Microsoft 2001, Google 2024. La décision de justice américaine déclarant Google coupable, lundi 5 août, de pratiques anticoncurrentielles dans le domaine de la recherche sur Internet est un revers sans précédent pour un géant du numérique depuis le procès historique contre Microsoft, en 2001.
À l'époque, le département américain de la Justice avait fait condamner Microsoft pour abus de position dominante en raison de son système d'exploitation Windows. Cette fois-ci, l'administration Biden a obtenu d'un juge fédéral que Google soit qualifié de "monopole" dans la recherche en ligne.
En cause : les dizaines de milliards de dollars que Google a versés à des constructeurs de smartphones tels qu'Apple ou à un développeur de navigateur Internet comme Mozilla pour être le seul moteur de recherche proposé par défaut. "Les accords de distribution signés par Google préemptent une part importante du marché des moteurs de recherche et empêchent ses rivaux d'opportunités pour venir le concurrencer", a justifié le juge dans sa décision de plus de 300 pages.
C'est une défaite d'autant plus importante pour Alphabet – la maison mère de Google – que le moteur de recherche représente son cœur de métier historique et sa principale source de revenus. Ce sont les publicités vendues pour apparaître en bonne place sur les pages de résultats qui fournissent la part du lion des 146 milliards de dollars de revenus publicitaires générés en 2021.
"La défaite de Google est énorme. S'il y avait une obligation de désinvestissement, cela viendrait couper Google de sa principale source de revenus. Même interdire ces accords de distribution pourrait être préjudiciable pour Google", a estimé l'analyste pour Emarketer Evelyn Mitchell-Wolf, dans un commentaire fourni à l'AFP.
Administration américaine vs Big Tech
Le géant de l'Internet, bien décidé à faire appel de cette décision, avait argué tout au long de ce procès débuté en 2023 qu'il avait non seulement suffisamment de concurrents – Amazon, Meta ou encore Expedia (pour les recherches de voyages) –, mais aussi que sa première place s'expliquait par le fait qu'il était le meilleur moteur de recherche.
Le juge n'a pas semblé convaincu par ces arguments. Il a rappelé que depuis 2009, les parts de marché aux États-Unis n'ont cessé d'augmenter pour passer de 80 % à 90 % en 2020. Cette tendance est plus flagrante encore sur les smartphones puisque Google y accapare 95 % des parts de marché.
L'avantage qualitatif de Google proviendrait, d'après le jugement, du fait que le moteur de recherche peut, grâce à sa position dominante, récupérer bien plus de données sur les habitudes des internautes. De ce fait, il lui est plus facile ensuite d'améliorer ses services pour être davantage en adéquation avec les attentes des utilisateurs.
Cette victoire de l'administration américaine contre Google "est la plus importante décision du siècle en matière de concurrence et devrait n'être que la première d'une série d'action contre les Big Tech", a affirmé au New York Times Rebecca Haw Allensworth, professeur de droit de la concurrence à l'université Vanderbilt.
En effet, le département de la Justice a également ouvert une procédure contre Apple, accusé de compliquer la tâche aux utilisateurs d'iPhone qui voudraient changer de marque de smartpthone. L'administration est aussi partie en guerre judiciaire contre Meta (Facebook), soupçonné de tout faire pour évincer d'éventuels concurrents en devenir, et contre Amazon, accusé d'utiliser sa position dominante pour obliger les vendeurs à lui payer toujours plus de frais.
Avec AFP