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Bangladesh : "Nous sommes libérés de l'oppression", assure le Nobel de la paix Muhammad Yunus
Au lendemain de la démission et de la fuite de la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, chassée du pouvoir par une puissante contestation populaire, un nom revient parmi les manifestants : Muhammad Yunus. Interrogé sur l'antenne de France 24, le prix Nobel de la paix 2006 affirme son soutien au mouvement.

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Ils veulent le voir Premier ministre. Au lendemain de la fuite de la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, 76 ans, chassée du pouvoir par une contestation étudiante réprimée dans le sang, le leader étudiant Nahid Islam, principal dirigeant du collectif Students Against Discrimination ("Étudiants contre la discrimination"), a demandé mardi 6 août la nomination de Muhammad Yunus comme Premier ministre. L'économiste de 84 ans est connu pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance, pionnière en la matière. En 2006, il s'est vu décerner le prix Nobel de la paix.

Après un mois de contestation – sur fond d'augmentation des quotas réservés aux proches du pouvoir dans les emplois publics – qui a fait plus de 413 morts, le chef de l'armée a annoncé qu'il allait former un gouvernement intérimaire tandis que le président a annoncé la dissolution du Parlement. Comment le Bangladesh peut-il se relever de cette révolte d'ampleur ? L'économiste Muhammad Yunus peut-il aider son pays à accomplir sa transition politique ? Il a répondu aux questions de France 24.

France 24 : Comment avez-vous réagi à la démission puis à la fuite de la Première ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis 15 ans ?

Muhammad Yunus C'est un jour de grande fête pour nous. Nous avons eu un premier jour de libération lorsque nous avons obtenu l'indépendance du Pakistan, le 16 décembre 1971. Aujourd'hui, c'est comme le deuxième jour. Nous sommes libérés de toute l'oppression et de toutes les attaques que nous avons subies, de toute la mauvaise gestion, de toute la corruption. Sheikh Hasina est le nœud du problème. Elle a organisé des élections truquées les unes après les autres. Le Bangladesh compte 170 millions d'habitants. Les deux tiers de la population sont des jeunes. Et ils n'ont jamais eu l'occasion de se rendre dans l'isoloir pour voter. Ils veulent agir, ils sont pleins d'énergie. Ils sont connectés au reste du monde grâce aux technologies de communication, mais ils ne peuvent pas choisir leurs représentants au Parlement parce qu'il n'y a pas d'élections.

La révolte populaire a été initiée après le rétablissement, par une cour de justice, de quotas d'emplois gouvernementaux réservés aux proches des Combattants de la liberté. Comment l'expliquez-vous ?

Au Bangladesh, 56 % des emplois sont soumis à un système de quotas. Votre mérite est donc soumis à un système de quotas de travail et il reste très peu de places pour ceux qui ont travaillé dur. Les manifestants que nous avons vus sont très souvent des personnes hautement qualifiées. Dans une société normale, démocratique, ils ne seraient pas dans la rue. Ce sont ces personnes qui, demain, deviendront des fonctionnaires et dirigeront le pays. Ils sont aujourd'hui mûrs, sur le point de se présenter à l'examen, mais ils voient que leur place est bloquée.

Le chef de l'armée a annoncé qu'il allait constituer un gouvernement intérimaire et les étudiants vous réclament au poste de Premier ministre. Accepteriez-vous une telle nomination ?

Non, je n'ai pas cette ambition. Je me consacre à mon travail. Nous avons annoncé un gouvernement intérimaire qui sera chargé d'organiser les élections, car nous n'avons pas eu d'élections depuis de nombreuses années [les élections législatives de janvier 2024 ont été boycottées par l'opposition, NDLR]. Pour la première fois, il s'agira d'élections équitables et transparentes, afin que chacun puisse voter et décider du type de personne qu'il souhaite envoyer au gouvernement et au Parlement. Nous voulons un système démocratique pur où personne ne peut interférer avec notre droit de vote, notre liberté d'expression, notre État de droit. De mon côté, j'espère continuer mon travail, mais j'ai été limité par le régime de Sheikh Hasina. J'ai été accusé de beaucoup de choses et j'ai couru d'un tribunal à l'autre pour me battre contre ces fausses affaires.