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Cette explosion meurtrière s’est produite dans le camp de déplacés de Lushagala, voisin de celui de Mugunga, dans l’ouest de la ville de Goma, dans la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo. Selon des témoignages, encore confus en milieu de journée, des “bombes” seraient tombées sur des huttes de déplacés, indique l’AFP.
Depuis 2021, la province du Nord-Kivu connaît un regain de violences entre l’armée congolaise et le M23, un groupe rebelle soutenu par le Rwanda qui a repris les armes cette même année. Selon le HCR, les deux dernières années du conflit ont contraint “plus de 1,3 million de personnes à fuir leurs foyers”, dont une grande partie s’entasse désormais dans des camps insalubres et surpeuplés autour de la ville de Goma.
“Dans cet hôpital, j’ai vu quatre morts : deux enfants, une femme, et un garçon de 15-16 ans”
Jean-Luc Maroy est bénévole au sein de plusieurs organisations, dont LUCHA, à Goma. Il se rend régulièrement dans les camps pour aider les déplacés avec plusieurs organisations qui leur distribuent des médicaments, de la nourriture ou encore des habits.
Ce matin, je suis arrivé dans le camp de Luchangala vers 8h. Dans la matinée, on a entendu des échanges de tirs. Selon le responsable du camp, c’était des tirs entre le M23 et les FARDC [Forces armées de la République démocratique du Congo, NDLR], qui voulaient reprendre la cité de Rubaya. [Le M23 a pris le contrôle de cette ville, située au cœur d'une zone minière, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Goma, le 30 avril, après plusieurs jours de combats, NDLR.] Cela dit, on entend régulièrement des tirs, et parfois ça passe…
Vers 10h30 peut-être, on a entendu une première explosion, au loin, qui, a priori, n’a pas fait de victimes. Environ 5-10 minutes plus tard, on a entendu une seconde explosion, beaucoup plus proche. Tout le monde a paniqué dans le camp. Certains disaient : “Il y a mes enfants là-bas !”. D’autres voulaient fuir pour sauver leur peau. J’ai couru pour voir ce qu’il se passait. J’ai vu des blessés, des morts… Les victimes étaient surtout des enfants, des femmes et des jeunes garçons.
Après avoir pris Rubaya pour ses réserves minérales, le M23/RDF a largué des bombes dans des camps à Mugunga/Goma, tuant des civils déplacés. Combien de morts de plus faudra-t-il pour qu'enfin de vraies mesures soient prises pour neutraliser ces pillards terroristes? pic.twitter.com/1kP7mTi2sV
— LUCHA 🇨🇩 (@luchaRDC) May 3, 2024On a essayé d’aider les gens, avant l’arrivée des secours. Moi, j’ai transporté une femme gravement blessée dans un hôpital, le CBCA Ndosho - sur la moto de quelqu’un. Une maman est décédée sur le chemin, alors qu’on la transportait. Dans cet hôpital, j’ai vu quatre morts : deux enfants, une femme, et un garçon de 15-16 ans. J’ai aussi vu 16 blessés graves, que le personnel essayait de réanimer, et six blessés moins graves. Je sais qu’il y a aussi des victimes dans d’autres hôpitaux. Tout le monde est sous le choc, et moi aussi.
#Urgent 🚨 : une bombe ayant ciblé un objectif civil fait plusieurs morts et des blessés au quartier Mugunga dans la ville de Goma ce vendredi 3 mai 2024.
Des images sont très sensibles, des enfants ont été fauchés à l'endroit appelé Kimachine non loin de la route Goma Sake. pic.twitter.com/CUY76FoXqI
Vendredi 3 mai au soir, le bilan des victimes restait flou. Cités par l’AFP, un chef du quartier Lac Vert, à l'ouest de Goma, assure avoir “vu neuf corps”, tandis qu’un responsable de la société civile locale affirme avoir “compté huit corps sur le lieu du drame”.
Certains accusent le M23 d’être responsable de l’explosion, comme le lieutenant-colonel Ndjike Kaiko, porte-parole de l'armée congolaise, dans une déclaration transmise à Associated Press. C’est aussi le cas de Jean-Luc Maroy :
Je pense que le M23 a répliqué à une attaque des FARDC et que, dans l’échange des tirs, ils ont ciblé les déplacés, surtout que ce n’est pas la première fois qu’ils ciblent des camps. C’est d’ailleurs pour cela que nous aimerions que le camps soient déplacés en ville, pour que les gens soient plus en sécurité.
Sur X (anciennement Twitter), le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a accusé “l’armée rwandaise et ses supplétifs terroristes du M23” d’être derrière l’attaque.
De son côté, un porte-parole militaire du M23, le lieutenant-colonel Willy Ngoma, a démenti ces accusations et accusé à son tour l'armée d'avoir posé une bombe.
Selon Radio Okapi, l’explosion a suscité la colère des déplacés. Certains ont barricadé une route, et des agents des forces de l’ordre sont intervenus avec des tirs de sommation pour la dégager.
Lors d’une rencontre à Paris avec le président congolais Felix Tshisekedi, le 30 avril, Emmanuel Macron a exhorté le Rwanda à "cesser tout soutien" aux rebelles du M23 dans l'est de la RD Congo et à "retirer ses forces" du pays.