Trois mois de procès et une sentence implacable. En République démocratique du Congo, trente-sept prévenus ont été condamnés, vendredi 13 septembre, à la peine de mort par un tribunal militaire de Kinshasa, accusés d'avoir participé à une "tentative de coup d'État" que l'armée affirme avoir déjouée en mai.
"Le tribunal prononce la peine la plus forte : la peine de mort", a répété à la lecture du verdict, pour chacun des condamnés, le major Freddy Ehume, président du tribunal qui a siégé dans la prison militaire de Ndolo. Le procès se tient depuis début juin dans l'enceinte de cet établissement où les accusés sont incarcérés.
Les condamnés à la peine capitale ont été reconnus coupables d'association de malfaiteurs et d'attentat mais aussi de terrorisme, sauf pour l'un d'entre eux.
Parmi les 37 condamnés à mort, six sont de nationalités étrangères : trois Américains nés aux États-Unis, ainsi qu'un Belge, un Britannique et un Canadien, tous les trois des Congolais naturalisés.
Pendant le prononcé du verdict, la salle s'est levée avant, à l'annonce successive des peines de mort, de rester prostrée dans le silence. Les prévenus, en tenue bleue et jaune de détenus, assis depuis des heures sur des chaises en plastique et parqués derrière des barricades, ont gardé un visage grave.
Des avocats de la défense ont déjà indiqué à l'AFP leur intention de faire appel. Ils ont un délai de cinq jours pour déposer un recours.
Sur 51 prévenus au total, 14 ont été acquittés : l'instruction a démontré qu'ils n'avaient "aucun lien" avec l'affaire, a déclaré le tribunal.
Cette annonce a été suivie d'une clameur dans l'assistance composée notamment de proches qui ont écouté, sous la grande tente placée dans une des cours de la prison faisant office de tribunal, la lecture de la décision qui a duré plus de quatre heures.
La ministère public avait requis la peine de mort pour 50 prévenus, le dernier ayant été déclaré dans un rapport médical atteint de "troubles psychologiques".
Le procès n'a finalement apporté que peu de lumière sur les motivations des membres de l'opération, manifestement mal préparée pour renverser un régime, et ses éventuels commanditaires.
Tentative de coup d'État "étouffée dans l'œuf"
Le 19 mai en fin de nuit à Kinshasa, dans le quartier huppé de la Gombe, plusieurs dizaines d'hommes armés en treillis avaient attaqué le domicile d'un ministre, Vital Kamerhe, devenu depuis président de l'Assemblée nationale. Deux policiers commis à sa garde avaient été tués.
Les assaillants avaient ensuite investi le palais de la Nation non loin, bâtiment historique abritant des bureaux du président Félix Tshisekedi. Installé près du fleuve Congo, l'endroit est vide la nuit.
Les membres du commando s'y étaient filmés brandissant le drapeau du Zaïre, ancien nom de la RDC du temps de Mobutu, le dictateur renversé en 1997, et déclarant la fin du régime de l'actuel chef de l'État, au pouvoir depuis 2019 et largement réélu en décembre dernier.
Le drapeau en question et plusieurs dizaines de fusils d'assaut, étalés devant la table des juges, ont été présentés pendant le procès comme pièces à conviction.
Le périple de la bande manifestement mal organisée pour renverser un régime avait pris fin avec l'intervention des forces de sécurité qui, selon l'armée, avaient interpellé une quarantaine d'assaillants et en avaient tué quatre autres, dont leur chef, Christian Malanga, un Congolais de 41 ans installé aux États-Unis.
Le porte-parole de l'armée avait rapidement parlé de "tentative de coup d'État étouffée dans l'œuf", le gouvernement évoquant plus tard une "tentative de déstabilisation des institutions".
Les partisans de Vital Kamerhe ont pour leur part évoqué une tentative d'assassinat. Des défenseurs des droits de l'Homme ont dénoncé "l'opacité" autour des interrogatoires des présumés putschistes.
Tout au long du procès, les accusés se sont bornés à rejeter la responsabilité sur le chef présumé du commando. Ils avaient tous plaidé non coupables et leurs avocats ont réclamé l'acquittement.
Le gouvernement congolais a levé en mars un moratoire sur l'exécution de la peine de mort qui était en vigueur depuis 2003, disant cibler notamment les militaires accusés de trahison, dans un contexte de rébellion armée soutenue par le Rwanda dans l'est du pays.
Avec AFP