Le Soudan, en proie à la guerre depuis le 15 avril 2023, est au bord de la “pire crise de la faim au monde”, selon le Programme alimentaire mondial : plus de 18 millions de personnes sont confrontées à une insécurité alimentaire grave, dont cinq millions ont atteint le dernier palier avant la famine.

La situation est encore plus inquiétante dans les zones chaudes du conflit, auxquelles le PAM n’a pas accès, telles que le Kordofan, le Darfour, l’Al Jazirah et la capitale Khartoum. 

“Une famine à l'échelle du pays est une réelle perspective”

Mohanad Elbalal, un ressortissant soudanais installé au Royaume-Uni, a lancé “Khartoum Aid Kitchen” avec un membre de sa famille qui vit à Omdourman. 

Depuis le début de la guerre, la majeure partie des habitants de Khartoum se sont enfuis, car elle est tombée aux mains des Forces de soutien rapide (FSR), dont ils ont craint les exactions. Une partie a fui vers la ville de Omdourman, qui est globalement sous le contrôle des Forces armées soudanaises (FAS). 

Ils vivent aujourd’hui nombreux dans le district de Karari, au nord de la ville d’Omdourman, qui est le plus sûr car situé à proximité de l’une des plus grandes bases de l’armée régulière, la base aérienne de Wadi Sayyidna. 

Tout a commencé un jour de ramadan [NDLR : entre le 10 mars et 10 avril 2024], quand mon cousin m’a envoyé des photos de gens faisant la queue pour une distribution de nourriture avec des récipients vides. 

C’était dans le quartier al-Hitana, district de Karari à Omdourman. Des bénévoles avaient réussi à monter cette cuisine solidaire grâce à des aides locales, mais c’était largement insuffisant. Les gens attendaient plusieurs heures pour recevoir de petites quantités de nourriture. 

On a alors décidé, avec mon cousin, de lancer une cagnotte en ligne afin de collecter de l’argent et acheter de la nourriture sur place, tandis que des bénévoles feraient la cuisine. C’est ainsi qu’on a lancé la première cuisine, à al-Hitana.

On a pu acheter de l’arachide, qui est disponible en grandes quantités au Soudan, car c’est un pays producteur. Cet aliment contient un taux relativement élevé de calories. On l’a mélangé avec des lentilles et on l’a distribué. 

Avec les dons, on a aussi pu fournir du riz et du pain. On distribue environ 1000 galettes par jour.

On fournit aussi du beurre de cacahuètes, qui contient un taux élevé de protéines. Malheureusement, on ne peut pas fournir de protéines animales, car la viande coûte très cher. 

Après la réussite de la première cuisine, on en a lancé une deuxième, dans le quartier al-Doroshab Bahri, qui est situé à proximité de la ligne de front. Puis, on a ouvert une troisième cuisine, dans le quartier al-Thawra. On fournit aussi de la nourriture à une cuisine existante, dans le quartier de al-Fitehab. 

Le Soudan entre bientôt en période de soudure agricole [période qui précède la récolte et pendant laquelle la récolte précédente a été écoulée, NDLR], ce qui signifie qu'une famine à l'échelle du pays est une réelle perspective. On fait notre possible pour apporter de la nourriture à un maximum de personnes, à travers la collecte de fonds.

Depuis le 15 avril 2023, le Soudan est plongé dans un conflit meurtrier opposant l'armée et le groupe paramilitaire FSR. Les affrontements ont fait des milliers de morts, dont plus de 10 000 dans une seule ville du Darfour, selon un rapport de l’ONU, et provoqué une crise migratoire – 8,5 millions de déplacés, dont 2 millions ayant déjà fui le pays.