Le lanceur de poids Fadi Aldeeb, seul membre de la délégation olympique palestinienne originaire de Gaza et seul athlète paralympique de Palestine, concourra vendredu aux Jeux paralympiques de Paris. Rendu handicapé par le tir d'un sniper israélien en 2001 à Gaza, il veut être le porte-parole des espoirs et des rêves des Palestiniens à Paris.
Alors que Fadi Aldeeb, 39 ans, s'entraîne assidûment à Paris en vue des Jeux paralympiques, la guerre à Gaza n'est jamais loin de ses pensées. "Je lève mon drapeau ici, à Paris, pour montrer aux gens que la Palestine n'est pas en train de mourir", s'exprime-t-il auprès de France 24. "Nous sommes toujours là, nous continuons à nous battre et nous sommes toujours en vie."
La guerre entre Israël et le Hamas a tué plus de 15 membres de sa famille, dont son frère. Aujourd'hui, il est le seul membre de la délégation olympique palestinienne originaire de Gaza, et le seul athlète paralympique de Palestine.
Alors qu'environ 400 athlètes et membres du personnel d'encadrement ont été tués depuis le début de la guerre et que d'autres n'ont, selon le Comité olympique palestinien (POC), pas pu s'entraîner ou voyager en raison des bombardements ou des restrictions israéliennes, la présence de Fadi Aldeeb est on ne peut plus significative.
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Accepter Gérer mes choixNé en 1984 dans le quartier gazaoui de Shuja'iyaa, Fadi Aldeeb s'initie au sport dès l'âge de dix ans avec Mohammed Elshekh Khalil, son professeur de gymnastique à l'école primaire qui est aussi arbitre international. Ce dernier lui apprend à jouer au football, au volley-ball, au basket-ball, au tennis, et l'inscrit à des compétitions nationales, notamment avec le club local de Shuja'iyaa.
Lorsqu'il entre au collège, Fadi Aldeeb s'intéresse davantage au volley-ball et finit par rejoindre l'équipe palestinienne à Gaza alors qu'il n'a que 16 ans.
"Ce n'est pas la fin de ma vie"
En même temps qu'il s'entraîne, Fadi Aldeeb poursuit des études en informatique à l'université Al-Azhar de Gaza, touchée en novembre dernier par des frappes israéliennes.
À cette époque déjà, il fait l'expérience de la violence avec la deuxième Intifada, de septembre 2000 à février 2005.
Le 4 octobre 2001, Fadi Aldeeb est touché au dos par un sniper israélien. La blessure le laisse paraplégique.
"Nous avons une expression en langue arabe qui dit : 'tu dois être comme l'eau', ce qui signifie que tu dois être flexible, rien ne peut t'arrêter", raconte-t-il. "Quand je suis devenu handicapé, je me suis dit que c'était difficile, mais que ce n'était pas la fin de ma vie", poursuit l'athlète. "Il faut penser positivement. Cette mentalité puissante et ma religion m'ont aidé à devenir plus flexible en matière de sport : je suis donc passé du tennis de table et du basket, au para tennis de table et au basket fauteuil".
À la suite d'une rencontre avec le directeur technique de l'équipe nationale palestinienne d'athlétisme en 2007, Fadi Aldeeb commence à s'entraîner et à concourir au lancer de poids, de disque et de javelot, remportant six médailles lors des Rencontres internationales d'athlétisme pour handicapés de Tunis, en 2009.
Bien qu'il déclare s'être orienté vers l'athlétisme parce que cela ne nécessite pas d'équipement coûteux, s'entraîner à Gaza reste un défi.
"Parfois, nous n'avons pas assez d'équipement, même pour le lancer de poids ou de disque", explique-t-il. "Nous utilisons donc quelque chose qui ressemble à un caillou, aux roues d'une voiture ou à un morceau de métal et qui pèse à peu près le même poids. Certains de ces objets sont plus lourds que le disque normal, mais ce n'est pas un problème."
Joueur et entraîneur de basket
Si le Comité paralympique l'a choisi pour participer à l'épreuve de lancer de poids à Paris, Fadi Aldeeb est également un joueur de basket accompli. Il a joué pour des équipes de basket fauteuil en Turquie, en Grèce et en France, y compris dans son club actuel de première division, Hurricane 92 basketball, à Gennevilliers en banlieue parisienne.
Il a également rejoint la nouvelle équipe nationale palestinienne de basket en 2019, bien que les restrictions sévères imposées par Israël sur les déplacements entre Gaza et la Cisjordanie entravent la participation des Palestiniens aux compétitions, dans leur pays mais surtout sur la scène internationale.
