Mille huit cent quarante trois jours sans avoir été battu. Record en cours. En conservant son titre paralympique de triathlon à Paris, Alexis Hanquinquant a continué son impressionnante série d'invincibilité.
On pourrait même remonter à plus loin. La dernière fois qu'il a été battu, il s'agissait d'un duathlon. En ce 17 août 2019, le triathlon du "test event" des Jeux de Tokyo avait été amputé d'une épreuve, la faute à la présence de la fameuse bactérie E. coli – la même qui cause les reports à Paris – dans la baie d'Odaiba. Et encore, Alexis Hanquinquant était parti pour l'emporter mais une erreur de parcours dans le dernier tour avait accordé la victoire à Mikhaïl Kolmakov.
Ça vous pose un bonhomme. Depuis 2017, Alexis Hanquinquant, qui a commencé le para-triathlon en 2016, a cumulé six titres mondiaux, européens et nationaux en plus du titre olympique de Tokyo. Sans laisser une miette à ses adversaires, les épreuves internationales ayant été annulées en 2020 en raison du Covid.
Intouchable
Au cœur de Paris, Alexis Hanquinquant n'a laissé aucune chance à ses adversaires. S'élançant dans la Seine après un accueil de rockstar de la aprt des tribunes, il est sorti en tête de la natation.
Puis sur le vélo, une de ses forces, il a pris un avantage décisif dès la fin du premier tour. Derrière, ce sont plutôt ses partenaires qui faisaient le forcing pour gagner le droit de l'accompagner pour la Marseillaise sur le podium.
C'est finalement Pierre-Antoine Bael qui a gagné cette honneur, après un mano a mano entre lui et Grégoire Berthon pour la 3e place. L'Américain Carson Clough s'adjugeant la 2e place. Mais l'Espagnol Nil Riudavets est revenu du diable vauvert pour priver la France d'un deuxième doublé.
Loin de ces considérations, Alexis Hanquinquant a longuement savouré dans la dernière ligne droite. Il a zigzagué pour saluer le public, s'est arrêté pour récupérer un drapeau français avant de lever les bras en triomphe.
Coup de projecteur avec les Jeux
À 38 ans, Alexis Hanquinquant est l'une des stars de la délégation française à l'occasion de ces Jeux paralympiques à domicile. Le triathlète a bénéficié d'un coup de projecteur en étant nommé porte-drapeau des Bleus avec la para-athlète Nantenin Keïta. Puis, il a été l'un des derniers relayeurs de la flamme olympique au terme de la cérémonie d'ouverture des JO, avant d'avoir l'honneur d'allumer la vasque lors de celle des Jeux paralympiques.
Sur le pont Alexandre-III, on pouvait déjà mesurer sa nouvelle popularité. Alors que la première course de la journée, la PWTC (les athlètes en fauteuils roulants) débutait, le public ne faisait qu'hurler le nom du Normand, pourtant attendu seulement quatre heures plus tard.
Un grave accident de travail lui a fait perdre sa jambe
Alexis Hanquinquant est natif d'Yvetot, petite ville rurale au nord de Rouen – un point commun avec Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022. Il est toujours licencié du club de Rouen.
Selon ses proches, Alexis Hanquinquant a toujours été hyperactif et sportif. Avant son grave accident du travail en 2010, le grand gaillard de 1,95 m était même champion de France de full contact après avoir longtemps fait du basket au niveau régional. En 2013, alors que sa jambe droite est devenue un fardeau, il demande à être amputée.
Le début de sa reconstruction. Il se lance alors dans le triathlon, à la recherche d'un défi à la mesure de son énergie. Désormais, il s'inflige à l'entraînement d'interminables séances : entre 5 et 6 km de natation chaque matin du lundi au vendredi, 350 km de vélo hebdomadaire ainsi que des 4 séances de course à pied, des séances assurées avec une vigilance accrue en raison des potentielles complications liées à sa prothèse. Sans compter le renforcement musculaire et le kiné.
En plus de ses performances paralympiques, il lui arrive encore de concourir avec les valides dans des triathlons, invoquant le besoin de rester légitime – les mauvaises langues ont vite fait de gloser sur un niveau moindre que chez les valides. Et ce compétiteur monte sur les podiums : "Je fais partie des meilleurs triathlètes régionaux et des très bons triathlètes français", affirme-t-il ainsi au Monde.
Hanquinquant veut lancer la révolution de l'inclusion
Le triathlète espère que ces Jeux paralympiques permettront de changer le regard sur le handicap, comme il le confiait longuement à L'Équipe avant le début de la quinzaine, promettant aux spectateurs "un coup de prothèse dans les fesses".
"Les Jeux paralympiques ne sont pas des Jeux au rabais. Ce sont des Jeux olympiques avec une petite résilience en plus", promet-il. "Les athlètes vont avoir la même détermination, le même objectif de médaille, le même résultat du dépassement de soi. Mais la différence, c'est qu'on va le faire avec une prothèse, un fauteuil, un guide, une pathologie qui parfois est invisible."
"Plus vous montrez la différence, plus le grand public va l'appréhender, va s'en accommoder et ce ne sera plus un sujet", rêve-t-il, espérant que ces Jeux engagent une vraie révolution.