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Présidentielle américaine : pour Donald Trump, une dernière ligne droite émaillée de scandales
Un candidat républicain qui se quafilie de "nazi noir", des sorties racistes qui déchaînent les réseaux sociaux, une guerre ouverte avec Taylor Swift… Depuis début septembre, la campagne de Donald Trump est marquée par de nombreux tumultes et controverses. Une habitude pour le candidat républicain, qui vient cependant trancher avec la relative mesure dont il faisait preuve jusqu'ici.

Des polémiques à la chaîne. Depuis le 20 septembre, Donald Trump est éclaboussé par le scandale entourant un autre républicain, Mark Robinson. Candidat au poste de gouverneur en Caroline du Nord, il est au cœur de vives critiques après la révélation par CNN de messages controversés, publiés sur un site pornographique dans les années 2010 où il se présentait comme un "nazi noir" et appelait au rétablissement de l'esclavage.

Or, connu depuis longtemps pour ses discours enflammés, Mark Robinson a souvent pu compter sur le soutien de l'ancien président. Avant les primaires de mars, Donald Trump l'avait, par exemple, qualifié de "Martin Luther King sous stéroïdes" en raison de ses talents d'orateur.

Ce dernier épisode vient s'ajouter à une série de controverses et de polémiques qui émaillent la campagne de Donald Trump depuis un mois. Fin août, il s'était retrouvé au centre de critiques après que son équipe a tenté de le photographier lors d'une cérémonie en hommage à des soldats morts en Afghanistan, au cimetière militaire d'Arlington, près de Washington - un lieu où les 'actes politiques' sont normalement interdits. "Donald Trump a choisi de filmer une vidéo là-bas, ce qui a abouti à une altercation avec le personnel du cimetière. Que ce soit clair : l’ancien président a manqué de respect à un sol sacré, tout cela pour un coup d’éclat politicien", dénonçait alors sa rivale dans la course à la Maison Blanche, Kamala Harris.

Une dizaine de jours plus tard, le 10 septembre, l'ancien président déclenchait de nouveau une multitude de réactions sur les réseaux sociaux en affirmant, en plein débat face à Kamala Harris, que les migrants haïtiens de la ville de Springfield, dans l'Ohio, "mangaient des animaux domestiques". Rebelote le lendemain, lorsqu'il invitait Laura Loomer, une influenceuse d'extrême droite connue pour promouvoir les théories du complot autour du 11-Septembre, à se joindre à lui pour les commémorations des attentats. Cette militante affirme notamment que ces tragédies étaient un "coup monté" par le gouvernement américain.

Ensuite, ce sont les attaques contre la star de la pop Taylor Swift, fraîchement ralliée à Kamala Harris, qui ont entraîné une vague de colère de la part des "Swifties". "Je déteste Taylor Swift", avait-il écrit en lettres majuscules dans un post sur son réseau social, Truth Media. En parallèle, l'ancien président a multiplié les blagues et insultes sur Kamala Harris en la traitant de "folle" et de "menteuse", a proféré des remarques racistes à l'encontre des immigrés ou encore fait la promotion de théories du complot. 

Et à tout cela est venu s'ajouter une seconde tentative d'assassinat contre Donald Trump le 15 septembre - une attaque qui lui aura finalement servi à dénoncer la "rhétorique de la gauche communiste" du président Biden et de Kamala Harris. Peu après l'incident, le candidat républicain a en effet affirmé à Fox News que le suspect "adhérait au discours de Biden et Harris, et a agi en conséquence". "Leur rhétorique fait que l'on me tire dessus", a dénoncé l'ancien président américain.

Renouer avec la stratégie de 2016

Si Donald Trump est un grand habitué des controverses, "depuis le début de la campagne présidentielle, tous ses conseillers lui demandaient de s'en tenir à son programme et de rester plus mesuré", raconte Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ). S'il n'a pas pu s'empêcher quelques sorties remarquées, ce dernier est ainsi resté étonnamment mesuré, se tenant par exemple à l'écart au moment du retrait de Joe Biden. "Mais depuis un mois, on assiste effectivement à une intensification dans la rhétorique provocatrice de Donald Trump", estime le spécialiste.

