Les électeurs de toute la Russie se rendent aux urnes, samedi 16 mars, pour un scrutin qui devrait marquer la réélection pour six ans de Vladimir Poutine qui ne fait face à aucun concurrent sérieux après avoir écrasé toute dissidence politique au cours de ses près de 25 ans de règne.
L'élection ne se déroule pas son accroc. Vendredi, au moins treize personnes ont été arrêtées pour des dégradations dans des bureaux de vote, des actes dont les mobiles précis n'ont pas été rendus publics.
La présidentielle russe se déroule dans le contexte d'une répression impitoyable qui a étouffé les médias indépendants et les principaux groupes de défense des droits. Son plus féroce adversaire politique, Alexeï Navalny, est mort dans une prison de l'Arctique en février dernier. D'autres détracteurs sont en prison ou en exil.
Le mouvement d'opposition russe a exhorté les personnes mécontentes de Poutine ou de la guerre à se présenter aux urnes à midi, dimanche, dernier jour de vote, et de voter pour n'importe quel autre candidat en guise de protestation. Une stratégie approuvée par Alexeï Navalny peu de temps avant sa mort.
Isoloirs incendiés, pétards et cocktails Molotov
Une femme a ainsi été interpellée après avoir incendié un isoloir à Moscou, selon des médias russes, tandis qu'une deuxième, âgée de 20 ans, a tenté de jeter un cocktail Molotov sur un bureau de vote de Saint-Pétersbourg, d'après un responsable local.
Une personne a été appréhendée pour avoir essayé de mettre le feu à une urne à Khanty-Mansisk en Sibérie et une autre pour avoir tenté d'allumer un pétard dans un bureau de vote de la région de Tcheliabinsk, non loin des monts Oural.
Six personnes ont aussi été interpellées pour avoir versé du colorant dans les urnes près de la capitale russe, en Sibérie et dans les régions de Voronej (ouest), de Rostov-sur-le-Don (sud-ouest) et de Karatchaïévo-Tcherkessie, dans le Caucase.
La cheffe de la commission électorale, Ella Pamfilova, a affirmé que ces personnes agissaient pour de l'argent promis par "des salauds, de l'étranger".
Le parquet de Moscou avait mis en garde jeudi contre toute action de protestation, aucune critique ni opposition n'étant tolérée en Russie.
Dans la partie occupée de la région méridionale ukrainienne de Kherson, une bombe a explosé sans faire de victimes devant un bureau de vote, ont dénoncé les autorités locales.
Dans une déclaration commune lue par l'ambassadeur ukrainien Sergiy Kyslytsya à la presse à l'ONU, plus de cinquante pays, dont les États-Unis et la France, ont "condamné dans les termes les plus forts" la tenue de ce scrutin dans plusieurs régions ukrainiennes.
L'ambassadeur russe adjoint à l'ONU a fustigé des "tentatives absolument impardonnables (...) d'intervenir dans les affaires internes" russes et a assuré que ces territoires faisaient "administrativement et politiquement partie de notre pays, que ça vous plaise ou non".
Pas d'opposition
À la veille de la présidentielle, Vladimir Poutine, 71 ans dont 24 au pouvoir, a exhorté ses compatriotes à ne pas se "détourner du chemin" en ces temps "difficiles", une allusion aux conséquences de l'assaut qu'il a déclenché contre l'Ukraine il y a plus de deux ans.
Le président sortant fait face à trois candidats sans envergure qui ne s'opposent ni à l'offensive en Ukraine, ni à la répression qui a éradiqué toute opposition et culminé avec la mort en prison mi-février du détracteur du Kremlin Alexeï Navalny.
Ioulia Navalnaïa, qui a juré de poursuivre le combat de son mari, a appelé pour sa part les Russes à protester en allant voter pour n'importe lequel des candidats à l'exception de Poutine.
Elle a aussi demandé aux Russes soutenant l'opposition de se rendre dans les bureaux de vote au même moment, dimanche à 12 h (9 h GMT), pour montrer qu'ils sont nombreux.
"Habitués à l'idée que tout est déjà décidé pour nous"
Le scrutin a commencé à 8 h heure locale vendredi (20 h GMT jeudi) sur la péninsule du Kamtchatka et en Tchoukotka, deux régions reculées de l'Extrême Orient russe. Il s'achèvera dimanche à 20 h (18 h GMT) à Kaliningrad, une enclave russe frontalière de pays de l'Union européenne.
Dans une école de Moscou, Lioudmila, une retraitée âgée de 70 ans, dit vouloir avant tout "la victoire" en Ukraine. Pour elle, cela passe par un vote pour Vladimir Poutine.
Mais pour Nadjeda, 23 ans, "le fait que je sois là ne changera rien" : "Autour de moi, on est tous habitués à l'idée que tout est déjà décidé pour nous, on ne peut rien y faire", lâche cette jeune ballerine moscovite, refusant de donner son nom de famille. "Tout est un peu faux."
Avec ce scrutin, Vladimir Poutine se maintiendra au pouvoir jusqu'en 2030 et pourra se représenter pour rester aux commandes jusqu'en 2036, l'année de ses 84 ans.
Il avait fait réviser la Constitution à cette fin en 2020.
Le président du Conseil européen Charles Michel a quant à lui "félicité" avec ironie vendredi Vladimir Poutine "pour sa victoire écrasante lors d'élections qui débutent aujourd'hui".
Les États-Unis ont aussi critiqué le scrutin et la diplomatie ukrainienne a exhorté la communauté internationale à rejeter cette "farce".
Incursions armées
Dans le même temps, l'Ukraine a accru la pression militaire sur les régions russes frontalières de Belgorod et de Koursk, visées par une multitude d'attaques de drones et des incursions d'unités militaires composées de Russes opposés au Kremlin.
Un civil a été tué et deux autres blessés à Belgorod dans un bombardement ukrainien, selon le gouverneur Viatcheslav Gladkov, qui avait dit plus tôt qu'un combattant avait également péri dans une autre frappe.
En parallèle, les attaques de drones se multiplient dans les régions frontalières mais aussi à des centaines de kilomètres du front, l'Ukraine ayant promis des représailles aux bombardements qu'elle subit depuis plus de deux ans.
Ces attaques constituent une "tentative de perturber l'élection présidentielle", a dénoncé Vladimir Poutine.
Vladimir Poutine a promis vendredi que la Russie répliquerait aux attaques aériennes ukrainiennes sur son sol, tout en estimant que les récentes incursions terrestres de combattants pro-Ukraine visaient à "perturber" le déroulement de la présidentielle vouée à le réélire triomphalement.
À Berlin, le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron ont affiché leur "unité" vendredi sur l'aide à ce pays, après des semaines de vives tensions sur la stratégie à adopter face à Moscou, à l'occasion d'un sommet avec le Premier ministre polonais Donald Tusk.
Avec AFP