, mais s'indigne que Matignon "ait fait fuiter que Michel Barnier avait appelé Marine Le Pen", et "expliqué en complément que +la prochaine fois c'est la porte+".
Tenter de faire retomber la pression était nécessaire pour le locataire de Matignon tant son gouvernement a besoin du soutien tacite du RN pour éviter l'adoption d'une motion de censure qui sera déposée par la gauche.
Face à ce danger latent, Michel Barnier, placé "sous surveillance" par le RN, avait envoyé des signes de conciliation à Marine Le Pen dès sa nomination: "Je la rencontrerai, je la verrai, je la respecte. (...) Et je respecte près de 11 millions de Français qui ont voté pour le Rassemblement national", avait-il ainsi affirmé lors de son premier JT le 6 septembre sur TF1.
Dans l'entourage du ministre de l'Économie, soucieux de minimiser ce premier couac, on martèle que "Michel Barnier et Antoine Armand (..) sont exactement sur la même ligne".
AFP