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Attaques au Liban : qui sont les victimes des explosions de bipeurs et de talkies-walkies ?
Le Liban a été ébranlé, mardi et mercredi, par deux séries d’explosions meurtrières ayant visé le Hezbollah et attribuées à Israël. Des bipeurs et des talkies-walkies des membres du mouvement islamiste ont servi d'armes. Le dernier bilan est d'au moins 37 morts et plus de 3 500 blessés. On compte des civils parmi les victimes de ces attaques.

Dans un magasin de Beyrouth, mardi après-midi. Au rayon légumes, un homme portant une casquette semble faire ses courses tout comme d'autres personnes à proximité. Puis une détonation. L’homme tombe à terre, des personnes se mettent à courir dans tous les sens. La scène se répète ailleurs au Liban : un petit appareil portable placé à côté de la caisse d'une épicerie explose soudainement. Le propriétaire de l'objet est touché par l’impact. Les caissières prennent la fuite.

Parmi d’autres, ces images de vidéosurveillance diffusées sur les réseaux sociaux donnent à voir un échantillon de ce qu'il s'est passé au Liban, mardi et mercredi. Au moment de l’écriture de cet article, jeudi 19 septembre, ces attaques attribuées à Israël ont causé la mort d’au moins 37 personnes et fait plus de 3 500 blessés, selon le ministère libanais de la Santé.

Des milliers de bipeurs et de talkies-walkies du Hezbollah sont instantanément devenues des armes, faisant des victimes dans les rangs du mouvement islamiste libanais… mais pas seulement. Sans que l’on puisse exactement préciser leur nombre, certaines personnes ont été touchées par ces attaques simplement parce qu’elles se trouvaient à proximité d’un des appareils de communication du parti chiite pro-iranien.

Au moment des explosions simultanées, les détenteurs de bipeurs ou de talkies-walkies se trouvaient dans des maisons, des voitures, des épiceries et des cafés – et même, mercredi, assistaient à des funérailles de victimes tuées la veille lors de la première vague –, souvent avec des membres de leur famille ou des passants à proximité.

Des enfants tués ainsi que des membres d’opérations civiles du Hezbollah

Bien que les bipeurs étaient la propriété de membres du Hezbollah, impossible de savoir à l'avance qui tiendrait l'appareil au moment de l'explosion. Ainsi, parmi les victimes, au moins deux enfants sont morts des suites de ces attaques inédites.

Une fille de 10 ans a été tuée à Saraïn, dans la région de la Békaa (dans l’est du Liban). La maire de cette localité, Ayhab Abdallah, a témoigné auprès du média L’Orient-Le Jour : “Fatima Abdallah faisait ses devoirs sur la table du salon. Elle a entendu le bipeur de son père sonner et a voulu le lui apporter. Il a explosé dans ses mains et elle est morte sur le coup.” Sa mère, vêtue de noir et portant un foulard jaune du Hezbollah, a pleuré aux côtés d'autres femmes et d’enfants réunis, mercredi, autour du cercueil de la fillette avant son enterrement, selon l’agence Associated Press (AP).

L’autre enfant tué mardi, Mohammad Bilal King, 11 ans, était quant à lui originaire de Ghobeiry, dans la banlieue sud de Beyrouth. Il a été enterré dans les heures qui ont suivi avec trois autres membres du parti, dont le fils du député du Hezbollah Ali Ammar.

Par ailleurs, au moins une fillette a été blessée mercredi après que des systèmes d’énergie solaire ont explosé dans des maisons de plusieurs quartiers de Beyrouth et du sud du pays, selon l’agence de presse officielle libanaise citée par AP.

Outre les enfants, au moins deux professionnels de santé figurent parmi les personnes tuées mardi. Mohammad Nour el-Dine était livreur de poches de sang et de courrier à l’hôpital Rassoul al-Aazam, et Atta Ali Mubarak al-Dirani était infirmière à l’hôpital Dar el-Amal de Baalbeck, selon L’Orient-Le Jour.

À l’instar de ces deux personnes, de nombreuses victimes des explosions n'étaient pas à proprement parler des combattants du Hezbollah mais des membres des vastes opérations civiles du groupe pro-iranien, principalement au service de la communauté chiite du Liban. Des médecins, des infirmières, des auxiliaires médicaux, des travailleurs caritatifs, des enseignants ou encore des administrateurs de bureau travaillent pour des organisations liées au Hezbollah, et un nombre indéterminé d'entre eux possédaient des téléavertisseurs.

Plus de 5 % de "l'armée" du Hezbollah blessée ?

Du côté des hôpitaux, les professionnels de santé contactés par France 24 ont dû faire face à “une "situation identique” à celle décrite par le ministre libanais de la Santé, Firass Abiad, qui a affirmé que la plupart des blessés l’avaient été "au visage, à la main, au ventre et même aux yeux".

"Mardi, on a reçu entre 150 et 170 blessés en deux heures. La majorité des cas était des urgences à propos des yeux, du visage, des mains, des doigts ou encore de l'abdomen”, a affirmé sur notre antenne Salah Zei el-Dine, directeur de l'hôpital américain de Beyrouth.

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Même son de cloche à l’hôpital Geitaoui, dans l’est de la capitale libanaise, où on dénombre cependant moins de blessés qu’à l’hôpital américain : “Nous avons à notre hôpital des victimes sévèrement touchées, une douzaine de blessés graves encore hospitalisés”, explique le Dr Naji Abi Rached, joint par téléphone. “Ce sont en majorité des hommes jeunes – ayant entre 22 et 40 ans – et poly-atteints qui vont avoir besoin de jours ou de semaines de traitement pour des atteintes oculaires, faciales, cutanées, des besoins de greffe de peau, d’amputation…”

Même s’il semble impossible, en l’état, de faire une distinction entre les membres du Hezbollah et les victimes collatérales parmi les patients hospitalisés, le mouvement chiite pro-iranien a certainement payé un lourd tribut ces deux derniers jours. Dans l’hypothèse où la plupart des personnes touchées seraient des combattants du Hezbollah, entre 5 et 10 % de ses effectifs totaux de l'organisation pourraient avoir été blessés – la CIA estimant les effectifs de “l'armée” du Hezbollah à 45 000 hommes.

Finalement, ces attaques qui semblent avoir touché indistinctement divers publics plus ou moins proches du Hezbollah soulèvent une interrogation quant à leur conformité avec le droit humanitaire international. Mercredi, l’ONG Human Rights Watch a appelé à une enquête “rapide et impartiale” sur les explosions au Liban, précisant dans un communiqué : “L’utilisation d’un engin explosif dont l’emplacement exact ne peut être connu de manière fiable constituerait une attaque illégale et indiscriminée.”

Avec AP et Reuters