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Dans la bande de Gaza, l’armée israélienne frappe quatre écoles en quatre jours
Entre le 6 et le 9 juillet, l’armée israélienne a pris pour cible quatre écoles dans la bande de Gaza. Les bombardements de ces infrastructures civiles, qui servaient de camps de réfugiés, ont provoqué plusieurs dizaines de morts et de blessés. Bien que l'armée israélienne affirme avoir pris des mesures pour limiter les pertes civiles, des experts en munitions affirment que tout explosif largué sur ces zones densément peuplées risque de provoquer des pertes civiles importantes.

Sur les réseaux sociaux, les images du bombardement de l’école Al-Awda dans la ville d'Abasan al-Kabira, dans le sud de la bande de Gaza, ont largement circulé. Elles montrent une foule s’agiter autour d’au moins six personnes tuées et de nombreux blessés, au milieu de ce qui semble être les ruines d’un camp de fortune. Au moins une femme et un enfant sont identifiables parmi les corps.

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Des vidéos ultérieures montrent un grand nombre de blessés attendant des soins dans un hôpital à proximité.

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Cette attaque, qui a fait au moins 30 morts selon les autorités locales, a été largement couverte par la presse internationale. La chaîne qatarie Al-Jazira a notamment révélé une vidéo montrant que le bombardement de l’école est intervenu alors qu’un match de football se déroulait dans la cour d’un des bâtiments.

Mais il ne s’agit pas de la seule attaque de ce type. Dans les trois jours précédant le bombardement de l’école Al-Awda, l’armée israélienne a également ciblé trois autres écoles situées à différents endroits de la bande de Gaza. Deux sont situées dans le camp de Nousseirat, au centre de la bande de Gaza, et sont gérées par l’Unrwa, l’organisation des Nations unies dédiée aux réfugiés palestiniens. Une autre, l’école de la Sainte-Famille localisée dans le centre de la ville de Gaza, dépendait du Patriarcat latin de Jérusalem, une branche locale de l’Église catholique.

Quatre frappes en quatre jours

Le premier bombardement, celui de l’école Al-Jaouni de Nousseirat, aurait tué au moins 16 personnes le 6 juillet selon le ministère gazaoui des Réfugiés. Dans les images prises sur place par des journalistes locaux, plusieurs enfants semblent avoir été touchés.

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Le 7 juillet, c’est au tour de l’école de la Sainte-Famille d’être visée, une frappe qui a provoqué la mort de quatre personnes et en a blessé plusieurs autres, selon les équipes de la défense civile locale.

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Enfin, le 8 juillet, une deuxième école de l’Unrwa est frappée dans le camp de Nousseirat. Cette attaque n’a apparemment pas fait de morts, blessant quelques personnes, selon des chaînes Telegram d’information locales.

Selon les commentaires de l’armée israélienne recueillis par la rédaction des Observateurs, ces bombardements visaient à chaque fois des "terroristes" ou des infrastructures spécifiques liées à leurs activités à l’intérieur des écoles. Les forces armées israéliennes indiquent par ailleurs "avoir pris de nombreuses mesures pour limiter les pertes civiles".

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Des écoles transformées en camps de réfugiés

Comme la plupart des écoles à Gaza, ces quatre établissements n’étaient plus en activité depuis le commencement de l’invasion israélienne de la bande de Gaza en réaction aux attaques du Hamas le 7 octobre. Contactée par la rédaction des Observateurs, Philippa Greer, directrice du bureau juridique de l’Unrwa à Gaza, explique :

Ces [écoles] servaient d’abris d’urgence dédiés pour la population civile. [...] Du personnel de l’Unrwa était présent dans les écoles pour faire fonctionner les services dédiés aux civils à l’intérieur des abris. [...] Il y avait des milliers de déplacés internes dans chaque abri au moment [des bombardements].

Farid Jubran, chargé des affaires publiques pour le Patriarcat latin de Jérusalem, affirme également que l’école de la Sainte-Famille "n’était plus utilisée comme école". "Depuis le début des hostilités, elle a servi de refuge pour à peu près 600 personnes déplacées", détaille-t-il, indiquant également que le Patriarcat n’avait plus de personnel sur place.

Il est possible de vérifier que les autres écoles accueillaient bien des réfugiés civils juste avant les frappes qui les ont ciblées. Dans une vidéo en date du 2 juin, on peut voir des familles faire la queue pour recevoir de l’eau dans la cour de l’école Al-Jaouni.

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Les images satellite permettent également de constater la présence massive de civils à l’intérieur de ces écoles dans le cas de la deuxième école de l’Unrwa à Nousseirat prise pour cible, et dans celui de l’école Al-Awda.

