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Au dixième mois de guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, les ONG tirent une fois de plus la sonnette d’alarme. Les Palestiniens, déplacés à plusieurs reprises dans l’enclave sur ordre de l’armée israélienne, s’entassent dans des zones surpeuplées où l’aide humanitaire n’entre plus.

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Les mois défilent et la situation humanitaire se dégrade. Inexorablement. Alors que la guerre entre Israël et le Hamas entre dans son dixième mois, de vastes opérations militaires se succèdent dans l’enclave, poussant des milliers de Palestiniens sur les routes de l’exode. Les ordres d’évacuation de l’armée israélienne se multiplient comme récemment dans la ville de Gaza, où 300 à 350 000 personnes s’entassent, selon l’ONU.

"À toutes les personnes présentes dans la ville de Gaza, des corridors de sécurité vous permettent de vous rendre rapidement et sans inspection de la ville de Gaza vers des abris à Deir el-Balah et Al-Zawiya", indique un tract vu par un correspondant de l’AFP. "La ville de Gaza reste une zone de combats dangereuse", prévient le texte.

Évacuer, mais pour aller où ? " Depuis le mois d'octobre, il n'y a jamais eu d'endroits totalement sûrs dans Gaza. Pour rappel, déjà, même dans le Sud qui était censé être sécurisé fin 2023, il y avait déjà 30 % de mortalité. La situation est donc toujours dramatique, rappelle sur l’antenne de France 24 Jean-François Corty, médecin humanitaire et président de l’ONG Médecins du monde. Cette population civile vit dans une prison à ciel ouvert puisque Gaza, c'est 40 kilomètres de long sur huit de large, et c'est totalement fermé".

Gaza ville, qui abritait un quart des habitants de l’enclave palestinienne avant le 7 octobre, a été quasiment détruite lors des premières semaines de combats en 2023. Ces derniers mois, des centaines de milliers de Palestiniens sont revenus dans des maisons en ruines au gré des ordres d'évacuations israéliens. "Maintenant, les gens doivent s'entasser dans des zones minuscules, des ruelles minuscules et des camps minuscules qui sont tellement surpeuplés que les gens dorment maintenant à la belle étoile. Les gens ne savent plus où aller, ils se dirigent vers l’inconnu, poursuit sur l'antenne anglophone de France 24 Ahmed Bayram, conseiller média pour le Conseil norvégien pour les réfugiés (Norwegian Refugee Council, NRC). La situation à l'arrivée des gens est épouvantable. Dans les zones où nous fournissons de l'eau, par exemple, il y a une pénurie de carburant extrême. Nous ne fournissons que la moitié de la quantité d'eau propre par rapport à la semaine dernière. La situation ne s'améliore pas. Au contraire, la situation s'aggrave considérablement pour tous les habitants de la région."

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Malgré les ordres d'évacuations, nombreux sont les habitants qui ont refusé d'obtempérer. Les témoignages affluent sur les réseaux sociaux. "Nous mourrons mais ne partirons pas vers le Sud. Nous avons enduré la famine et les bombes pendant neuf mois et nous sommes prêts à mourir en martyrs ici", déclare à Reuters Mohammad Ali, 30 ans, joint par messagerie.

"La malnutrition augmente"

Manque de nourriture, d'eau, de médicaments… les rares organisations humanitaires encore présentes sur place décrivent des situations jamais vues dans des conflits armés. Les consultations médicales se font cahin-caha. "On est en tension permanente sur l'approvisionnement en médicaments parce que pas grand-chose n’entre dans Gaza. L’aide humanitaire est sous-proportionnée. Et il y a un chiffre très inquiétant, c'est la malnutrition qui augmente, précise Jean-François Corty, dont l'ONG compte une cinquantaine de personnes opérant encore sur place. Cette malnutrition est corrélée au rapport des Nations Unies du 9 juillet : c'est que le blocus maritime, aérien et terrestre de l'armée israélienne, plus les bombardements sont en train d'occasionner une famine intentionnelle qui a toutes les caractéristiques d'une histoire génocidaire. Donc la situation est totalement atroce."

Dans les hôpitaux encore opérationnels, les blessés sont traités à même le sol, avec les moyens du bord. "Il reste cinq ou six hôpitaux qui sont saturés de malades, sont en rupture de tout et font donc une médecine de sous qualité", confirme le président de Médecins du monde. Les maladies chroniques, quand elles sont détectées, ne peuvent être traitées. "Les services de santé se sont effondrés depuis longtemps. Les gens doivent à nouveau se débrouiller avec les moyens dont ils disposent, avec le peu d'équipement et le très peu de médicaments qu'ils ont", ajoute Ahmed Bayram, le responsable du Conseil norvégien pour les réfugiés.

L’acheminement de l’aide humanitaire est devenu quasi impossible. "La nourriture est en train de diminuer en qualité et en quantité. Il n'y a que dix aliments, détaille Ahmed Bayram. Jusqu'à la semaine dernière, on ne pouvait trouver que des aubergines, des oignons et des tomates sur le marché. D'autres denrées s'épuisent également. Mais la nourriture est la priorité absolue en ce moment."

