Une dernière touche au parfum d'éternité. En inscrivant le 45e point du duel entre l'Ukraine et la Corée du Sud, Olga Kharlan a offert à son pays la première des JO 2024 dans l'écrin du Grand Palais de Paris.
En réalisant, l'Ukrainienne a enlevée son masque et s'est mise à genoux. Les larmes se sont mises à couler le long de son visage pris par l'émotion. Dans la salle en délire, elle a longtemps été saluée par les "Olga", scandés en rythme par les 8 000 spectateurs, acquis à sa cause. On aurait pu croire que les Françaises avaient gagné ce soir.
Adoptée par Paris
D'ailleurs, comme les Français lors de la dernière coupe du monde de football, elle s'est mise à danser et célébrer sur "Freed from Desire" de Gala, rejointe par ses comparses, Alina Komashchuk, Olena Kravatska, Yuliia Bakastova, qui l'ont enroulé dans un drapeau de l'Ukraine.
"Les spectateurs ont été incroyables. Nous avons reçu tellement d'encouragements. J'ai vu tellement de drapeaux ukrainiens. Paris, vous avez été formidable !", remercie-t-elle après sa performance hors-norme du soir et la gorge encore nouée par l'émotion.
En remportant cette médaille d'or, Olga Kharlan devient la sportive ayant apporté le plus de médailles olympiques à l'Ukraine. Á titre personnel, elle conquiert enfin un titre olympique, seule breloque manquante dans son immense collection qui en fait une des plus grandes escrimeuses de tous les temps.
"La guerre est toujours dans nos têtes"
Cependant, ça fait longtemps que Olga Kharlan ne pense plus avant tout à elle ou son palmarès personnel. Depuis le début de la guerre en Ukraine, elle a été une des voix les plus vocales quant à l'exclusion des Russes du sport.
"La guerre est toujours dans nos têtes. Nous nous sommes habitués à ce que nos soldats se battent et meurent. Ca me motive. Un entraînement ne peut pas être difficile car des gens vivent des moments beaucoup plus difficiles", explique Olga Kharlan. "Je n'ai pas d'excuses à avoir."
Quand son pays a été envahi par la Russie en février 2024, elle a foncé en Ukraine pour ramener sa sœur et son neveu en Italie où elle a pris racine avec son compagnon, le sabreur Luigi Samele, médaillé de bronze à Paris samedi.
Le chemin jusqu'à Paris a été sinueux : lors des Mondiaux de Milan, important pour la qualification olympique, elle a été disqualifiée pour avoir refusé de serrer la main de son adversaire russe Anna Smirnova.
"Il y a un an, j'étais à deux doigts d'arrêter l'escrime avec ma disqualification", rembobine-t-elle. "Mais je suis revenue ! Et c'est le message que je voudrais passer : continuez d'y croire, continuez de travailler et n'abandonnez jamais. Comme l'Ukraine !"
Repêchée par Thomas Bach
Une invitation personnelle du président du Comité international olympique Thomas Bach pour les Jeux change la donne. Sa suspension est finalement levée par la Fédération internationale d'escrime, présidée jusqu'à l'invasion de l'Ukraine par le milliardaire russe Alicher Ousmanov.
Il aurait dommage qu'elle rate ces Jeux olympiques. La fer de lance de l'escrime ukrainienne a livré un tableau de maître dans la galerie du Grand Palais. Elle a quasiment porté l'équipe sur son dos : 22 touches inscrites sur les 45 nécessaires à la victoire pour seulement 10 encaissés. Elle a surtout effacé un retard de trois touches dans le dernier relais dans une salle acquise à sa cause.
Et maintenant ? Elle prévenait avant les Jeux son besoin de faire une pause après deux ans et demi à s'user par des mois de combat politique contre le retour russe dans le sport, l'angoisse pour ses proches restés au pays et les blessures.
Dans l'immédiat, elle promet surtout de ramener sa médaille au pays dès la fin de la cérémonie de clôture, consciente du symbole qu'elle représente désormais.