logo

Kamala Harris contre Donald Trump : ce mois de juillet qui a fait basculer la campagne
De notre correspondante à Washington – Chaque mois, France 24 revient sur les événements marquants de la campagne présidentielle 2024 aux États-Unis. Ce sixième numéro relate les nombreux rebondissements politiques qui ont marqué le mois de juillet, de la tentative d'assassinat de Donald Trump au retrait de Joe Biden au profit de Kamala Harris. Résultat : une course métamorphosée, à trois mois de l'élection.

Comment décrire le mois qui vient de s’écouler aux États-Unis ? Riche en rebondissements serait un euphémisme. De la tentative d’assassinat contre Donald Trump à l’abandon de Joe Biden au profit de Kamala Harris, la campagne présidentielle qui s’annonçait jusque là morose a été complètement bouleversée. Et il reste encore trois mois avant l’élection !

Républicains et démocrates se sont en quelque sorte divisé le temps médiatique lors d’un mois de juillet traditionnellement marqué par les vacances scolaires et les barbecues entre amis qui éloignent pour un temps les Américains de leurs préoccupations politiques.

Face à un Joe Biden déjà affaibli…

La première quinzaine de juillet est marquée par la guerre interne au Parti démocrate pour faire renoncer Joe Biden à sa candidature. À la suite du débat catastrophique du candidat octogénaire face à Donald Trump en juin, son camp estime qu’il doit "passer le flambeau". Malgré la résistance acharnée de Joe Biden, qui revendique être le meilleur candidat possible, les appels appels publics ou privés se multiplient : élus du Congrès, donateurs, et même la star d’Hollywood George Clooney. Un pression inouïe qui, croit-on alors, promet d’éclipser la convention républicaine programmée entre le 15 et le 22 juillet.

... Trump joue la carte de l’homme fort miraculé…

Mais samedi 13 juillet, la tentative d’assassinat contre Donald Trump, lors d’un meeting en Pennsylvanie, fige le temps politico-médiatique. Tous les projecteurs se tournent vers le républicain touché par une balle à l’oreille droite. Dès lors, un nouveau récit prend forme. Donald Trump s'appuie sur le contraste entre son image de survivant, de miraculé, de martyr au poing levé criant "Battez-vous !" et celle d’un Joe Biden faible et hagard, rejeté par son propre camp, pour asseoir un peu plus sa domination dans les sondages.

"Il vient de gagner l’élection", se disent les républicains et aussi beaucoup de démocrates déjà désespérés avant ce tournant dans la campagne. "Nous nous sommes tous résignés à un second mandat Trump", affirme ainsi un élu démocrate à Axios le 14 juillet. Les experts prédisent un sursaut de mobilisation républicaine. La tentative d’assassinat "garantira que chaque partisan de Trump sera dorénavant un électeur de Trump en novembre. Les électeurs de Trump sont redynamisés, ceux de Biden son démoralisés", écrit le sondier Frank Luntz sur X le même jour.

Si bien que la convention républicaine de Milwaukee se transforme en triomphe pour le candidat qui a réussi à transformer un parti qui le rejetait à ses débuts en une foule de fidèles "MAGA" (Make America Great Again). La preuve ? Les huées contre Mitch McConnell, patron de la droite au Sénat et représentant de l’ancien establishment républicain. Ou encore le faux bandage à l’oreille adopté par de nombreux participants dans l’enceinte de la convention en solidarité avec leur champion. Même le milliardaire Elon Musk se rallie publiquement à Donald Trump.

En plus de son image d’homme fort à l’énergie quasi animale, Donald Trump se présente en politicien assagi par cette expérience effroyable. Son nouvel objectif ? "Rassembler le pays", affirme-t-il. Il tente de camper ce nouveau personnage les trois premiers jours de la convention, où il siège en silence tel un monarque devant le spectacle des intervenants louant ses prouesses. Mais le dernier jour, lors de son discours d’acceptation de l’investiture, il ne tient qu’une vingtaine de minutes avant de virer hors script. Le naturel revient vite au galop, avec des digressions interminables et des insultes à l’encontre de ses ennemis.

... jusqu’à ce que son adversaire devienne plus jeune que lui

Pendant ce temps-là, la déprime s’installe côté démocrate. D’autant plus que Joe Biden annonce être atteint du Covid-19 et se retirer dans sa maison du Delaware le temps de sa convalescence. Certains sont résignés : la course leur semble d’ores et déjà perdue. Sur CNN, le commentateur démocrate Van Jones affirme le 17 juillet : "Une balle n’a pas su arrêter Trump, un virus vient d’arrêter Biden. Vous avez les nominés de ce parti en train de se faire fesser - Biden est en train de se faire fesser par son propre parti. Les démocrates sont en train de se diviser, les républicains sont en train de se rassembler."

