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Parité dans le cinéma : le festival de Cannes 2024 en "régression" par rapport à 2023
Cette année encore, la grande messe du cinéma mondial ne sera pas le rendez-vous attendu avec la parité, regrette un collectif encourageant l’égalité femmes-hommes dans le septième art. La part de réalisatrices en compétition, inférieure à l’an dernier, ne dépasse pas les 20 %.

Avec 20 % de réalisatrices dans sa sélection officielle, complétée le 22 avril, le festival de Cannes reste à la traine, fait savoir le collectif 50/50, une association française qui promeut l’égalité des femmes et des hommes dans le cinéma et l’audiovisuel. Quatre femmes sont en lice cette année pour décrocher la Palme d'or contre six l’an dernier, sur une vingtaine d’œuvres en compétition. "Une régression", estime ce collectif en pointe sur les questions d’égalité femmes-hommes dans le septième art.

"S’il n'y a pas d'obligation ou d’incitations financières dans notre société actuelle, très peu de gens jouent le jeu de la parité, de l'inclusion, ou de la diversité", note Marine Longuet, assistante réalisatrice et membre du collectif féministe 50/50. À l’instar du "bonus parité", dont elle salue les effets sur la composition des équipes de tournage en France. "Des changements sont intervenus depuis la mise en place de ce bonus financier attribué par le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée, ndlr), une mesure incitative qui a encouragé à composer les équipes de tournage avec autant de chefs de poste femmes".

Certains festivals ont signé des engagements à faire des sélections paritaires, "notamment des festivals de courts métrages, mais ça n’est pas le cas du festival de Cannes", regrette-t-elle.

L’édition 2023 du grand rendez-vous du cinéma avait pourtant marqué un record, avec 27 % de femmes réalisatrices présentes en sélection officielle. La Palme d’or, décrochée par Justine Triet, pour "Anatomie d’une chute" a elle aussi été saluée, contribuant à allonger la très courte liste des réalisatrices détentrices de cette récompense.

Avec la Néo-Zélandaise Jane Campion ("La Leçon de piano", 1993), et la Française Julia Ducournau ("Titane", 2021), elles sont désormais trois femmes à avoir accédé au prestigieux prix en 77 années d’existence.

Parmi les réalisatrices présentes en sélection officielle cette année, figurent deux Françaises : Coralie Fargeat pour "The Substance" - tourné aux États-Unis avec Demi Moore - et Agathe Riedinger dont "Diamant Brut" est le premier long-métrage.

Les deux autres prétendantes à la Palme d’or sont Payal Kapadia, une réalisatrice indienne qui présente son premier film de fiction ("All we imagine as light") et Andrea Arnold, une cinéaste britannique trois fois lauréate du Prix du jury.

Une nouvelle génération de réalisatrices

"La bonne nouvelle", souligne le collectif pour cette édition 2024, est l’arrivée d’une nouvelle génération de femmes cinéastes avec au moins quatre premiers films de réalisatrices toutes sélections confondues. La sélection Semaine de la critique présente quant à elle 42 % de réalisatrices, et cette part atteint 57 % des courts métrages.

"Actuellement, dans le cinéma qui est en cours de fabrication, les femmes ont une plus grande place. Dans le court métrage c’est éclatant, mais aussi sur les bancs des écoles de cinéma. Il se passe vraiment quelque chose", constate Marine Longuet. Cette dernière ajoute que les résidences et les ateliers d’écriture accueillent de plus en plus de femmes. "Le festival, c’est en bout de chaîne, c’est important mais ça n’est pas représentatif de ce qui est en train de se passer sur le terrain. C’est un peu trompeur".

L’obstacle du second film

Si les femmes accèdent plus facilement à l’industrie du cinéma, reste l’obstacle du second film qu’elles franchissent avec plus de difficulté que les hommes, essentiellement pour des raisons financières. "On perd des femmes en route", regrette Marine Longuet.

"À titre d’exemple, en France, culturellement, les hommes se voient plus fréquemment confier des films à gros budgets ‘avec des explosions dans tous les sens’, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis où des femmes peuvent aussi réaliser des films de guerre. Leur légitimité est moins questionnée".

D’autres facteurs tels que la maternité viennent "attaquer la carrière" de ces femmes, a constaté l’assistante réalisatrice. "La préparation d’un film est tellement longue, cela peut durer entre quatre et cinq ans. Une fois le premier film réalisé, la plupart d’entre elles ont autour de la trentaine avec les questionnements qui l’accompagnent".

De nouvelles manières de travailler

Engagée dans la lutte contre le sexisme dans le cinéma français, Marine Longuet, salue la présence de plusieurs comédiennes passées à la réalisation en compétition dans la catégorie Un certain regard.

"Des comédiennes, comme Ariane Labelle, ont l’expérience d’avoir déjà vu le pouvoir des réalisateurs et des réalisatrices. Quand elle se mettent à réaliser, elles sont à même de questionner ce pouvoir et d’amener plus de mise en scène et plus de fabrication collective", souligne-t-elle.

Les révélations de Judith Godrèche et de plusieurs actrices françaises ayant accusé des réalisateurs de violences sexuelles à l’égard de jeunes actrices, notamment durant les tournages, ont secoué le monde du cinéma français ces derniers mois. Optimiste, Marine Longuet voit dans la présence cannoise de ces comédiennes-réalisatrices "les changements attendus dans la manière dont sont fabriqués les films".