Avec la dissolution de l'Assemblée nationale et l'organisation d'élections législatives anticipées, Emmanuel Macron souhaitait une "clarification" du paysage politique. Au lendemain du premier tour, un premier élément de réponse est en passe d'être apporté, puisque l'heure est désormais venue de savoir qui est réellement prêt à faire barrage à l'extrême droite.
Avec un score de 33,15 % des voix au niveau national, 39 candidats élus dès le premier tour et 257 autres circonscriptions dans lesquelles ils sont arrivés en tête dimanche 30 juin, le Rassemblement national (RN) et ses alliés se retrouvent aux portes du pouvoir.
En l'état actuel, l'extrême droite paraît d'autant plus proche de faire son entrée à Matignon que la forte participation (66,71 %) du premier tour a provoqué un nombre record de triangulaires : 306 circonscriptions au total sont concernées et cinq autres proposent même des quadrangulaires (quatre candidats qualifiés pour le second tour). Dans le détail, 244 triangulaires opposent le RN, le Nouveau Front populaire (NFP) et la coalition présidentielle Ensemble, 46 triangulaires voient potentiellement s'affronter le RN, le NFP et le parti Les Républicains (LR), et 16 autres triangulaires proposent une configuration différente, selon un décompte effectué par Franceinfo.
Or, le maintien au second tour de tous les candidats qualifiés profite mathématiquement au candidat arrivé en tête, ce qui est le cas du RN dans plus de 200 circonscriptions. Dès lors, le maintien ou le désistement du candidat arrivé en troisième position devient le levier principal pour faire barrage à l'extrême droite.
La gauche une nouvelle fois prête à faire barrage à l'extrême droite
Impliqué dans plusieurs dizaines de triangulaires, le parti Les Républicains a annoncé le maintien de ses candidats qualifiés pour le second tour et a refusé de donner la moindre consigne de vote dans les autres circonscriptions. "Là où nous ne sommes pas présents au second tour, considérant que les électeurs sont libres de leur choix, nous ne donnons pas de consigne nationale et laissons les Français s'exprimer en conscience", a indiqué le parti dans un communiqué.
À l'opposé, toutes les composantes du Nouveau Front populaire ont annoncé dès dimanche soir que leurs candidats arrivés troisièmes se désisteraient. Une habitude pour la gauche, qui a déjà fait barrage à trois reprises à l'extrême droite : en 2002 pour faire élire Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen, en 2017 et en 2022 pour faire élire Emmanuel Macron face à Marine Le Pen.
Ainsi, plusieurs candidats du NFP ont rapidement annoncé leur désistement. Le candidat insoumis Noé Gauchard, arrivé troisième (23 % des voix) dans le Calvados derrière le RN Nicolas Calbrix (36 %) et l'ancienne Première ministre Élisabeth Borne (29 %), en fait partie. "Il y a des décisions parfois extrêmement difficiles à prendre. Mais il y a toujours, avant tout, le sens de l'intérêt général", a-t-il affirmé sur X, tout en fustigeant les hésitations de la coalition présidentielle.
Il y a des décisions parfois extrêmement difficiles à prendre. Mais il y a toujours, avant tout, le sens de l'intérêt général.
Contrairement à d'autres, nous, à gauche, nous avons des valeurs. Et nous savons avec qui nous ne transigerons jamais. pic.twitter.com/PLWiiLdiwY
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Accepter Gérer mes choixCar du côté de l'ancienne majorité, le flou persiste sur le positionnement à adopter au second tour : il y a ceux qui, comme l'ancien Premier ministre et patron du parti Horizons Édouard Philippe, ne veulent "ni du RN, ni de LFI [La France insoumise]", ceux qui, comme l'ancien ministre Clément Beaune, ont appelé à se désister en faveur du NFP, y compris pour un candidat LFI, et ceux qui, comme le Premier ministre Gabriel Attal, appellent au "désistement" des candidats Ensemble arrivés troisièmes au profit d'"un autre candidat qui défend comme nous les valeurs de la République", laissant planer l'idée que la consigne ne vaut pas forcément pour les candidats LFI.
Pour discuter de ces désistements, Emmanuel Macron, qui a appelé à un "large rassemblement clairement démocrate et républicain", a convoqué ses ministres à l'Élysée à midi. Gabriel Attal échangera pour sa part à 15 h en visioconférence avec les candidats Ensemble. Le Premier ministre sera aussi l’invité du 20 h de TF1.
Un "comportement de lâche et de privilégié"
En attendant, ces divergences s'observent sur le terrain. Plusieurs candidats Ensemble ont d'ores et déjà annoncé leur retrait. C'est notamment le cas des ministres-candidates Sabrina Agresti-Roubache et Marie Guévenoux. En revanche, la ministre-candidate Dominique Faure et les candidats Ensemble Aude Luquet et Florian Delrieux ont annoncé leur maintien. Et il y a même l'ancienne députée MoDem Anne-Laure Babault qui, bien qu'arrivée troisième dans la deuxième circonscription de Charente-Maritime, appelle l'écologiste Benoît Biteau à se retirer.
Je suis la seule à pouvoir faire face au RN car la seule à avoir des réserves de voix.
J’appelle donc @BenoitBiteau à se retirer en responsabilités.
Rdv le 7/07 !#legislative2024 pic.twitter.com/DPTRPgLprs
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Accepter Gérer mes choixCes atermoiements sont vivement critiqués par la gauche. Réagissant aux propos du ministre de l'Économie Bruno Le Maire, qui venait une nouvelle fois de renvoyer dos à dos le Rassemblement national et La France insoumise, lundi matin sur France Inter, la secrétaire nationale du parti Les Écologistes Marine Tondelier a dénoncé un "comportement de lâche et de privilégié" qui n'est, selon elle, "pas à la hauteur de l'Histoire".
.@marinetondelier répond sèchement à @BrunoLeMaire, qui met dos à dos LFI et RN : "C'est un comportement de lâche et de privilégié. Ils ont choisi le déshonneur, ils auront le déshonneur et la défaite." #le710inter pic.twitter.com/eOM7dh4REl
— France Inter (@franceinter) July 1, 2024Pour afficher ce contenu X (Twitter), il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixLes prochaines heures seront donc déterminantes pour connaître les chances réelles de l'extrême droite d'accéder au pouvoir en France.
"Même si les électeurs ne suivent pas les consignes mécaniquement de leurs responsables politiques, on aura un effet qui jouera plutôt en défaveur du RN", a commenté lundi matin le directeur général délégué d'Ipsos Brice Teinturier sur France Inter. Selon le politologue, "le point de départ est plutôt sur une majorité relative qu'une majorité absolue".
Les candidats ont jusqu'au mardi 2 juillet, 18 h, pour se prononcer. Ils ont entre leurs mains une décision qui peut faire basculer le destin de la France.