Mais en interne, la lutte continue. Après un court répit à la suite de la tentative d’assassinat, les appels à se retirer reprennent. Cette fois, les poids lourds s’y mettent : Barack Obama et, surtout, Nancy Pelosi, font comprendre au président qu’il n’a plus le choix : son entêtement met en péril non seulement la Maison Blanche, mais aussi le Congrès et les institutions locales.

Dimanche 21 juillet, Joe Biden craque. Il annonce finalement qu’il renonce et qu’il soutient Kamala Harris à sa place. Le camp démocrate se rallie derrière elle et la vice-présidente devient officiellement la candidate du parti le 2 août, à l’issue d’un vote virtuel des délégués démocrates.

Le réveil est difficile pour Donald Trump, qui bénéficiait jusqu’ici d’une attention médiatique immense. Pendant les deux prochaines semaines, on parlera surtout de Kamala Harris. Surtout, il aurait préféré que Joe Biden reste son adversaire. Car le récit s’est tout d’un coup inversé : à 78 ans le républicain lui aussi en proie aux gaffes est désormais le candidat le plus âgé de cette course. Kamala Harris, elle, en a 59. Premier ancien président américain condamné au pénal, il fait maintenant face à une ex-procureure. Et cette dernière bénéficie de toute la structure et du trésor de campagne déjà en place sous Joe Biden. Elle a même nommé Jen O’Malley Dillon, qui dirigeait la campagne Biden, pour s’occuper de la sienne. Elle a aussi recruté David Plouffe, qui avait dirigé les campagnes d’Obama, comme conseiller.

Le changement de candidat démocrate ravive l’enthousiasme d’un parti qui n’y croyait plus. Selon une étude Ipsos parue le 28 juillet, 88 % des démocrates sont enthousiastes à l’idée que Kamala Harris soit leur candidate, contre 82 % des républicains au sujet de Donald Trump. Le 15 juillet - soit un siècle auparavant en temps politique américain - seulement 33 % des démocrates étaient satisfaits de leur candidat, contre 71 % des républicains, selon un sondage NBCNews.

Conséquence : les donations explosent - 200 millions de dollars récoltés en une semaine de campagne - tout comme la mobilisation au sein de la campagne, avec 170 000 bénévoles inscrits, selon les chiffres de l'agence AP rapportés le 28 juillet. Au total, sur le mois de juillet, la campagne Biden-Harris a levé 310 millions de dollars, contre 139 millions pour Donald Trump.

Kamala Harris se lance aussi avec un nouveau message. Quand Joe Biden parlait de sauver la démocratie et vantait son bilan économique, elle regarde vers le futur et se présente en gardienne des libertés - en particulier celle d’avorter.

Des attaques qui tombent à plat

Donald Trump tente bien de contre-attaquer, sans succès. "Elle est devenue noire récemment", raille-t-il lors d’une interview organisée par une association de journalistes noirs fin juillet, comme pour accuser sa rivale de forcer son identité pour plaire à l’électorat afro-américain. Drôle d’idée quand on sait que Kamala Harris est bi-raciale - elle est issue de l’union d’un Jamaïcain et d’une Indienne - et qu’elle a grandi dans un quartier où la culture noire était prépondérante avant d’étudier à Howard, une université historiquement noire. Autant dire que cette attaque est tombée à plat.

Les républicains ont déjà un nouveau créneau : les craintes au sujet d’une récession économique aux États-Unis et d’une potentielle bulle autour de l’intelligence artificielle ont provoqué une très lourde chute boursière le 5 août. Le camp Trump s’est empressé de parler de "Kamala Crash", mais il est peu probable à ce stade que les variations boursières soient déterminantes pour le résultat du 5 novembre.

D’autres fragilités sont aussi pointées du doigt : Kamala Harris n’a toujours pas donné de conférence de presse et sa plateforme n’est pas tout à fait claire pour le moment. Réputée plus à gauche que Joe Biden, elle est ainsi revenue sur sa volonté d’interdire l’exploitation du gaz de schiste ou de mettre en place une assurance santé publique universelle. Elle sera aussi critiquée sur la question migratoire, puisqu’elle était en charge du dossier en tant que vice-présidente. Elle aura l’occasion de clarifier ses positions lors de sa tournée des États clés cette semaine, puis lors de la convention démocrate du 19 au 22 août à Chicago.

