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Au Royaume-Uni, Keir Starmer compte sur l'effet "rassurant" de sa victoire pour mener ses réformes
À la suite de la victoire historique des travaillistes, jeudi, aux législatives anticipées du Royaume-Uni, Keir Starmer hérite d’une situation difficile sur le plan économique et sociale. Un contexte qui ne lui permettra pas de réformer le pays de fond en comble. Mais le nouveau Premier ministre britannique mise sur son image rassurante pour séduire les investisseurs et les marchés.

"Brique après brique, nous reconstruirons l'infrastructure des opportunités." Ce sont les premiers mots du nouveau Premier ministre britannique, Keir Starmer, qui a promis vendredi 5 juillet de "rebâtir" et "unifier" le Royaume-Uni après la victoire écrasante, la veille, de son parti travailliste aux élections législatives anticipées.

"Nous reconstruirons" le Royaume-Uni, a lancé le dirigeant de 61 ans depuis le porche du 10 Downing Street, après avoir été chargé par le roi Charles III de former un gouvernement. Après 14 années de pouvoir conservateur, Keir Starmer a promis d'incarner le "changement" et "un renouveau national" attendu par les électeurs. Mais, a-t-il précisé : "Je ne vous promets pas que ce sera facile. Il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour changer un pays. Cela demande un travail difficile, un travail patient, un travail déterminé."

Le premier objectif du Labour, désormais aux commandes du Royaume-Uni, va être de relancer une économie qui subit encore les effets de la crise financière due au Brexit. "Cela va passer par favoriser la croissance, mais c’est un peu incantatoire. On ne sait pas exactement comment ils vont s'y prendre, à part rassurer les investisseurs de manière générale et investir dans les services publics", estime Clémence Fourton, maîtresse de conférences en études anglophones à Sciences Po Lille et autrice de "Idées reçues sur le Royaume-Uni" (éd. Cavalier Bleu). Une lourde tâche sachant que la croissance pourrait n’atteindre que 1 %, selon la banque d’Angleterre

Marge de manœuvre budgétaire limitée

Pour relancer l’économie, Keir Starmer compte sur une augmentation du pouvoir d’achat, malmené par des années d’inflation. Celle-ci a connu un ralentissement à 2 % sur un an en mai, après avoir grimpé jusqu'à plus de 11 % fin 2022. Pour soutenir l’activité économique, le Labour veut mettre en place un fond qui permettra de financer des investissement publics et privés.

Pour autant, les travaillistes s’engagent à ne pas augmenter l’impôts sur le revenu, la TVA ou le coût de la Sécurité sociale. Mais ils disposent d’une marge de manœuvre budgétaire étroite pour apporter le changement promis.

La responsable économique du parti travailliste, Rachel Reeves, qui est devenue la première femme ministre des Finances du Royaume-Uni, a prévenu que "le chemin devant nous sera difficile", tout en promettant une "discipline de fer" sur le budget de l'État. "Il n'y a pas de solutions rapides et des choix difficiles nous attendent", a-t-elle ajouté, déplorant l'état dans lequel les conservateurs ont laissé le pays.

Le nouveau gouvernement devra composer avec des finances publiques serrées : la dette publique britannique flirte depuis plusieurs mois avec les 100 % du PIB, conséquence, notamment, des aides distribuées pendant la pandémie ou après la flambée des prix de l'énergie. Et la pression fiscale est historiquement élevée au Royaume-Uni.

Mais Keir Starmer dispose d’un atout. Ce travailliste à tendance centriste rassure. Marchés et entreprises britanniques ont accueilli favorablement sa victoire. La City of London Corporation, qui représente les intérêts du puissant secteur financier britannique, s'est même dite vendredi "prête à aider le gouvernement" pour "stimuler la croissance, créer davantage d'emplois hautement qualifiés et financer les services publics".

"Le parti conservateur s’est discrédité en matière de gestion de l’économie", commente sur France 24 Valérie André, maitresse de conférence en civilisation britannique à l'université d'Aix-Marseille. La valse des Premiers ministres conservateurs, avec cinq changements en huit ans, n’a pas non plus permis de rassurer. L’arrivée des travaillistes est vécue comme un soulagement.

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Remettre les hôpitaux sur pieds

Après 14 ans de gouvernement conservateur, le système de santé a essuyé des coupes budgétaires sévères. Résultat, plus de sept millions de personnes sont inscrites sur liste d’attente, soit trois fois plus qu’en 2010, pour subir des tests, y compris dans la prise en charge des cancers, ou pour bénéficier de soins de routine ou d’urgence. Pour y remédier, les travaillistes comptent ajouter 40 000 rendez-vous par semaine.

Ces années d’austérité ont affaibli fortement d’autres services publics, comme la police, les services de logements ou encore la justice, tandis les prisons manquent de places.

"Les investissements prévus dans un premier temps ne sont pas massifs", indique Clémence Fourton. "Les travaillistes se projettent sur dix ans, soit deux mandats, ce qui est cohérent au vu de leur majorité. Ils peuvent se permettre de conserver le pouvoir."

Le retour de la transition écologique

Sur le volet migratoire, le parti travailliste s'est engagé à faire baisser l’immigration en réformant le système à points, en introduisant des restrictions sur les visas, et en formant des travailleurs là où il y a pénurie.

Le Labou veut aussi se concentrer sur la lutte contre les passeurs et renforcer les contrôles aux frontières. Pas de grand changement, donc, par rapport à la politique des conservateurs en la matière, hormis l’abandon du plan Rwanda de Rishi Sunak, permettant d’expulser des demandeurs d’asile vers ce pays africain.

"C’est sur les questions climatiques, sans doute, que se différencient le plus les travaillistes", estime Clémence Fourton. Les travaillistes visent une "énergie 100 % propre" d'ici 2030, avec des objectifs comme doubler l’éolien terrestre, tripler l’énergie solaire et quadrupler l’éolien en mer. Contrairement aux Torries, ils ne comptent pas délivrer de nouvelles licences de forage en mer du Nord.

Reste à savoir si pour réaliser l’ampleur des réformes annoncées, le très lisse Keir Starmer saura tenir l’aile gauche de son parti, dont il a besoin. "Si le gouvernement Starmer se montre trop modéré, il est possible qu’il y ait une reconstitution d’un front au sein du parti qui pourrait créer des difficultés au nouveau gouvernement. Sachant que Jeremy Corbin [l'ancien chef du parti travailliste] a conservé son siège de député", relève Valérie André.

Avec AFP