Difficile de développer des propositions en matière de construction européenne et de politique étrangère alors que la place de président de la République n'est pas en jeu lors des élections législatives anticipées. Le Nouveau Front populaire formule toutefois une vision et affiche clairement la couleur, que ce soit sur l'Europe, la guerre en Ukraine ou à Gaza. En revanche, la coalition présidentielle Ensemble a fait le strict minimum dans ce domaine, se contentant de rappeler les orientations actuelles du chef de l'État. Quant au Rassemblement national, en attendant la publication de son programme prévue lundi, il faut se contenter des déclarations de Jordan Bardella et Marine Le Pen.
France 24 détaille les mesures que proposent ces trois familles politiques.
"Promouvoir une diplomatie française au service de la paix"
Sur l'Europe, le Nouveau Front populaire affirme refuser le Pacte de stabilité budgétaire, le droit de la concurrence "lorsqu’il remet en cause les services publics" et les traités de libre-échange. Il entend proposer un pacte européen pour le climat et l’urgence sociale, une réforme de la Politique agricole commune (PAC), l'instauration d'un protectionnisme écologique et social aux frontières de l’Europe et l'adoption d'un mécanisme d’harmonisation sociale par le haut entre les États pour mettre fin aux politiques de dumping social et fiscal. Il souhaite également réindustrialiser l’Europe, instaurer une règle verte pour prioriser des investissements verts, taxer les plus riches au niveau européen pour augmenter les ressources propres du budget de l’UE, généraliser la taxation des superprofits au niveau européen, modifier le droit de la concurrence en Europe pour garantir le droit de monopole public au niveau national et passer au vote à la majorité qualifiée au Conseil pour les questions fiscales – c'est-à-dire se contenter d'un vote rassemblant au moins 55 % des États-membres représentant au moins 65 % de la population de l'Union européenne au lieu d'un vote à l'unanimité. Autant de mesures qui ne dépendent pas seulement de la France et pour lesquelles il faudra convaincre les partenaires européens.
En matière de politique étrangère, le programme de l'alliance de gauche met l'accent sur la promotion de la paix, que ce soit en Ukraine ou à Gaza. La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS), Les Écologistes et le Parti communiste (PCF) s'engagent à "défendre indéfectiblement la souveraineté et la liberté du peuple ukrainien ainsi que l’intégrité de ses frontières, par la livraison d’armes nécessaires, l’annulation de sa dette extérieure, la saisie des avoirs des oligarques qui contribuent à l’effort de guerre russe dans le cadre permis par le droit international, l’envoi de Casques bleus pour sécuriser les centrales nucléaires". Le but est clair : "Faire échec à la guerre d'agression de Vladimir Poutine".
Sur Gaza, le Nouveau Front populaire souhaite "agir pour un cessez-le-feu immédiat " et "pour une paix juste et durable", une position qu'il qualifie de rupture avec "le soutien coupable" de l'exécutif français "au gouvernement suprémaciste d'extrême droite de [Benjamin] Netanyahu". La gauche promet d'agir pour la libération des otages détenus par le Hamas et pour la libération des prisonniers politiques palestiniens, de soutenir la Cour pénale internationale (CPI) dans ses poursuites contre les dirigeants du Hamas et le gouvernement Netanyahu, de reconnaître "immédiatement" l'État de Palestine au côté de l'État d'Israël sur la base des résolutions de l'ONU, de décréter un embargo sur les livraisons d'armes à Israël, d'infliger des sanctions contre le gouvernement de Benjamin Netanyahu "tant que celui-ci ne respecte pas le droit international à Gaza et en Cisjordanie", de demander la suspension de l'accord d'association Union européenne-Israël, de permettre l'organisation d'élections libres sous contrôle international "pour permettre aux Palestiniens de décider de leur destin" et de faire respecter la souveraineté du Liban.