La bataille des "Veep"

Le 15 juillet, dès le premier jour de la convention républicaine, Donald Trump a choisi J.D. Vance sur son ticket présidentiel. Le sénateur de l’Ohio, célèbre auteur du livre "Hillbilly Elegy", sombre tableau de l’Amérique blanche déshéritée, était à ses débuts un fervent critique de Donald Trump, avant, comme beaucoup, de se rallier à lui. À 40 ans, il représente aujourd'hui la relève du trumpisme et incarne la nouvelle droite américaine, une extrême droite proche de l’alt-right et de certaines personnalités de la tech. Ses premiers pas en tant que colistier sont pourtant maladroits, avec notamment ses propos dénigrant les "femmes à chat" et insinuant que Kamala Harris ne serait pas qualifiée pour la Maison Blanche car elle n’a pas d’enfant.

De son côté, Kamala Harris doit annoncer dans les prochaines heures le nom de son colistier. Elle qui a su re-mobiliser son camp en si peu de temps doit désormais élargir sa base. Josh Shapiro, très populaire gouverneur de Pennsylvanie et orateur remarqué, pourrait l’aider à remporter cet État indispensable. À moins qu’elle ne lui préfère Tim Walz, le gouverneur du Minnesota, ancien prof et coach de football américain dont le franc parler et l'authenticité peut séduire les cols bleus du Midwest. Dans les dernières heures de lundi soir, les parieurs semblaient miser sur ce dernier.

Le point sur les sondages

La tendance est à la remontée du camp démocrate, après des mois de domination républicaine. Kamala Harris regagne du terrain jusqu’à devancer Donald Trump dans les dernières études d’opinion (0,2 points d’avance au niveau national selon la moyenne de Real Clear Polls). Selon cet organisme, Trump reste néanmoins en tête dans les États clés bien que certains sondages remarqués (comme celui-ci de Bloomberg) ces derniers jours aient donné Kamala Harris gagnante dans plusieurs d’entre eux.

Nate Silver, un autre spécialiste du monde des sondages, donne désormais à Kamala Harris de meilleures chances de gagner que Donald Trump.

Pour afficher ce contenu X (Twitter), il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.

Accepter Gérer mes choix

Et selon l’organisme RacetotheWH, qui traque les derniers sondages, Kamala Harris est désormais plus susceptible que Donald de dépasser la barre des 270 délégués nécessaires pour gagner.

Pour afficher ce contenu X (Twitter), il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.

Accepter Gérer mes choix

Par ailleurs, la carte électorale s’élargit. Lorsqu’il pensait encore affronter Joe Biden, Donald Trump et les stratèges républicains avaient réduit le champ de bataille à trois États clés - Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin. Désormais, l’Arizona, le Nevada, la Géorgie et la Caroline du Nord ne sont plus considérées comme assurés pour Trump, qui va devoir batailler davantage que prévu.

La déclaration de Trump passée inaperçue

Les nouvelles politiques se sont enchaînées avec une telle rapidité en ce mois de juillet que certaines énormités sont passées inaperçues. Lors d’un meeting le 26 juillet en Floride, devant un public de religieux conservateurs, Donald Trump a promis à ses partisans qu’ils n’auraient plus à voter dans quatre ans. Vous avez bien lu, le candidat à la présidentielle de l’un des deux grands partis aux États-Unis promet tout simplement de mettre fin à la démocratie.

Si le passage a tourné en boucle dans le petit cercle des passionnés de politique américaine sur les réseaux sociaux, il n’a pas fait la une des journaux. Pour ceux qui ne croient que ce qu’ils voient, voici le verbatim et la vidéo.

"Chrétiens, sortez et allez voter. Juste cette fois. Vous n’aurez plus à le faire ensuite, vous savez quoi ? Quatre ans de plus et ça sera réglé, cela ira, vous n’aurez plus jamais à voter, mes beaux chrétiens."

Pour afficher ce contenu X (Twitter), il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.

Accepter Gérer mes choix

Et pour "roarrrr" un peu…

Regardez la prestation enflammée de Tim Scott, prétendant déçu au poste de colistier de Donald Trump, lors de la convention républicaine. Le sénateur de Caroline du Sud, toujours volontaire pour brosser son patron dans le sens du poil, est revenu sur la réaction bestiale de Donald Trump après avoir échappé à la mort. Une intervention pour le moins enthousiaste et… bruyante.

Pour afficher ce contenu X (Twitter), il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.

Accepter Gérer mes choix