
Les parlementaires polonais ont rejeté, vendredi 12 juillet, une proposition de loi visant à décriminaliser et à dépénaliser toute aide et assistance à l'avortement, dans ce pays où l'IVG reste lui-même quasiment interdit.
Quelque 218 députés ont voté contre ce projet de libéralisation du code pénal, contre 215 qui l'ont soutenu. L'assistance à l'IVG reste donc toujours passible de trois ans de prison en Pologne, pays à forte tradition catholique.
Il s'agit du premier et plus prudent des quatre projets de textes visant à libéraliser l'accès à l'avortement, soumis par des membres de la coalition pro-UE au pouvoir, dans un contexte de divisions profondes sur l'assouplissement des réglementations parmi les plus restrictives d'Europe.
L'alliance des partis pro-UE est arrivée au pouvoir en octobre en promettant de légaliser l'avortement, qui n'est actuellement autorisé que si la grossesse résulte d'une agression sexuelle ou d'un inceste, ou si elle constitue une menace directe à la vie ou à la santé de la mère.
Le texte soumis au vote vendredi a été rejeté avec les voix du parti nationaliste-conservateur Droit et Justice (PiS), de l'extrême droite de Konfederacja, qui sont deux formations majeures d'opposition, mais aussi celles de certains députés du parti paysan PSL (démocrate-chrétien), membre de la coalition au pouvoir.
Les trois autres textes, toujours débattus en commissions parlementaires, proposent directement, mais chacun suivant des modalités différentes, l'accès à l'avortement. Cette semaine, le président Andrzej Duda, proche allié du PiS, a prévenu qu'il opposerait son veto à ces textes.
Une législation en "décalage radical"
Krzysztof Bosak, leader de Konfederacja et vice-président de la chambre basse, a accueilli ce rejet avec enthousiasme. "Bravo ! Le projet d'avortement (préparé par) des fanatiques de gauche est rejeté (...) Le lobby de l'avortement ne sera pas exempté de la responsabilité légale de ses activités mortelles", a-t-il écrit sur X.
De son côté, le Center for Reproductive Rights, organisation mondiale basée à New York, a aussitôt souligné que "les lois qui criminalisent l'avortement et menacent de poursuites pénales et d'emprisonnement les personnes fournissant des soins et une assistance aux femmes, mettent en danger la santé et la vie des femmes et violent les droits humains".
"Les députés polonais ont manqué une occasion cruciale d'atténuer les immenses souffrances endurées par des milliers de femmes et de jeunes filles en Pologne", a déclaré Leah Hoctor, vice-présidente pour l'Europe de cette organisation, dans un message adressé à l'AFP.
Selon le Centre new-yorkais, les lois polonaises en matière d'avortement sont "radicalement en décalage par rapport aux autres pays européens", aux droits humains et aux directives de l'Organisation mondiale de la Santé.
Klaudia Jachira, députée de la Coalition civique au pouvoir, qui a voté pour l'assouplissement de la loi, a constaté amèrement que "l'enfer des femmes se poursuit" en Pologne.
Selon un sondage récent de l'institut Ipsos, 35 % des Polonais soutiennent le droit à l'avortement jusqu'à la 12e semaine de grossesse. Un rétablissement de ce droit en cas de malformation du fœtus, aboli par le pouvoir nationaliste, est à cet égard souhaité par 21 % des personnes interrogées, alors que, pour 14 % d'entre elles, l'état actuel de la législation est satisfaisant. Près d'un quart des Polonais voudraient un référendum national sur la question.
Avec AFP