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Le 4 septembre, des sirènes retentissent dans la ville ukrainienne de Lviv, dans l’ouest du pays. Au total, sept civils ont trouvé la mort pendant les bombardements, et plusieurs dizaines d’habitants ont été blessés. Un bilan inhabituel pour une ville éloignée des combats et habituellement épargnée par les frappes aériennes russes.

Il est presque trois heures du matin dans la ville de Lviv quand les chaînes Telegram signalent une présence russe dans le ciel ukrainien : "Attention, les mobylettes sont en route depuis l’oblast de Ternopil vers celui de Lviv". "Mobylettes" est le surnom que donnent les Ukrainiens aux drones suicide iraniens Shahed utilisés par les Russes, dont le bruit ressemble à celui d’un cyclomoteur. Cette nuit, les bombardements tueront sept civils, dont une fille âgée de 7 ans.

"Il y a eu une terrible explosion et l’immeuble a tremblé" : à l’ouest de l’Ukraine, les Russes bombardent Lviv

Dans les minutes qui suivent, le message d’alerte est transmis sur les canaux Telegram qui couvrent l’actualité locale de la région de Lviv : "Ceux qui ne sont pas encore à l’abri, foncez-y !", "Un autre drone vole dans notre direction !"

"Il y a eu une terrible explosion et l’immeuble a tremblé" : à l’ouest de l’Ukraine, les Russes bombardent Lviv

Vers cinq heures du matin, les premières vidéos d’explosion font leur apparition sur la messagerie prisée par les Ukrainiens. L’obscurité de la nuit empêche de voir le moindre détail, mais le son strident du drone succède au bruit d’une explosion.

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Une demi-heure après, les premières photos d’immeubles frappés par les bombardements apparaissent.

"Il y a eu une terrible explosion et l’immeuble a tremblé" : à l’ouest de l’Ukraine, les Russes bombardent Lviv

Dès le lendemain matin, les images de destruction se multiplient sur les réseaux sociaux. Certains immeubles sont entièrement détruits par les bombardements, d’autres sont en flammes.

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Même les bâtiments qui n'ont pas été directement touchés sont fortement affectés par les bombardements : les fenêtres et les toits des immeubles situés à proximité du point d’impact sont souvent détruits par le blast de l’explosion.

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"C’était la première fois que j’entendais des explosions aussi puissantes"

Mykhailo logeait dans le quartier Galicien de la ville de Lviv quand ont eu lieu les explosions le 4 septembre. Contacté par la rédaction des Observateurs, il décrit une nuit de terreur :

Je suis venu à Lviv de Kiev pour rendre visite à des amis. Dès la première nuit, j’ai été réveillé par une alarme vers 4 h du matin. Au bout d’un moment, j’ai entendu le bruit des Shahed. Ils ont volé très près. La défense anti-aérienne a essayé de les abattre, parce qu’on a entendu des coups de feu, mais je ne sais pas s’ils ont été touchés.

Puis j’ai vu sur Telegram qu’un avion Mig avait décollé et je suis descendu, car je logeais au 5ᵉ étage [se situer dans un immeuble en hauteur pendant un bombardement est dangereux, NDLR]. Alors que je descendais au sous-sol, j’ai entendu le sifflement d’un missile très proche. Il semblait voler très bas au-dessus de la maison. Puis, il y a eu une terrible explosion et l’immeuble a tremblé. Moi et les gens autour avons été littéralement renversés.

Nous avons ensuite couru dans le sous-sol et il y a eu une deuxième explosion très puissante. C’était la première fois depuis le début de la guerre que j’entendais des explosions aussi fortes, bien que j’aie déjà entendu beaucoup de détonations. Nous avions tous très peur et nous nous sommes assis dans le sous-sol jusqu’au matin. Nous avons appris qu’il y avait des victimes sur les réseaux sociaux. 

Le lendemain, je suis allé à l’endroit où se trouvait la frappe. J’ai réalisé qu’elle était loin de moi, bien qu’elle semblait être à proximité. L’explosion était à environ un kilomètre de moi, bien qu’elle paraissait vraiment proche.

Un bombardement intense

D’après l’armée de l’air ukrainienne, une quarantaine de drones Shahed auraient visé le territoire ukrainien dans la nuit du 3 au 4 septembre, dont une vingtaine auraient été abattus. Deux missiles Kinjal auraient par ailleurs été lancés depuis des avions russes de type MIG-31 basés dans la région de Tula, en Russie.

"Il y a eu une terrible explosion et l’immeuble a tremblé" : à l’ouest de l’Ukraine, les Russes bombardent Lviv

Selon les informations fournies par le commandement de la région Ouest de l’armée ukrainienne, huit drones Shahed ainsi que deux missiles de croisière auraient été abattus dans la nuit. Il est cependant impossible de vérifier de façon indépendante cette allégation.

Selon les groupes d’enquêteurs ukrainiens qui surveillent la menace aérienne russe, plusieurs de ces drones Shahed auraient été lancés depuis une zone proche de la Biélorussie. 

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Dans l’après-midi du 4 septembre, les premiers bilans commencent à tomber. Au total, 53 personnes ont été blessées, et sept personnes ont trouvé la mort dans les bombardements, dont une enfant âgée de 7 ans et une adolescente de 18 ans.