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Une aide humanitaire au compte-goutte 

Déjà sous blocus israélien depuis 2007, l’enclave voit très peu de marchandises entrer à Gaza. Depuis début mai et la fermeture du point de passage de Rafah, à la frontière avec l'Égypte, Kerem Shalom est devenu la principale porte d'entrée pour le ravitaillement de la bande de Gaza. Quelque 250 camions y passent chaque jour, d'après le Cogat, organe du ministère de la Défense israélien supervisant les affaires civiles dans les Territoires palestiniens occupés. Un chiffre bien inférieur aux 500 quotidiens d’avant-guerre.

"Le mutisme de la communauté internationale est ahurissant, condamne le président de Médecins du monde. La communication humanitaire des États-Unis est indécente. Elle nous explique qu'il y a une jetée avec un corridor humanitaire qui est censé de faire venir des bateaux depuis Chypre. Il n'est pas fonctionnel. Il y a des passages au Sud, notamment à Rafah, où des milliers de camions qui sont prépositionnés. Côté égyptien, il est fermé. Il y a un petit passage qui s'est ouvert à l’Ouest, notamment au nord de la bande de Gaza, qui est relativement fonctionnel. Mais en juin, par exemple, il y a eu 80 camions qui sont rentrés sur les 500 à 1 000 nécessaires quotidiennement pour faire vivre les 2 millions d’habitants de Gaza. Et sur les quelques camions quotidiens, la moitié sont vides."

Selon l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Israël de ne délivre pas assez rapidement les autorisations permettant aux convois d'atteindre certaines zones à l'intérieur de la bande de Gaza. Seules quelques cargaisons entrent et bien souvent, elles proviennent du secteur privé qui lui, ne connaît pas la crise. Trente euros la boîte d’œufs, 17 euros le lait infantile, 24 euros le shampoing, indique le Conseil norvégien pour les réfugiés. Faute d’argent, les plus pauvres échangent ce qu'ils peuvent, des vêtements ou des bijoux. "Aujourd'hui, les transferts du secteur privé sont plus efficaces que les organisations humanitaires", affirme à l’AFP Shimi Zuaretz, un porte-parole du Cogat.

Pour le Conseil norvégien pour les réfugiés, les Palestiniens sont privés de "moyens de vie essentiels". "Il y a une véritable militarisation de la nourriture, ce qui ne devrait jamais être le cas dans une zone de conflit, car ces personnes n'ont rien à voir avec tout cela, regrette Ahmed Bayram. Ces gens sont confrontés à une situation de famine."

"Trente-quatre Palestiniens sont morts de malnutrition depuis le 7 octobre, la majorité étant des enfants", ont déclaré le 9 juillet dix experts indépendants des Nations unies (sans parler au nom de l'ONU) accusant Israël de mener "campagne de famine ciblée". "Il y a une famine qui est intentionnelle et qui a des allures de génocide, affirme Jean-François Corty. Ce sont les mots des Nations Unies et c’est dans la droite ligne de ce qu’à dit la Cour internationale de justice en avril en parlant de 'risque accru de génocide à Gaza'. Et pourtant, la communauté internationale aujourd'hui reste mutique."

Des accusations rejetées en bloc par Israël, qui renvoie la responsabilité au Hamas, accusé de "voler et dissimuler intentionnellement l’aide aux civils". "Depuis le début de la guerre, plus de 565 000 tonnes de nourriture sont entrées à Gaza", a argumenté la mission israélienne auprès de l’ONU à Genève après la publication du communiqué des experts indépendants.

"Nous avons besoin d'un cessez-le-feu"

Sur le terrain, la situation sécuritaire est devenue intenable pour les humanitaires. "Les deux plus grands risques sont évidemment du côté israélien, explique Ahmed Bayram. Les routes de l'aide ne sont pas sécurisées et la loi et l’ordre à l’intérieur du pays se sont totalement effondrés. Nous avons vu des éléments criminels sur la route, bien sûr qu’il y a un état de désespoir. Des camions ont été attaqués. Mais il faut qu'Israël fournisse ces garanties aux travailleurs humanitaires pour qu'ils puissent circuler en toute sécurité le long de ces itinéraires d'aide comme dans tous les autres conflits. Rien ne sera sûr tant que les hostilités feront rage."

Des pourparlers ont repris en Égypte et au Qatar avec l’appui des États-Unis. Cette fois, le Hamas a fait la concession renonçant notamment à faire de la fin des opérations militaires israéliennes un préalable à un cessez-le-feu et à la libération des otages. "Maintenant, nous avons besoin d'un cessez-le-feu, confirme Ahmed Bayram. Pour le bien de la population, pour le bien des otages. Rien de tout cela n'aide ni les uns ni les autres. Nous espérons que le prochain cycle de négociations aboutira."