
Visage familier au plus fort de la pandémie de Covid-19, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), n'est pas toujours porteur de bonnes nouvelles. Ce fut encore une fois le cas ce mercredi 14 août.
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Accepter Gérer mes choix"La détection et propagation rapide d’un nouveau variant de mpox dans l’est de la République démocratique du Congo, sa détection dans des pays voisins qui n’avaient pas encore signalé de cas, et sa possible propagation en dehors de l’Afrique sont très inquiétants", a déclaré celui qu'on surnomme "Docteur Tedros".
Le même jour, l'OMS a déclenché son plus haut degré d'alerte au niveau international face à la résurgence des cas de mpox (anciennement monkeypox, variole du singe) en Afrique, notamment en RD Congo, où 548 personnes sont mortes depuis le début de l'année, selon le dernier bilan rendu public jeudi.
Cette maladie virale se manifeste par de la fièvre, de la toux, des maux de tête et des éruptions cutanées.
Le virus mpox du même nom a été isolé pour la première fois en 1958, au sein d’une colonie de singes à Copenhague, au Danemark. Ces singes présentaient des lésions cutanées qui évoquaient la variole humaine. D’où le nom de variole du singe, attribué à cette maladie.
Modes de transmission
Le mpox appartient à la famille des zoonoses, à l'instar de la grippe aviaire ou du coronavirus. Il est aisément transmis par un animal infecté. Mais il se propage aussi entre humains, notamment par contact direct avec des lésions cutanées ou les fluides biologiques.
La souche que surveille l'OMS, découverte en septembre 2023 en RD Congo, est néanmoins plus mortelle et plus transmissible que les autres.
Selon l’OMS ou l’Agence de santé américaine (Centers for Disease Control and Prevention), les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes sont disproportionnellement touchés par cette épidémie.
Pour autant, et plus rarement, le mpox peut être transmis de manière indirecte via des matériaux contaminés (comme la literie) ajoute prudemment l’Institut Pasteur.
En 2022, la "MonkeyPox" s’était ainsi propagée dans une centaine de pays. L'épidémie avait fait quelque 140 morts sur environ 90 000 cas dans le monde. L'OMS l’avait alors déclarée "urgence de santé publique de portée internationale ", une première fois, en juillet 2022.
"La variole du singe se transmet peu" observait toutefois, la même année, Matthias Altmann, contacté par France 24.
Il s’agit d’une maladie "beaucoup moins contagieuse que le Covid-19", vulgarisait encore cet épidémiologiste à l'université de Bordeaux, spécialiste des maladies infectieuses en Afrique.
Ainsi, dix mois après avoir tiré la sonnette d'alarme, l'OMS avait mis fin à l'alerte : la situation épidémiologique s’était améliorée de manière significative.
Une épidémie plus contagieuse qu’en 2022
Depuis quelques jours pourtant, de nouveaux chiffres ravivent les inquiétudes. Selon l'agence de santé publique Africa CDC, dans les 16 pays africains où elle est observée, les cas de mpox ont augmenté de 160 % en 2024 comparé à 2023.
En République démocratique du Congo (RDC), le mpox touche désormais toutes les provinces, selon le ministre de la Santé congolais, jeudi.
Aux chiffres bruts, les épidémiologistes associent une seconde préoccupation : plus un virus se transmet entre humains, plus il risque de muter.
Et l'épidémie de mpox actuelle, pour l'heure circonscrite en Afrique diffère déjà "de la version 2022".
Le mpox qui sévit actuellement est provoqué par le clade 1, ainsi que par une manifestation encore plus dangereuse du virus, le clade 1b. Sa contagiosité est plus élevée, et son taux de mortalité est estimé à 3,6 %.
Il n’existe pas de "maladies africaines"
"Il est clair qu'on peut avoir une transmission internationale", prévient Sylvie Briand, directrice du département risque épidémique et pandémique à l’Organisation mondiale de la Santé, mercredi 14 août sur franceinfo.
Le lendemain, une personne vivant dans la région de Stockholm en Suède a été diagnostiquée comme porteuse du sous-type clade 1 du virus du mpox - une première hors d'Afrique, a annoncé jeudi l'Agence suédoise de santé publique.
La personne a été contaminée après un séjour africain, dans la région frappée par l'actuelle flambée, précise la même source.
Pourtant, "il y a une transmission autochtone du virus à laquelle on n'avait pas encore été confrontée avec le mpox et qu'on ne s'explique pas" concédait humblement Charlotte Hammer, spécialiste des maladies infectieuses à l'université de Cambridge, interrogée en 2022 par le site Science Media Centre.
L’apparition de contaminations – a priori – sans lien avec des foyers épidémiques pose encore question.
"Ce qui se passe en Afrique est en fait le sommet de l'iceberg, le défi est plus grand", a prévenu de son côté, mercredi 14 août le président du comité d’urgence de l’OMS, le professeur Dimie Ogoina.
Il n’y pas de maladies africaines, asiatiques ou liées à tel ou tel continent, insiste le président du Global Virus Network Christian Bréchot, sur le plateau de TV5 Monde.
Une seule santé, celle du monde
Ce virologue fait là un écho à un message cher à l’OMS, "One Health" : les épidémies faisant fi des frontières, il n’y a qu’une "seule santé", celle du monde.
Échaudée par le souvenir du Covid-19 comme on peut l’imaginer, l’OMS vient de réagir "rapidement" à la résurgence de mpox, se félicite Christian Bréchot : "la mobilisation me fait penser - personnellement - qu’il n’y a aucune raison de paniquer".
Le 7 août, Tedros Adhanom Ghebreyesus a ainsi déclenché une procédure d’autorisation d’urgence pour les vaccins contre le mpox afin que ces derniers puissent être utilisés dans les pays n’ayant pas encore approuvé les deux produits actuellement sur le marché.
Citée par l’AFP, Marion Koopmans, professeure à l'université néerlandaise Erasmus de Rotterdam, appelle elle aussi à investir dans la santé publique, l'aide au traitement, et la vaccination face aux menaces épidémiques. Mais "cela ne sera pas facile".