
"Le moment politique est venu" pour une "fusion" de l'audiovisuel public en 2026 et "le sujet est mûr", a assuré la ministre de la Culture, Rachida Dati, en ouvrant l'examen de cette réforme d'ampleur en commission à l'Assemblée nationale mardi 14 mai.
Une holding pour chapeauter France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (RFI, France 24) en 2025, puis leur fusion dès 2026. C'est le projet voulu par Rachida Dati mais combattu par les syndicats.
Ce grand big bang de l'audiovisuel public commence son parcours législatif en commission à l'Assemblée nationale mardi 14 mai et doit être mise au vote mardi soir tard ou mercredi après-midi.
Sujet récurrent depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, cette réforme d'ampleur a pris corps à la vitesse de l'éclair, alors que personne ne s'y attendait il y a encore six mois.
Dès sa prise de fonction en janvier, la ministre de la Culture avait dit vouloir "rassembler les forces" de l'audiovisuel public en allant plus loin que les rapprochements en cours entre France Télévisions et Radio France.
Elle avait toutefois entretenu le flou, sans préciser si elle se contenterait d'une holding ou si elle voulait totalement fusionner l'audiovisuel public dans une entreprise unique. Une hypothèse encore plus inflammable pour un secteur déjà inquiet.
Pesant de tout son poids politique, Rachida Dati a finalement appuyé sur l'accélérateur. Elle viendra défendre elle-même en commission la fusion dès 2026 de Radio France, France Télévisions, France Médias Monde (RFI, France 24) et l'Ina (Institut national de l'audiovisuel).
Avant la fusion, l'audiovisuel public passerait par une étape transitoire en 2025, sous un régime de holding.
Résistance au MoDem, la gauche vent debout
La société géante aurait un budget de quatre milliards d'euros et la réforme concernerait 16 000 salariés.
Pour cette première étape législative, quelque 260 amendements sont au programme de la commission des Affaires culturelles jusqu'à mercredi. Le texte doit, en principe, passer en première lecture dans l'hémicycle les 23 et 24 mai, sauf embouteillage législatif.
Les syndicats de Radio France ont déjà appelé à la grève pour ces deux journées.
Pour garantir une adoption, la ministre, issue du parti Les Républicains (LR), a repris à son compte un texte adopté en juin 2023 au Sénat, dominé par la droite. Porté par Laurent Lafon (Union centriste), il prévoit la création d'une simple holding nommée France Médias.
À l'Assemblée nationale, les rapporteurs sont Fabienne Colboc (Renaissance) et Jean-Jacques Gaultier (LR), duo à même de rassembler une majorité des voix. Mais le gouvernement rencontrera des résistances dans son camp, les députés MoDem s'étant déclarés opposés à une fusion.
"La notion de holding semblait (...) aller dans le bon sens et permettre que chacun reste avec ses prérogatives et ses spécificités", défend Erwan Balanant, porte-parole du groupe.
La gauche, elle, est vent debout contre le projet même de holding.
"Sa mise en place serait l'aboutissement d'un processus de dénigrement et de fragilisation financière de l'audiovisuel public mené méthodiquement depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir", considèrent les députés de La France insoumise (LFI).
Rachida Dati se cherche "un bilan" à la Culture
Le chef de l'État avait prôné un rapprochement dès 2017 en dressant un constat sévère de l'actuel audiovisuel public. Franck Riester, prédécesseur de Mme Dati, avait porté en 2019, un projet stoppé par la crise du Covid-19.
Pourquoi cette réforme maintenant ? La ministre assure qu'elle est indispensable face à la concurrence des plateformes internationales et qu'il faut la faire avant la fin du mandat de la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, en 2025.

Mais selon un acteur du secteur de l'audiovisuel, c'est aussi un moyen pour elle d'avoir "un bilan" à la Culture avant de briguer la mairie de Paris en 2026.
Déplafonner les recettes publicitaires de l'audiovisuel public
Pour tenter de rassurer sur le plan financier, le député Renaissance Quentin Bataillon a préparé, en parallèle avec l'élu LR Jean-Jacques Gaultier, un texte pour acter un fléchage pérenne depuis le budget de l'État au profit du secteur ("prélèvement sur recettes"), sur le modèle du financement des collectivités.
Depuis la suppression de la redevance en 2022, l'audiovisuel public est financé par une fraction de TVA, selon un mécanisme provisoire.
Pour faire aboutir son projet à l'été ou au début de l'automne, Mme Dati a prévu de recentrer le texte sénatorial sur les questions de gouvernance, en supprimant les autres volets.
Un autre amendement gouvernemental agite les acteurs privés : il projette de déplafonner les recettes publicitaires de l'audiovisuel public. "C'est un enjeu de financement", a souligné mardi sur France 2, le député Bataillon. Il n'y aura cependant pas de remise en cause de l'interdiction de la pub sur France Télé après 20 h 00.
Avec AFP