Le jeudi 9 mai, les locaux de l’agence de l’ONU en charge des réfugiés palestiniens (Unrwa) ont été incendiés à Jérusalem-Est. Une manifestation contre l’action des Nations unies se déroulait alors devant l’enceinte des bâtiments. La rédaction des Observateurs a pu échanger avec le porte-parole de l’agence, qui était présent sur place au moment des faits.
Depuis le 7 octobre, l’Unrwa (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient) fait l’objet de nombreuses critiques de la part d’une partie de la société israélienne et du gouvernement, qui l’accusent de manquer de neutralité. Le jeudi 9 mai, les extérieurs des locaux de l’Unrwa ont subi un incendie pendant une manifestation qui mettait en cause l’action de l’agence des Nations unies.
Bien avant l’incident du 9 mai, de nombreuses manifestations avaient déjà régulièrement pris place devant le siège de l’organe de l’ONU à Jérusalem-Est.
Demonstration in fromt of @UNWRA offices Jerusalem. The activists set up a corpse-like display after they took part in the murderous massacre on 7/10, and called for #UNWRA to be expelled from Israel now and to be declared a terrorist organization. #StopTerrorism pic.twitter.com/2HwDNGQoFx
— Eretz Israel (@EretzIsrael) March 18, 2024Dès le 8 mai, des manifestants s’étaient regroupés devant l’agence de l’ONU, comme le montre cette vidéo :
BREAKING: Israeli settler militias are trying to storm the UNRWA headquarters in occupied Jerusalem. pic.twitter.com/ynyKzsPfo6
— Quds News Network (@QudsNen) May 8, 2024Mais le jeudi 9 mai, un cap a été franchi. Lors d’une manifestation devant le siège, une partie du terrain situé devant les bureaux de l’Unrwa à Jérusalem a été incendié.
This evening, Israeli residents set fire twice to the perimeter of the UNRWA Headquarters in occupied East Jerusalem.
This took place while UNRWA and other UN Agencies’ staff were on the compound.
While there were no casualties among our staff, the fire caused extensive damage… pic.twitter.com/ZqHFDNkiWC
Sur son compte Twitter, Philippe Lazzarini, le commissaire général de l’Unrwa, fait le compte des dégâts : "Bien qu’il n’y ait eu aucune victime parmi nos collaborateurs, l’incendie a causé d’importants dégâts aux espaces extérieurs." Le commissaire précise que "du personnel de l’Unrwa et d’autres agences de l’ONU étaient présents". Selon lui, "une foule accompagnée d'hommes armés a été vue à l'extérieur de l'enceinte scandant : ’Brûlez les Nations unies !'"
Plusieurs vidéos montrent des départs de feu au niveau des locaux de l’Unrwa, dont un incendie situé rue Karl Netter.
"J'ai vu de la fumée monter jusqu'au sommet de l'enceinte du bâtiment"
La rédaction des Observateurs a pu joindre Jonathan Fowler, porte-parole de l’Unrwa, qui était présent au moment de l’attaque le 9 mai. Il décrit une situation chaotique :
Au moment de l’attaque, il n’y avait pas beaucoup de monde dans le bâtiment car nos collègues qui travaillent en Cisjordanie avaient des problèmes pour obtenir des autorisations israéliennes pour venir.
L’alarme incendie du bâtiment s’est déclenchée vers plus ou moins six heures de l'après-midi. J'ai regardé par la fenêtre et j'ai vu de la fumée monter jusqu'au sommet de l'enceinte du bâtiment.
Pendant ce temps, d'autres collègues, qui étaient plus proches de la zone où l'incendie s'est déclaré, se sont précipités dehors pour voir ce qu’il se passait. Les buissons, l’herbe et tout ce qui se trouvait à l’extérieur brûlait. Le feu commençait à se propager à l'intérieur de l'enceinte jusqu'à nos bâtiments. Pendant que mes collègues éteignaient le feu, des jeunes leurs lançaient des pierres et toutes sortes de projectiles. Notre directeur et celui de la région Cisjordanie, ainsi que d’autres salariés, ont essayé d’éteindre le feu avec des extincteurs et un tuyau d’arrosage.
Un deuxième incendie s'est déclaré de l'autre côté de l'enceinte. Ce second départ de feu se trouvait à l'extérieur de la clôture, qui est très proche de notre station-service interne. Vu l’attitude des jeunes autour de nos locaux, je pense que ce sont eux qui ont déclenché le second incendie. Si le feu avait atteint notre dépôt d’essence, les conséquences auraient pu être dramatiques pour nous et l’ensemble du quartier. Je ne sais pas comment ils ont déclenché le feu, tout le monde était occupé à éteindre les flammes, nous n’avons pas eu le temps de comprendre comment cela s’est passé.
Pour Jonathan Fowler, les services de sécurité israéliens ont mis beaucoup de temps à intervenir :
Les pompiers sont finalement arrivés et ont éteint le feu. Nous avons appelé la police mais elle est intervenue très tard alors que nous l’avions déjà appelée plusieurs fois avant qu’elle n’arrive. Compte tenu de la lenteur de la réaction des forces de l'ordre, cet événement ne présage rien de bon pour la suite.
Heureusement, il n'y a pas eu de dégâts humains mis à part notre directeur et d’autres personnes qui ont inhalé beaucoup de fumée au moment d’éteindre le feu. Les dégâts matériels auraient pu être également beaucoup plus graves. Mais là aussi, nous avons eu de la chance : le feu n’a pas atteint les bâtiments, mais je ressens beaucoup de frustration.
Pour le porte-parole de l’Unrwa, ce n’est pas la première fois que le siège était visé par des manifestations contre l’action de l’organe des Nations unies :
Nous avons déjà eu une manifestation violente devant nos locaux mardi [...]. Les personnes du rassemblement devant notre enceinte étaient principalement des jeunes qui pourraient appartenir à un mouvement de colons, même si nous ne pouvons pas attribuer ce qu’il s’est passé à un mouvement en particulier.
Il y a fréquemment des colons et des nationalistes israéliens qui manifestent devant nos locaux. Démographiquement, les communautés de colons sont très présentes dans la zone dans laquelle est situé notre siège.
Pour lui, cette attaque se produit dans le contexte plus large de harcèlement des salariés de l’Unrwa :
"Nous avons fait une plainte auprès de la police et du ministère des Affaires étrangères. Mais vous savez, nous avions déjà fait plusieurs demandes auprès des autorités pour d’autres choses. Cet incident ne fait que s‘ajouter aux autres [...]. Nos locaux ont déjà été attaqués à Gaza et notre personnel se fait harceler en Cisjordanie. Maintenant, ces comportements à notre égard arrivent à Jérusalem.
Cet incident est symptomatique de la détérioration des relations entre Israël – dont une partie de sa population – et l’ONU. Jonathan Fowler dit craindre le pire : "La question des réfugiés palestiniens n’existe que parce que l’Unrwa existe. Si nous ne pouvons plus travailler, la situation va devenir très complexe pour eux."