!["Je me sens humiliée" : au procès des viols de Mazan, la colère de Gisèle Pelicot "Je me sens humiliée" : au procès des viols de Mazan, la colère de Gisèle Pelicot](/data/posts/2024/09/18/1726688943_Je-me-sens-humiliee-au-proces-des-viols-de-Mazan-la-colere-de-Gisele-Pelicot.jpg)
Et soudain, Gisèle Pelicot s'est énervée. "Depuis que je suis arrivée dans cette salle d'audience, je me sens humiliée. On me traite d'alcoolique. Je serais la complice de M. Pelicot. Il faut avoir un degré de patience pour supporter ce que j'ai pu entendre", a tonné celle qui se tenait depuis le début de l'après-midi à la barre du tribunal d'Avignon.
Depuis le 2 septembre, 51 hommes, dont Dominique Pelicot, le mari de la victime, sont jugés par la cour criminelle du Vaucluse, accusés d'avoir violé la septuagénaire, alors que celle-ci était sous l'emprise de somnifères, et donc inconsciente. "Les 50 (accusés) derrière ne se sont pas posés la question (du consentement). C'est quoi ces hommes, c'est des dégénérés ou quoi ? Pas à un moment ils se sont posé la question !", a lâché Gisèle Pelicot.
Entre 2011 et 2020, le père de trois enfants a contacté des dizaines d'inconnus sur le site de rencontres en ligne Coco, fermé par les autorités en juin dernier, et leur a proposé de venir commettre tout type d'abus sexuels sur sa femme. Sur les 83 suspects potentiels, 54 ont été identifiés et 51 comparaissent aujourd'hui. Ce procès hors-norme – trois mois d'audience, des dizaines de journalistes internationaux accrédités – est aussi celui de la soumission chimique. Caroline Darian, la fille de la victime, a depuis créé l'association "M'endors pas" pour alerter sur l'ampleur du phénomène.
Débats autour du consentement
En début de semaine, l'incertitude dominait encore quant à la poursuite du procès, le principal accusé étant hospitalisé pour une infection rénale. Il est finalement revenu dans le box des accusés mardi, canne à la main et assis sur une chaise. Longuement interrogé, le septuagénaire a assumé son rôle de chef d'orchestre dans les viols de Mazan. "Je suis un violeur, comme ceux qui sont dans cette salle", avait déclaré l'homme de 71 ans.
Depuis, la défense cherche, avec plus ou moins de subtilité, à prouver que tous les accusés n'avaient pas conscience de commettre un viol en se rendant de nuit, au domicile des Pelicot. La semaine dernière, Guillaume de Palma, avocat de plusieurs d'entre eux, avait notamment expliqué qu'il y avait "viol et viol", sous-entendant qu'un homme n'ayant pas conscience de commettre un viol ne pouvait être jugé comme tel. "Quand on voit une femme endormie sur leur lit, il n'y a pas un moment où on s'interroge ? Il n'y a pas quelque chose qui cloche ? […] Un viol est un viol. Que ça soit 3 minutes ou une heure. C'est absolument abject", s'est agacée Gisèle Pelicot à la barre.
Un homme à la double personnalité
L'audience du jour a permis de mettre en lumière la double personnalité de Dominique Pelicot, décrit comme "bienveillant et attentionné", "un super mec", selon les mots de Gisèle. Mais le septuagénaire avait aussi une personnalité sombre, violeur et pervers à tendance voyeuriste la nuit. "Je n'ai connu que la face A de M. Pelicot. J'aurais mis mes deux mains à couper que je vivais avec un homme extraordinaire. La première trompée dans ce dossier, c'est moi et mes enfants", déclare son ex-femme. Depuis la fin de l'enquête, on sait aussi que Dominique Pelicot est mis en examen pour viol dans une affaire datant de 1991 ainsi que pour tentative de viol avec arme datant de 1999. Les instructions sont encore en cours au pôle cold-case du tribunal de Nanterre.
Et ce n'est pas la seule part d'ombre du dossier. Lors de l'enquête, les policiers, qui ont mis la main sur les disques durs contenant des centaines de vidéos de viols sur sa femme, ont également découvert des photos de sa fille, Caroline, nue, en plein sommeil. Dominique Pelicot maintient qu'il n'a jamais touché à des enfants, et encore moins aux siens. "Ça pose question, quand on voit les photos de Caroline endormie", s'est contentée de répondre Gisèle Pelicot cet après-midi.
Dans la matinée, les juges ont entendu Jean-Pierre Maréchal. C'est à cet homme qu'entre 2018 et 2020, Dominique Pelicot a fourni une douzaine de pilules de "Temesta", ce puissant somnifère, pour qu'il viole également sa compagne. Le retraité s'est même rendu à plusieurs reprises au domicile de Maréchal pour pratiquer des pénétrations sur sa conjointe. Incarcéré, Jean-Pierre Maréchal reconnaît les viols sur sa conjointe, mais il est le seul accusé qui a refusé de toucher à Gisèle Pelicot. "J'ai violé mon épouse, je ne pouvais pas aller violer une autre femme", s'est-il justifié, dans un discours souvent décousu et haché. "Mon client est le produit de la perversion de Pelicot, a réagi son avocat, Me Gontard, à la sortie d'audience. Je suis intimement persuadé que si Maréchal ne rencontre pas Pelicot, il ne se passe rien."
Pour le premier, les jeux semblent joués. Mais des dizaines d'accusés doivent encore s'expliquer devant les juges jusqu'au mois de décembre. Parmi eux, plusieurs contestent la notion de viol et leurs avocats entendent bien pointer les failles du dossier. Touchée par la violence des débats ce mardi, Gisèle Pelicot ne s'est jamais démontée. Elle peut aussi compter sur le soutien de plusieurs dizaines de personnes qui l'applaudissent à chaque fois qu'elle sort de la salle d'audience. Ce week-end, des milliers de personnes ont manifesté dans toute la France "pour que la honte change de camp". "Grâce à vous, j'ai la force de poursuivre le combat jusqu’au bout", leur a répondu Gisèle Pelicot.