
Les États-Unis jugent vraisemblable qu'Israël ait violé le droit humanitaire international à Gaza sans pouvoir toutefois le conclure de manière définitive, et continueront à livrer des armes à ce pays, selon un rapport du département d'État.
Très attendu et rendu public vendredi 10 mai, le rapport indique qu'il est "raisonnable d'estimer" qu'Israël a utilisé des armes d'une manière incompatible avec le droit humanitaire international et donc la loi américaine, mais que les États-Unis n'ont pas pu parvenir à ce stade à des "conclusions" définitives, faute d'informations suffisantes.
Dans le cas contraire, les États-Unis auraient été contraints de cesser la livraison d'armes à Israël pour sa guerre contre le Hamas, lancée en représailles à l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien le 7 octobre et qui a fait des dizaines de milliers de victimes palestiniennes.
Ce rapport avait été mandaté par le président Joe Biden, sous pression d'élus démocrates dénonçant l'emploi d'armes fournies par son administration, au risque de voir les États-Unis devenir "complices".
Il intervient peu après que le président américain a publiquement menacé de suspendre la livraison de certaines catégories d'armes à Israël, notamment des obus d'artillerie, si Israël lançait une offensive majeure dans la ville surpeuplée de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, à laquelle il s'oppose.
"Difficile d'évaluer ou de tirer des conclusions sur des incidents individuels"
Cette évaluation ne remet toutefois pas en cause la décision des États-Unis de suspendre la livraison la semaine dernière d'une cargaison de munitions et de bombes destinées à Israël, par crainte qu'elles ne servent dans l'offensive à Rafah.
Le président américain avait lui-même mandaté le département d'État en février dernier pour examiner si l'emploi par des pays engagés dans un conflit actif et bénéficiant de l'aide militaire américaine, dont Israël, respectaient la loi américaine.
"La nature du conflit à Gaza fait qu'il est difficile d'évaluer ou de tirer des conclusions sur des incidents individuels", constate le rapport qui a été transmis au Congrès.
"Néanmoins, étant donné la dépendance significative d'Israël à l'égard des articles de défense fabriqués aux États-Unis, il est raisonnable d'estimer que les articles de défense (...) ont été utilisés par les forces de sécurité israéliennes depuis le 7 octobre dans des cas incompatibles avec ses obligations en matière de droit international humanitaire", poursuit le rapport.
Toutefois, en dépit de certaines "sérieuses préoccupations", les pays recevant une aide militaire américaine ont donné des "garanties suffisamment crédibles et fiables pour permettre la poursuite de la fourniture" d'armes, conclut le rapport.
Un "nombre élevé de victimes civiles" qui "soulève des questions"
Outre Israël, le rapport traite de six autres pays bénéficiaires de l'aide militaire américaine : la Colombie, l'Irak, le Kenya, le Nigeria, la Somalie et l'Ukraine.
Un haut responsable américain a expliqué sous couvert d'anonymat que cela ne préjugeait pas d'évaluations futures et que le département d'État continuerait de surveiller comment les armes américaines sont utilisées sur le champ de bataille.
Le rapport indique également que si les forces de défense israéliennes disposent "des connaissances, de l'expérience et des outils" nécessaires pour minimiser les dommages aux civils, "les résultats sur le terrain, notamment le nombre élevé de victimes civiles, soulèvent des questions importantes quant à l'efficacité avec laquelle les forces de défense israéliennes les utilisent".
Un deuxième volet porte sur l'aide humanitaire pour la bande de Gaza, au bord de la famine après sept mois de guerre.
Là aussi, le rapport indique que si les États-Unis estiment qu'Israël par "ses actes ou inaction" a contribué au désastre humanitaire en cours, ils ne concluent pas que les autorités israéliennes aient délibérément "interdit ou restreint" l'acheminement et le transport de cette aide.
"Il est difficile de croire que l'administration voit ce qui se passe à Gaza sans conclure qu'Israël a violé les conditions d'utilisation des armes américaines", a dénoncé dans un communiqué Patrick Gaspard, du Center for American Progress, un centre de recherche.
Avec AFP