La vérification en bref :
- Une vidéo montrant Xi Jinping en train de faire un discours au cours d'un rassemblement militaire de l’armée chinoise est devenue virale mi-mars. Elle est partagée par des comptes qui prétendent que l'armée chinoise serait prête à "intervenir militairement" si les États-Unis ou l'Otan attaquaient la Russie.
- La vidéo a été sortie de son contexte. Une recherche par mots clés permet de constater qu’elle a été diffusée pour la première fois il y a six ans, et qu'il n’y est pas fait mention de la Russie ou de l'Otan.
Le détail de la vérification
Une vidéo montrant l'étendue de l’armée chinoise faisant face à Xi Jinping en plein discours a été vue des centaines de milliers de fois sur Facebook, Instagram ou encore X, à la mi-mars 2024. Les comptes qui diffusent ces images, comme celui-ci (où la vidéo a été vue près de 400 000 fois) prétendent que le porte-parole du ministère chinois de la Défense aurait affirmé que "la Chine était prête à intervenir militairement n’importe où, si les États-Unis ou l'Otan décidaient d’attaquer la Russie".
Dans le clip vidéo qu’ils partagent, on peut voir Xi Jinping s'adresser à l’armée dans un discours en mandarin, qui a été sous-titré de la façon suivante en anglais : "Je donne ici mes ordres : l'armée, à tous les niveaux, devrait renforcer la formation militaire et la préparation à la guerre, placer la formation militaire à une position stratégique et mettre en œuvre efficacement la formation militaire en tant que tâche centrale." Mais il n'est fait mention à aucun moment d’une potentielle attaque sur des pays de l'Otan, ou même de la défense de la Russie. La rédaction des Observateurs a fait traduire les propos que tient Xi Jinping dans la vidéo, qui correspondent au sous-titrage de la vidéo publiée sur X.
Mais en haut à droite de la vidéo, il est possible de remarquer un logo qui ressemble à celui du média The Guardian.
Une recherche avec les mots clés "Chinese army" et "The Guardian" permet de remonter à une version bien plus ancienne de ces images, avant le début de la guerre en Ukraine. Dans une vidéo diffusée par The Guardian sur YouTube, le 4 janvier 2018, on peut en effet voir le même discours de Xi Jinping devant son armée. Le média anglais légende la vidéo : "L'armée chinoise montre sa puissance militaire à Xi Jinping".
En commentaire de cette publication YouTube, le média précise que "le président Chinois s'adresse à 7 000 militaires alors que le pays entame une nouvelle série d'entraînements dans la province de Hebei, à proximité de Pékin." Dans un article publié le 4 janvier 2018, l’agence de presse officielle de la République populaire de Chine, Xinhua, explique que "c’était la première fois que la Commission militaire centrale organisait une réunion de mobilisation pour l'ensemble des forces armées". L'agence de presse précise que Xi Jinping a "exhorté l’armée à renforcer l'entraînement militaire axé sur la préparation au combat", mais il n’est jamais mentionné dans la dépêche une possibilité de combat contre un pays en particulier.
Ce n’est pas la première fois que des intox visant la stratégie militaire de la Chine sont partagées sur les réseaux sociaux. L’AFP Factuel a notamment débunké ce tweet, qui prétendait également que le porte-parole du ministère chinois de la Défense avait déclaré que son pays était prêt à soutenir la Russie en cas d'intervention militaire de l'Otan, avec une photo du porte-parole lors de ce qui semble être une conférence de presse. Mais la cellule de fact-checking de l'Agence France Presse a réfuté cette affirmation sur son compte X : "On ne retrouve aucune trace de cette déclaration prêtée au porte-parole chinois, que ce soit dans des médias ou sur le site du ministère, et ce dernier, interrogé en mars 2022, avait formellement démenti cette déclaration”, a précisé l’AFP en ajoutant que l’intox circulait déjà deux ans auparavant.
Depuis le début de la guerre en Ukraine déclenchée par la Russie le 24 février 2022, la Chine souhaite adopter une position de médiateur dans ce conflit, sans jamais revendiquer la possibilité d'une intervention militaire pour soutenir la Russie. Plusieurs fois, par l'intermédiaire du diplomate chinois Li Hui chargé de la question ukrainienne, ou de son ministre des Affaires étrangères Wang Yi, la Chine a critiqué le rôle de l'aide militaire fournie par des pays tiers dans ce conflit, en assurant d'autre part que l'empire du Milieu ne vendait pas d’armes létales à la Russie.
La Chine n'a pour autant jamais condamné publiquement Moscou, pour son offensive sur l'Ukraine. Wang Yi a d’ailleurs défendu, le 7 mars dernier en conférence de presse en marge de la session annuelle du Parlement chinois, les "bonnes relations" de son pays avec la Russie, son partenariat stratégique avec son voisin s'étant renforcé depuis le début de la guerre en Ukraine. "Sur la base du non-alignement, de la non-confrontation et du non-ciblage de pays tiers, nous poursuivons sur la voie d'une amitié de bon voisinage permanente et d'un approfondissement de notre coopération stratégique globale", a-t-il souligné.