Le signe, analyse-t-il, d'un sentiment de frustration de la part du candidat. "Donald Trump a toujours été tiraillé entre la stratégie et l'instinct", explique-t-il. "Il y a quelques mois, quand Joe Biden était encore candidat, il pensait la victoire acquise. Aujourd'hui, cela est plus incertain. Alors, il s'énerve. Et quand Trump s'énerve, il renoue avec ses habitudes et il fait du Trump au carré."

L'agacement est par ailleurs d'autant plus grand, selon le spécialiste, que "jusque là, Trump avait toujours été très bon pour trouver comment attaquer son adversaire - Joe Biden, sur son âge par exemple. Mais concernant Kamala Harris, il n'y parvient pas. Il a bien essayé de lui trouver des surnoms avec "Camarade Kamala", en référence au communisme, ou de se moquer de son rire, mais rien ne prend vraiment."

Donald Trump semble ainsi renouer avec la stratégie qu'il avait mise en place pour sa première élection présidentielle, en 2016. "Chaque sortie polémique lui permettait de tirer toute l'attention sur lui. On demandait à ses adversaires de réagir à ses propos et il maîtrisait le narratif", rappelle le spécialiste. "Il essaie d'utiliser la même recette pour reprendre la main."

Aller chercher les abstentionnistes

Derrière cette rhétorique se cache cependant aussi une stratégie pour le candidat à la Maison Blanche. "Contrairement à Kamala Harris qui mise là-dessus, Donald Trump ne tente pas du tout d'aller chercher les électeurs du centre", poursuit Lauric Henneton. "Avec ses discours, il va plutôt chercher les abstentionnistes et tous les électeurs éloignés du vote", estime-t-il.

À travers ses prises de parole et ses postures polémiques, il cultive toujours en effet la figure d'un candidat "différent", "rebelle", qui fait "un bras d'honneur au politiquement correct."

Mais cela lui permet aussi "de flatter sa base et de la motiver", estime de son côté Jérôme Viala-Godefroy, maître de conférences à Sciences-Po Saint-Germain-en-Laye et spécialiste des États-Unis. "Il semble être toujours dans le spontané, ne pas changer et être authentique et cela plaît à ses farouches défenseurs".

De quoi, peut-être, préparer un éventuel "après-défaite". "Ces déclarations très fortes, notamment sur l'immigration ou encore ses attaques sur Kamala Harris, lui permettent non seulement de conforter sa base mais aussi de commencer à préparer l'après, en attisant la colère", analyse-t-il. "Il se sent sous pression devant un scrutin serré et il se prépare sans doute à devoir contester les élections".

Un impact très difficile à mesurer

Quelles que soient les raisons de ces polémiques à répétition, leur impact sur la campagne électorale reste très difficile à mesurer. Selon un sondage YouGov, Kamala Harris obtiendrait 52 % des voix contre 48 % pour Donald Trump et mènerait légèrement dans quatre États-clés, notamment en Pennsylvanie, dans le Wisconsin ou encore dans le Michigan.

"Avec une élection qui s'annonce si serrée, tout peut faire une différence et compter. Mais difficile, voire impossible, de savoir à quel point et à qui cela bénéficiera", estime Jérôme Viala-Godefroy.

D'autant plus, abonde Lauric Henneton, que la population exprime de plus en plus de lassitude devant la vie politique. "Les électeurs sont submergés par les controverses et les débats politiques. Cela devient non seulement difficile à suivre mais surtout certains n'en ont plus envie."

Surtout, "rien ne semble jamais affecter Donald Trump de manière durable ou définitive. Sa popularité n'est jamais entamée", termine-t-il. "Controverses ou non, il paraît donc encore très loin de s'effondrer."

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