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Des "mesures pour limiter les pertes civiles" peu efficaces dans les lieux peuplés

Il paraît difficile d’imaginer que l’armée israélienne ne disposait pas de ces informations au moment des frappes contre ces écoles : l'État hébreu fait en effet un usage extensif de la surveillance aérienne par drones dans le cadre de ses opérations à Gaza. Contactée par la rédaction des Observateurs, l’armée israélienne affirme avoir utilisé, parmi les "nombreuses mesures pour limiter les pertes civiles", une "surveillance aérienne précise" dans au moins deux cas : ceux de l’école Al-Jaouni et de l’école de la Sainte-Famille de Gaza.

Pour Juliette Touma, directrice de la communication de l’Unrwa, il n’est pas possible que l’armée israélienne n’ait pas su que ces frappes ciblaient des infrastructures accueillant des réfugiés, et donc densément peuplées : "Nous partageons avec l’armée israélienne chaque jour une liste des coordonnées de chacun de nos bâtiments, et notamment de ces abris", affirme-t-elle. Même son de cloche du côté de Farid Jubran :

Il me semble très improbable qu’ils ne soient pas conscients de la présence de personnes déplacées à l’intérieur des bâtiments [de l’école de la Sainte-Famille].

Parmi les autres "mesures pour limiter les pertes civiles", l’armée israélienne évoque auprès de la rédaction des Observateurs l’usage de "munitions précises" dans au moins deux cas de bombardements, dont celui de l’école Al-Awda le 9 juillet. Une récente enquête de CNN montre que dans le cas de ce dernier, la munition utilisée était une bombe GBU-39, de fabrication américaine.

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La bombe GBU-39, guidée avec une charge de 110 kg d'explosifs, est bien considérée comme une arme de précision. Des experts en munition ont cependant expliqué à la rédaction des Observateurs que l'utilisation de n'importe quel explosif dans une zone densément peuplée – comme les quatre écoles transformées en camps de réfugiés – est susceptible de provoquer un grand nombre de victimes civiles.

Des bombes puissantes auraient été utilisées sur une des écoles

Afin de savoir si des munitions de précision avaient été utilisées par l’armée israélienne pour tous les bombardements, la rédaction des Observateurs a montré des images de ces attaques d’écoles à Trevor Ball, un ancien technicien de l’armée américaine chargé de la neutralisation des explosifs et des munitions.

Dans le cas de deux écoles de l’Unrwa bombardées à Nousseirat, Trevor Ball estime que les images des dégâts sont compatibles avec des munitions de faible puissance. Il explique en réaction aux images de l’école Al-Jaouni :

Il faudrait des fragments de munition pour être sûr, mais les dégâts correspondent à l’usage de missiles Hellfire, de missiles Spike NLOS, ou d’une bombe de faible diamètre comme la GBU-39 [trois types de munitions relativement précises, NDLR].

En revanche, confronté à des vidéos montrant l’école de la Sainte-Famille de Gaza après son bombardement et à des images satellite du site, l’ancien technicien estime que les dégâts ne proviennent pas du même type de munitions.

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Quand des missiles Hellfire ou des bombes de faible diamètre sont utilisées, les dommages sont localisés à des étages précis, des piliers qui provoquent des effondrements à certains endroits, ou des petites structures. Dans cette vidéo de l’école de la Sainte-Famille, on peut voir qu’une section entière de l’immeuble a disparu, avec un cratère qui montre que le bâtiment ne s’est pas juste effondré. Ce niveau de destruction est plus cohérent avec une bombe Mark 82, de 230 kg, ou une bombe MPR 500, qui pèse également 230 kg.

Les images satellite montrent également qu’une partie de l’école de la Sainte-Famille a été détruite entre le 25 juin et le 8 juillet, le lendemain de la frappe.

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Ces quatre bombardements d’écoles en quatre jours ne sont pas des faits isolés de la part de l’armée israélienne au cours de ses opérations militaires dans la bande de Gaza : 60 % des écoles, hôpitaux et mosquées de l’enclave palestinienne auraient ainsi été détruits ou endommagés depuis le 7 octobre.

Mardi 16 juillet, quelques heures avant la publication de cet article, une autre école de l’Unrwa utilisée comme camp de réfugiés a été prise pour cible dans le camp de Nousseirat. Cette frappe a provoqué la mort d’au moins 23 personnes et blessé 50 autres résidents, selon les services de l’agence de l’ONU. Les forces armées israéliennes ont également bombardé le même jour la ville côtière d’Al-Mawasi, pourtant précédemment désignée par elle comme "zone humanitaire".