Fadi Aldeeb croit également en l'importance de rendre la pareille. C'est pourquoi il entraîne les quatrième et cinquième divisions du Paris Basket Fauteuil (PBF).
Et le travail de sensibilisation ne s'arrête pas là. Fadi Aldeeb se rend régulièrement dans des écoles et des universités pour enseigner aux "'gens normaux' (sic) ce qu'est la vie d'un handicapé".
Fadi Aldeeb a d'ailleurs un message fort pour ceux qui participent à ses ateliers : "Vous pouvez utiliser votre handicap pour être talentueux... Ne pensez pas que mon handicap m'empêche de faire quoi que ce soit. Ne me regardez pas comme si j'étais différent, non, je suis comme vous, je me sers de mon esprit, comme vous, je me sers de mon corps, comme vous."
Représenter le peuple de Gaza et de Palestine
Alors que les Jeux paralympiques ont officiellement débuté mercredi, Fadi Aldeeb a bien conscience qu'il ne concourt pas simplement pour lui-même. Il est considéré comme le représentant de son pays et de son peuple.
"Je suis là au nom des 40 000 personnes tuées et plus de 90 000 blessées à Gaza", dit-il. "Chaque jour, je reçois près d'une vingtaine de messages de mes amis de Gaza qui me disent : 'essaie de continuer', 'je te soutiens', 'tu es notre voix pour le monde', 'tu es notre héros'", raconte le para athlète. "Malgré leur situation très difficile dans ce génocide, ils m'envoient toujours des messages pour m'encourager à continuer."
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Accepter Gérer mes choixEn juillet, le chef du Comité international olympique (CIO) et le président français Emmanuel Macron ont rejeté la demande du Comité olympique de Palestine d'interdire l'accès d'Israël aux Jeux en raison de la guerre à Gaza.
Toujours en colère après cette décision, Fadi Aldeeb se demande quel message les athlètes israéliens veulent transmettre à travers leur participation. "Quel est votre message au monde ? Que voulez-vous montrer et dire au monde ? Voulez-vous montrer le génocide qui se produit à Gaza ?"
Actuellement, plus de 120 000 personnes handicapées vivent à Gaza, affirme Fadi Aldeeb, et 45 clubs dédiés à un large éventail de handisports ont été créés sous l'égide du Comité paralympique palestinien.
"Ce dernier génocide a rendu 10 000 personnes [supplémentaires] handicapées", affirme-t-il. "Cela nécessite donc davantage d'installations et d'encouragements à la pratique du sport par les personnes handicapées."
Début août, la journaliste sportive Leyla Hamed déclarait au magazine mensuel américain The Nation : "L'occupation israélienne à Gaza est à l'origine d'un grand nombre de handicaps et de décès".
"Selon Save The Children [dans un rapport publié en janvier dernier, NDLR], plus de dix enfants par jour ont perdu une jambe ou les deux depuis que le conflit a éclaté. Au milieu de toutes ces atrocités, les habitants de Gaza verront Fadi Aldeeb s'obstiner à réaliser son rêve, à représenter la Palestine et la cause palestinienne. C'est un message aux enfants dont les rêves ont été brisés par les bombes et les roquettes."
Leyla Hamed, journaliste sportive, au mensuel américain The Nation
Au cours de son entretien avec France 24, Fadi Aldeeb consulte régulièrement son téléphone. Se sentant redevable d'une explication, il se met alors à raconter les circonstances de la mort de son frère.
"Le 6 décembre dernier, après avoir joué un match avec la Fédération française de basket et pris une douche, j'ai regardé mon téléphone : j'avais quatre appels WhatsApp et internationaux manqués de mon frère", se souvient-il. "Le lendemain soir, j'apprenais que mon frère était mort. C'est pour cela que je garde toujours mon téléphone près de moi. Parce que je ne sais jamais quand une conversation avec quelqu'un sera la dernière."
Par sa présence aux Jeux, Fadi Aldeeb espère transmettre un message. "Mon message au monde entier est que les habitants de Gaza sont des êtres humains", dit-il. "Nous, les Palestiniens, avons des espoirs, nous avons des rêves, nous voulons simplement bénéficier des mêmes droits humains, et que le monde nous traite de la même manière que les autres pays."
Fadi Aldeeb participera vendredi 30 août à l'une des épreuves finales du lancer de poids des Jeux paralympiques de Paris.
Cet article a été adapté de l'anglais. Retrouvez ici l'article en version originale.