
La situation "reste très tendue" en Nouvelle-Calédonie selon Gabriel Attal, qui a annoncé, jeudi 16 mai, à l'issue d'un nouveau Conseil de défense, l'envoi de forces de sécurité supplémentaires pour sortir ce territoire du Pacifique Sud en proie à des violences qui ont fait cinq morts, dont deux gendarmes.
"À la demande du président de la République, nous allons renforcer encore le pont aérien de rétablissement de l'ordre qui a été mis en place, pour déployer un millier d'effectifs de sécurité intérieure supplémentaires, en plus des 1 700 effectifs qui sont déjà sur place", a détaillé le Premier ministre dans l'après-midi.
L'armée s'est également déployée pour "sécuriser" les ports et l'aéroport du territoire, désormais sous le régime de l'état d'urgence décrété par le gouvernement mercredi soir.
Jeudi matin, un deuxième gendarme a été tué à la suite d'un "tir accidentel", a annoncé le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Les faits ont eu lieu alors que ce militaire, un adjudant-chef de 45 ans, partait en mission, selon la gendarmerie. Un premier gendarme de 22 ans avait été tué mercredi, touché par une balle à la tête.
Au total, cinq personnes sont décédées depuis le début des émeutes lundi sur le Caillou : deux hommes de 20 et 36 ans, une adolescente de 17 ans et les deux gendarmes.
En outre, trois policiers ont été blessés par balle sans que leur pronostic vital ne soit engagé, selon une source policière. Gérald Darmanin a précisé qu'une personne "responsable de deux morts kanaks" avait été arrêtée.
Dans l'ensemble, la nuit de mercredi à jeudi a "été moins violente" que les deux précédentes, a estimé le représentant de l'État dans l'archipel, Louis Le Franc. Mais la situation "reste très tendue, avec des pillages, des émeutes, des incendies, des agressions qui sont évidemment insupportables et inqualifiables", a estimé Gabriel Attal.
Le chef du gouvernement a indiqué qu'"une circulaire pénale" serait publiée par le garde des Sceaux dans les prochaines heures pour "garantir les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards".
Gabriel Attal va en outre convier à Matignon avec Gérald Darmanin, "dans les prochaines heures", le président du Sénat Gérard Larcher, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, ainsi que les comités de liaison parlementaires sur la Nouvelle-Calédonie pour un "échange" sur la crise.
Le président Emmanuel Macron avait lui proposé une visioconférence aux élus calédoniens qui n'a pas pu se tenir jeudi, les "différents acteurs ne souhaitant pas dialoguer les uns avec les autres pour le moment", selon l'Élysée. Le chef de l'État échangera "directement avec les élus", séparément, a ajouté la présidence.
Barricades de fortune
Dans l'agglomération de Nouméa, les riverains ont commencé à organiser la défense de leurs quartiers et érigé des barricades de fortune faites de palettes de bois, bidons et autres brouettes, sur lesquelles ils ont planté des drapeaux blancs, a constaté un correspondant de l'AFP.
Selon Gérald Darmanin, les forces de l'ordre ont procédé à "plus de 206 interpellations" et "dix leaders mafieux" de la CCAT, la mouvance indépendantiste la plus radicale, ont été assignés à résidence.
Le quartier pauvre d'Auteuil était très endommagé jeudi, a constaté un correspondant de l'AFP: supermarché incendié, commerces et restaurants brûlés et pillés.
"Nous venons ramasser ce qu'il y a dans les magasins pour manger (...). On a besoin de lait pour les enfants. Je ne considère pas que ce soit du pillage", a affirmé à l'AFP une habitante qui a requis l'anonymat.
La violence, "on est obligé de passer par là, de tout péter parce qu'on n'est pas entendus", a assumé un jeune émeutier vivant dans la commune de Houaïlou (côte Est), qui a également refusé d'être nommé.
"Sentiment d'être exclus"
C'est essentiellement l'agglomération de Nouméa qui a été en proie aux violences. Ailleurs sur le territoire, la situation, bien que tendue, est plus calme, même si l'opérateur minier SLN (Société Le Nickel) a annoncé qu'un incendie s'était déclaré sur son site de Kouaoua (côte est) après une intrusion.
Les émeutiers "vivent avec le sentiment d'être exclus, la colère, l'échec" et sont "sans conscience politique", a estimé Daniel Goa, le président du parti indépendantiste Union calédonienne (UC).
Les principaux partis politiques du territoire et les autorités avaient appelé au calme mercredi face à cette vague de violences, la plus grave depuis les années 1980.
Ces émeutes ont déjà causé pour 200 millions d'euros de dégâts, selon le président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Nouvelle-Calédonie.
Avec AFP