Enfin, le Nouveau Front populaire souhaite promouvoir ce qu'il appelle les "biens communs planétaires" en reconnaissant notamment le crime d'écocide et en défendant la levée des brevets sur les vaccins et les moyens médicaux de lutte contre les pandémies.
"Pour que la France rayonne dans le monde"
La coalition présidentielle ne propose rien de nouveau sur l'Europe ou en matière de politique étrangère. Concernant l'Union européenne, seule la réforme du droit d'asile récemment votée au Parlement européen est évoquée pour promettre l'ouverture prochaine de centres de rétention aux frontières extérieures de l’Europe qui serviront à "examiner la situation des migrants avant qu’ils n’arrivent sur notre sol".
Pour le reste, elle promet de rester dans l'Otan et de maintenir la dissuasion nucléaire, de doubler le budget des armées d’ici 2030, comme le prévoit la loi de programmation militaire, "pour faire face aux nouvelles menaces et faire respecter la France et sa voix singulière dans le concert des nations". Ensemble entend également conserver une diplomatie qui "demeurera au service de nos compatriotes en France comme à l’étranger", notamment avec "la simplification et la dématérialisation des procédures d’état-civil pour les Français de l’étranger".
Enfin, le programme de la coalition présidentielle aborde succinctement la guerre en Ukraine pour réaffirmer son soutien "face à l’agression", tandis que la guerre à Gaza n'est pas du tout évoquée. Emmanuel Macron a toutefois déjà fait savoir qu'il considérait une reconnaissance d'un État palestinien "pas raisonnable maintenant".
Soutien affiché à l'Ukraine et Israël, pour une "Alliance européenne des nations"
Dans l'attente de leur programme complet pour les élections législatives anticipées, les éléments concernant la politique étrangère du Rassemblement national sont parcellaires.
Le RN assure soutenir l'Ukraine face à une invasion russe qu'il condamne, mais le programme présidentiel de Marine Le Pen, alors même que Vladimir Poutine avait déjà lancé les hostilités contre Kiev, prévoyait sur la coopération militaire un "dialogue avec la Russie sur les grands dossiers communs". Le sujet est sans doute en cours de révision : le livret thématique sur les questions de défense a été retiré du site du RN ces derniers jours. Les liens entre le parti d'extrême droite et la Russie sont connus : la campagne présidentielle de 2017 de Marine Le Pen a été financée grâce au prêt d'une banque russe et la fille de Jean-Marie Le Pen a également été reçue au Kremlin par Vladimir Poutine en mars 2017 – mais Marine Le Pen se défend s'est défendue de tout "tropisme russe".
Sur la guerre à Gaza, le RN prône le soutien à Israël et Marine Le Pen a même affirmé le 29 mai sur LCI que son parti avait "toujours été sioniste". "Le Front national, historiquement, a toujours été pour la création d’un État juif", a-t-elle dit, reconnaissant tout juste des relations "extrêmement difficiles" entre son père, Jean-Marie Le Pen, et les juifs en raison de ses nombreux dérapages antisémites lui ayant valu plusieurs condamnations de la justice.
Sur l'Europe, Jordan Bardella devrait reprendre ce qu'il disait durant la campagne des élections européennes. Le patron du Rassemblement national faisait la promotion d'une "Alliance européenne des nations" qui consiste à revoir les traités européens afin de supprimer de nombreuses compétences aujourd'hui confiées à l'UE. Un projet contesté par les partenaires européens de la France. Il affirmait vouloir "réhabiliter la frontière comme outil de protection et de régulation" pour mettre fin à "l'Europe passoire". En clair, le RN veut restaurer le contrôle aux frontières nationales et restreindre la libre-circulation des personnes dans l'espace Schengen aux seuls ressortissants des États-membres de l'UE. Le RN souhaite également mettre en place un moratoire sur la négociation de nouveaux accords de libre-échange et une priorité nationale pour les attributions de marchés publics. Enfin, Jordan Bardella est opposé à tout élargissement de l'Union européenne.