

La trêve olympique n’existe pas dans un sport comme la boxe. En dehors des rings de Paris 2024, deux instances sportives se livrent un féroce combat : le Comité international olympique (CIO) et la Fédération internationale de boxe (IBA), dont la mission est de développer et de diriger la boxe amateur, "en accord avec les exigences et l’esprit de la Charte olympique".
Le conflit s'est exacerbé en 2019, quand le CIO a retiré à l'ancêtre de l’IBA son droit d'organiser la boxe olympique. En proie à de multiples polémiques, en particulier des soupçons de corruption des juges et arbitres lors de plusieurs Jeux olympiques successifs, l'IBA venait alors alors de changer plusieurs fois de gouvernance.
En 2020, l’oligarque russe Umar Kremlev a pris les manettes de l'organisation financée en partie par le géant gazier russe Gazprom. Depuis, les relations avec le CIO n'ont fait que se détériorer, jusqu’au retrait, en juin 2023, de la reconnaissance accordée à l’IBA qui disparaissait ainsi du monde olympique. La boxe est tout de même restée au programme des JO 2024, le CIO se chargeant de l’organisation du tournoi olympique.
Umar Kremlev en veut depuis “aux petits fonctionnaires” du CIO et à leur président Thomas Bach qui, selon lui, ne savent que dépenser de l’argent pour eux, sans rien faire pour la promotion de la boxe. Lui dit avoir un véritable projet pour relancer la boxe amateur, qu’il est venu dévoiler en novembre dernier à Paris. Il assure vouloir continuer à assainir ce sport, en luttant notamment contre la corruption, et espère créer de nouveaux tournois, notamment en France.
Des "tests de sexe" controversés
La plupart des sports olympiques sont supervisés par leurs fédérations internationales. Or, dans le cas de la boxe, pas de coordination possible entre l'IBA et le CIO, qui ont notamment des critères d'éligibilité différents pour les compétitions féminines. Lors des Mondiaux à New Delhi l’an dernier, l'IBA a ainsi voulu faire passer des tests de détermination du genre à deux boxeuses, l'Algérienne Imane Khelif et la Taïwanaise Lin Yu-ting. Alors qu'elles avaient combattu et gagné plusieurs combats, elles ont toute deux été suspendues. L'IBA n'a pas précisé la nature de ces tests.
L'instance olympique de son côté a rejeté à plusieurs reprises la valeur même de ces tests, les qualifiant d'"arbitraires", et s'est prononcée contre l'usage de ces "tests de sexe" - tests génétiques effectués à l'aide d'écouvillons ou de sang - qu'elle a supprimés en 1999. Les boxeuses Khelif et Lin, bannies par l'IBA, ont donc été autorisées à concourir à Paris, toute personne reconnue comme femme dans son passeport étant autorisée à combattre chez les féminines.
Leur participation soulève pour l'IBA "de sérieuses questions quant à l'équité des compétitions et à la sécurité des athlètes". Des craintes qui s’appuient notamment sur le combat, en 8e de finale, entre Imane Khelif et l’Italienne Angela Carini, qui a abandonné au bout de 46 secondes de combat après avoir reçu un violent direct au visage. Une boxeuse à qui l’IBA a choisi de verser la prime olympique de 100 000 dollars que perçoit chaque médaillé d’or dans ce sport. “Je ne pouvais pas regarder ses larmes", a déclaré Umar Kremlev dans un communiqué.
Une conférence de l'IBA houleuse et confuse
Umar Kremlev s’est montré moins tendre ces derniers jours à l’égard du président du CIO Thomas Bach qu’il a violemment interpellé à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux. Il l'a notamment traité de "lâche", en lui reprochant d'avoir tenté de faire bloquer les publications dans lesquelles il critiquait crûment le cérémonie d'ouverture des JO empreinte de "sodomie".
Pour afficher ce contenu X (Twitter), il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixS'il n’a pas commenté ces tristes sorties médiatiques, Thomas Bach s’est en revanche exprimé samedi 3 août, à propos des deux boxeuses. "Ce que nous constatons maintenant, c’est que certains veulent s’approprier la définition de qui est une femme", a déclaré le président du CIO. "Et là, je ne peux que les inviter à proposer une base scientifique, une nouvelle définition de qui est une femme, et comment une personne née, élevée, concourant et possédant un passeport en tant que femme ne peut-elle pas être considérée comme telle".
La polémique a d'ailleurs largement débordé le simple cadre sportif. De nombreuses personnalités se sont exprimées sur ce dossier, à l’instar de Donald Trump, qui a estimé sur son réseau social Truth que les hommes doivent rester en dehors des catégories sportives féminines.
Pour afficher ce contenu , il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixLes questions au sujet de la récupération politique ont été systématiquement écartées par trois représentants de l’IBA qui ont donné, le 5 août, une conférence de presse à Paris. Tous ont assuré ne poursuivre qu’un seul but : la protection de l’intégrité physique des boxeuses. Et ils ont affirmé avoir transmis au CIO les données médicales prouvant que ces boxeuses sont des hommes.
Au cours de cette conférence houleuse et confuse, certains journalistes ont tenté de savoir si la position de l’IBA n’était pas motivée par des raisons politiques ou des positions rétrogrades. Leurs questions sont restées sans réponse. Umar Kremlev, qui s’adressait en russe aux journalistes par vidéoconférence, s’est lui aussi contenté de mettre en avant les résultats des tests pratiqués par l’IBA, en affirmant que les boxeuses avaient des “niveaux de testostérone très élevés”.
Cette polémique ne cesse de prendre de l’ampleur alors que les phases finales du tournoi olympique de boxe de Paris approchent. L’Algérienne Imane Khelif doit disputer, le 6 août, sa demi-finale contre la Thaïlandaise Janjaem Suwannapheng. Un combat que la boxeuse algérienne, victime d’une incroyable campagne de cyberharcèlement, aborde dans des conditions très difficiles. Dans une interview accordée à l’agence Associated Press, elle a appelé "tous les peuples du monde" à "respecter les principes olympiques et la Charte olympique, et à s’abstenir de toute forme d’intimidation envers les athlètes".
