Membre de l'Union européenne (UE) depuis 2004, la Hongrie prend, lundi 1er juillet, la présidence tournante du bloc européen sur fond de forte dégradation des relations avec Bruxelles et ses 26 partenaires.
Entre les dérives antidémocratiques de son Premier ministre Viktor Orban et les liens de Budapest avec le Kremlin malgré l'offensive russe en Ukraine, la présidence hongroise suscite le malaise au sein du Parlement européen et chez plusieurs États membres, au moment où la France inquiète aussi, avec une extrême droite arrivée largement en tête du premier tour des législatives dimanche.
À Budapest, le gouvernement veut rassurer, disant être prêt à assumer "les obligations et responsabilités" de sa mission, qui court jusqu'en décembre.
"Nous agirons en tant que médiateur impartial, en toute loyauté avec l'ensemble des États membres", a affirmé le ministre des Affaires européennes, Janos Boka, en dévoilant mi-juin le programme. "Dans le même temps", a-t-il ajouté, la Hongrie profitera de la lumière pour mettre en avant sa "vision de l'Europe".
Sur l'État de droit, l'immigration ou le conflit en Ukraine, elle compte bien faire entendre sa voix discordante, qui lui vaut des bras de fer répétés avec ses partenaires et le gel de milliards d'euros de fonds européens.
Dénigrement de "l'élite technocratique" bruxelloise
Après la dernière présidence magyare de l'UE en 2011, Viktor Orban s'était vanté d'avoir donné des "chiquenaudes, claques et gifles amicales" aux "bourreaux excités" du Parlement européen, à ses yeux un repaire de "libéraux et gauchistes".
Cette fois, le vétéran de 61 ans apparaît encore plus combatif, entre dénigrement de "l'élite technocratique" bruxelloise et veto en série ces derniers mois pour bloquer l'aide militaire à Kiev.
Il avait promis d'"occuper Bruxelles" à l'issue d'élections européennes jugées "historiques" mais si le scrutin du 9 juin a marqué une percée de l'extrême droite, le raz-de-marée n'a pas eu lieu.
Et Viktor Orban n'a pu influer sur les postes clés de l'UE : malgré son opposition, les dirigeants se sont entendus pour reconduire Ursula von der Leyen à la tête de la Commission. Hasard ou pas, la responsable allemande a reporté sine die une visite initialement prévue cette semaine à Budapest pour donner le coup d'envoi de la présidence.
Quant au Parlement européen, le Premier ministre hongrois est loin de l'avoir conquis : il a perdu des députés et son parti Fidesz figure toujours parmi les non-inscrits.
Des tractations sont toutefois en cours avec les autres partis d'Europe centrale.
Viktor Orban a annoncé dimanche depuis Vienne son intention de former un groupe des "Patriotes pour l'Europe" aux côtés du chef du parti nationaliste autrichien FPÖ, Herbert Kickl, et de l'ancien Premier ministre tchèque eurosceptique Andrej Babis, fondateur du mouvement centriste ANO.
Il lui faut encore obtenir des soutiens dans quatre autres pays pour pouvoir former une faction à part entière.
La promesse d'une "présidence active"
De quoi donner le ton avant de démarrer une présidence axée sur sept priorités, parmi lesquelles renforcer la "compétitivité économique" du bloc, mieux lutter "contre l'immigration illégale" et rapprocher les pays des Balkans occidentaux de l'adhésion à l'UE.
Si Budapest annonce une "présidence active", les experts ne s'attendent pas à un programme très chargé, alors que la nouvelle Commission doit prendre ses marques.
Viktor Orban va sans doute tenter d'entraver des dossiers et d'assouplir les restrictions sur l'État de droit pour récupérer les fonds européens mais "sa marge de manœuvre est limitée", estime Daniel Hegedus, chercheur au centre de réflexion German Marshall Fund.
La présidence tournante permet au pays qui la détient de contrôler l'agenda des réunions des 27, un pouvoir non négligeable mais pas absolu, selon plusieurs diplomates européens.
D'autant que la Belgique et les institutions européennes ont mis les bouchées doubles pour boucler des décisions importantes et "limiter ainsi l'instabilité", explique l'analyste à l'AFP.
Un nouveau paquet de sanctions contre la Russie a été approuvé et des négociations d'adhésion qualifiées d'"historiques" ont été officiellement ouvertes avec l'Ukraine – deux décisions que désapprouve Viktor Orban.
Malgré un pouvoir de nuisance limité donc, la Hongrie n'hésitera pas à se livrer à "des provocations côté communication", pronostique Daniel Hegedus.
Le slogan de la présidence a déjà fait du bruit : "Make Europe Great Again" ("Rendre sa grandeur à l'Europe"), en écho à la devise de l'ancien président américain Donald Trump, que le Premier ministre hongrois espère voir réélu en novembre aux États-Unis.
Avec AFP