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"Le risque, c’est que les Russes ne frappent une deuxième fois au même endroit"

Ihor Kurus, responsable de la communication des pompiers de Lviv, raconte la journée éprouvante que lui et ses hommes ont passé :

Nous avons été alertés vers 6 heures du matin. Au total, nous avons secouru une vingtaine de personnes qui ont été blessées. Beaucoup de blessés ont été bloqués dans les débris. Nous les avons aidés à sortir. Une fois cela fait, nous les avons transférés à l’hôpital. Dès qu’on est arrivé sur les zones bombardées, nous avons donné les premiers secours aux blessés. Puis, on a vu qu’il y avait beaucoup de bâtiments et de véhicules en feu. À certains endroits, nos hommes ont mis près de six heures à éteindre le feu.

Quand on arrive sur le lieu d’un bombardement, le risque, c'est que les Russes frappent une deuxième fois au même endroit afin de tuer les gens qui viennent en aide aux victimes. Mais nous devons rester concentrés sur notre travail, et rester calme à l’intérieur. Pour cela, nous pouvons nous reposer sur notre esprit d’équipe. Nous sommes contents de notre travail, car c’était l’un des plus gros bombardements que nous avons connus et les évacuations se sont bien passées.

"Il y a eu une terrible explosion et l’immeuble a tremblé" : à l’ouest de l’Ukraine, les Russes bombardent Lviv

"La priorité, c'est de fournir une aide psychologique aux victimes"

L’aide humanitaire aux victimes a commencé dès les premières heures de bombardement. Pour cela, les autorités ukrainiennes peuvent s’appuyer sur un dense réseau d’ONG et de volontaires, parmi eux Anatolii Parkhomchuk, un habitant de Lviv et le coordinateur régional de l’ONG ukrainienne Rokada. Il nous explique comment se sont déroulés les premiers secours :

Aux alentours de 5 h 20 du matin, j’ai entendu un drone Shahed, car j’habite à proximité d’une zone qui a été bombardée. Dans un second temps, j'ai entendu le bruit d’un missile Kinjal. Puis il y a eu des bruits d’explosions. J’ai donc appelé les volontaires de notre ONG et nous sommes sortis pour apporter les secours. Cette mission était complexe, car il y avait plusieurs points d’impact dans la ville. Nous devions donc nous séparer en deux [groupes] afin de répartir l’aide sur l’ensemble des zones touchées.

Une fois sur zone, la priorité, c'est de fournir de l’aide psychologique aux victimes. Il faut comprendre le traumatisme : les gens se réveillent, leur maison est touchée et ils ne savent pas si leur famille est en vie ou non. Ce jour-là, nous avions deux psychiatres répartis sur les deux lieux principaux des explosions.

Dans un second temps, il faut apporter de l’aide pour reconstruire les logements. Pour cela, nous donnons aux habitants et à nos volontaires des kits de réparation qui contiennent des outils. Le plus souvent, les portes et les fenêtres sont détruites par la puissance de l’explosion. Quand c’est le cas, on fournit aux habitants des feuilles de plastique qui permettent de fermer les fenêtres en attendant qu’elles ne soient réparées.

"Il y a eu une terrible explosion et l’immeuble a tremblé" : à l’ouest de l’Ukraine, les Russes bombardent Lviv

Cette nuit-là, une école, un jardin d'enfants et un bâtiment historique ont été affectés par le souffle de l’explosion. De plus, la partie de Lviv qui a été touchée cette nuit-là contient beaucoup de bâtiments historiques, il y a donc beaucoup de dégâts à réparer. Heureusement, nous pouvons compter sur l’aide de gens qui viennent spécialement d’autres villes d’Ukraine pour nous aider à reconstruire. 

Dans un troisième temps, nous aidons les victimes à remplir les questionnaires des autorités qui leur permettent de signaler les dégâts qu’ils ont subis. Nous les aidons donc en leur donnant une aide administrative et juridique.

"Il y a eu une terrible explosion et l’immeuble a tremblé" : à l’ouest de l’Ukraine, les Russes bombardent Lviv

Compte tenu de son éloignement de la ligne de front, la ville de Lviv abrite de nombreux réfugiés internes. Certains d’entre eux ont subi les bombardements alors même qu’ils fuyaient la guerre faisant rage à l’est du pays, comme l’explique Anatolii Parkhomchuk :

Lviv est un point de chute pour les gens qui ont été évacués des régions touchées par la guerre à l’est. Le jour des bombardements, nous avons rencontré certains de ces réfugiés internes qui venaient d’arriver à Lviv, ils commençaient tout juste à louer un appartement et d’autres vivaient encore dans des abris. C’est très difficile pour eux, car ils fuient la guerre et même une fois partis, ils subissent à nouveau les bombardements.

Pour la ville de Lviv, la violence de ce bombardement est inhabituelle. Située tout à l’ouest du pays, il s’agit du bombardement le plus meurtrier depuis le début de l’année. Le lendemain de ce bombardement, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a téléphoné au président Emmanuel Macron afin de lui demander des livraisons de matériels de défense anti-aérienne supplémentaires.

Tags: Ukraine, Russie, guerre,