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Ingérences étrangères, terrorisme, cyber-attaques : les JO de Paris sous étroite surveillance
Les Jeux olympiques commencent officiellement vendredi, dans une période marquée par de fortes tensions internationales. Un impressionnant dispositif sécuritaire a été mis en place pour garantir le bon déroulement de la compétition, mais les menaces sont nombreuses.

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Plus de 30 000 policiers et gendarmes, 20 000 agents de sécurité et 10 000 militaires de l’opération Sentinelle. Pour assurer la sécurité des Jeux olympiques, le gouvernement a vu les choses en grand. Il faut dire que la capitale française devrait accueillir plus de 15 millions de touristes pendant la compétition et que la cérémonie d’ouverture va être regardée par un milliard de téléspectateurs à travers le monde. "Nous sommes prêts", a assuré Emmanuel Macron à quatre jours de l’ouverture.

Et pourtant, le risque d’une ingérence étrangère ou d’un attentat terroriste reste élevé, selon les renseignements français. Malgré la défaite territoriale du groupe État islamique et la mort du chef d’Al-Qaïda au Yémen, "la menace est réelle et constante, elle n’a pas changé depuis plusieurs années", explique Wassim Nasr, chroniqueur international à France 24 et co-auteur d’un article pour la revue américaine sur le contre-terrorisme CTC Sentinel.

"La menace latente" du terrorisme islamique

D’après les informations de France Inter, les renseignements ont identifié une douzaine de donneurs d’ordre du groupe État islamique en zone turco-syrienne, capables d’activer à tout moment des cellules dormantes en France. "C’est la menace latente, constante, celle d’une personne qui agit seule en prenant un couteau et en décidant d’attaquer au nom d’un groupe", estime Wasim Nasr. Lundi, un homme déjà condamné pour sa radicalisation islamiste a d’ailleurs été mis en examen pour tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste, après avoir attaqué au couteau un chauffeur de taxi, une semaine plus tôt, près du Mans.

Au-delà des groupes terroristes, certains acteurs étatiques espèrent profiter des divisions suscitées par la guerre à Gaza pour créer des troubles à l’ordre public. "Les remous de la guerre à Gaza peuvent pousser certaines personnes à créer du trouble à l’ordre public, à empêcher des équipes d’arriver à l’endroit où elles doivent jouer", imagine le chroniqueur de France 24. Particulièrement à risque, la délégation olympique israélienne bénéficie d’une sécurité 24 h/24 avec une escorte policière renforcée pour se rendre sur les différents lieux de la compétition.

"Porter atteinte à l’image de la France dans le monde"

Enfin, les services de police observent, depuis plusieurs semaines, une multiplication des manœuvres de déstabilisation pro-russe. Dimanche, Kirill Griaznov, agent du FSB sans couverture diplomatique, a été arrêté à Paris et mis en examen pour "intelligence avec une puissance étrangère en vue de susciter les hostilités en France", selon les informations du Monde. Le lendemain, un Français de 44 ans et deux ressortissantes russes étaient arrêtés alors qu’ils tentaient de pénétrer en voiture dans la zone de Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme (SILT). Après vérification, l’une des deux femmes, retrouvée cachée dans le coffre, s’était vu refuser à deux reprises sa demande d’accréditation auprès du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) pour raison sécuritaire. Leur garde à vue a depuis été levée, mais la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) doit les reconvoquer après enquête, selon Le Parisien.

Quelques semaines plus tôt, les services de renseignement avaient déjà été alertés après qu’un russo-ukrainien de 26 ans a échoué à faire exploser son engin artisanal dans un Bricorama vers l’aéroport de Roissy, en région parisienne. Il a depuis été mis en examen par un juge anti-terroriste pour "association de malfaiteur terroriste criminelle" et "détention de substance ou explosif en vue de préparer une destruction ou atteinte aux personnes, en relation avec une entreprise terroriste".

Pour l'instant, seul Kirill Griaznov est soupçonné de travailler directement pour les renseignements russes. Mais pour David Colon, enseignant-chercheur à Sciences-Po interrogé par France 24, ces arrestations en cascade pourraient s'expliquer par le fait que "la Russie n’a plus beaucoup d’hommes sur le terrain depuis que ses diplomates, dont les officiers de renseignements sous couverture, ont été expulsés en [avril] 2022".

Guerre informationnelle contre la France

Ces actions de terrain s’inscrivent dans la guerre informationnelle que mène depuis plusieurs années la Russie contre l’Occident, en particulier les soutiens de l’Ukraine. "La production de fake news est constante, mais à l’approche des JO, elle a tendance à augmenter", constate David Colon, également auteur de "La guerre de l'information" (éditions Tallandier, 2023). En témoigne la diffusion, mercredi, d’une fausse vidéo de menaces du Hamas contre la France, vue plus de 14 millions de fois. On y voit un homme, le visage dissimulé par un keffieh et arborant un drapeau palestinien sur la poitrine, reprocher à la France de soutenir Israël, avant de brandir ce qui ressemble à une tête de Marianne, décapitée et sanglante. Dans le jargon, on appelle cela une opération menée "sous faux pavillon". "Les opérateurs russes se sont fait passer pour le Hamas en faisant exprès de ne pas être crédibles pour l’attribuer à un tiers, en l’occurrence Israël", explique David Colon.

En revanche, la Russie a tout intérêt à semer le trouble pendant ces JO : "D’une part, ses athlètes ont été interdits de concourir sous bannière russe, ce qui conduit le Kremlin à mener une campagne de dénigrement du CIO, des JO et de la ville de Paris. D’autre part, cela tient du contexte de la guerre en Ukraine, or la France soutient très largement l’Ukraine. Enfin, les JO offrent une surface informationnelle mondiale, et donc l’opportunité de porter atteinte à l’image de la France dans le monde".

D’autres acteurs individuels, comme des hackers, espèrent également profiter des JO pour semer le trouble par pure cynisme ou appât du gain. Lors des JO de Tokyo, en 2020, les organisateurs avaient subi plus de 450 millions d’attaques cyber. Ce jeudi, le parquet de Paris a fait savoir qu’une vaste "opération de désinfection" était en cours pour éliminer un virus informatique qui avait affecté des millions d’utilisateurs, notamment en France. "À la veille de l’ouverture des Jeux olympiques, cette opération démontre la vigilance des différents acteurs, en France et à l’étranger, mobilisés pour lutter contre toutes les formes de cybercriminalité", a conclu le parquet de Paris.