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Négociations sur une trêve à Gaza : qui est Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du Hamas ?
Khalil al-Hayya, négociateur en chef du Hamas, est l’un des principaux acteurs des pourparlers en cours au Caire visant à parvenir à un cessez-le-feu à Gaza. Toujours "recherché" par Israël, ce radical proche du cheikh Ahmad Yassine, le fondateur du mouvement islamiste palestinien assassiné en 2004, a échappé à plusieurs tentatives d'assassinat et passé trois années dans les prisons israéliennes. Portrait.

Bien qu’inconnu du grand public, Khalil al-Hayya est une figure de premier plan du Hamas. Négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien, il joue les premiers rôles à la tête de la délégation qui discute depuis plusieurs semaines, avec des représentants égyptiens, qataris et américains, pour tenter de parvenir à une trêve dans la bande de Gaza.

Ces derniers font office de médiateurs entre le Hamas et l’État hébreu en guerre ouverte depuis l'attaque du 7 octobre dans le sud d'Israël, qui a fait 1 200 morts selon le décompte israélien. D'après le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas, plus de 30 700 personnes ont été tuées dans le territoire palestinien depuis le début de la réplique israélienne ordonnée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

De la religion à la politique

Surnommé Abou Oussama, Khalil al-Hayya connaît chaque recoin de la bande de Gaza, où il est né en 1960. Réputé conservateur et très pratiquant, il s'était rapidement destiné aux études islamiques. Après avoir obtenu un premier diplôme en théologie de l'université de Gaza en 1983, il poursuit ses études coraniques et de la charia en Jordanie (il obtiendra une décennie plus tard, en 1997, un doctorat en sciences islamiques à l'université de Khartoum, au Soudan).

En parallèle de ses études religieuses, il rencontre dans les années 1980 le chef spirituel et fondateur du Hamas, le cheikh Ahmad Yassine (tué par une frappe israélienne en 2004). Après s’être nourri des sermons de cette figure religieuse locale, il finit par être admis dans son cercle intime.

C'est donc logiquement qu’il fait son entrée dans la sphère politique en intégrant le Mouvement de la résistance islamique palestinienne (Hamas) fondé par son mentor en 1987. Il en devient une figure centrale et y occupe plusieurs fonctions, dont celle de chef adjoint du Hamas dans la bande de Gaza, dans l'ombre d'Ismaïl Haniyeh et de son successeur à la tête du mouvement dans l’enclave palestinienne, depuis 2017, Yahya Sinouar.

En 2006, Khalil al-Hayya est élu député de Gaza lors des législatives palestiniennes remportées par le Hamas, avant le coup du mouvement palestinien qui prend par la force le contrôle de la bande de Gaza.

La cible de tentatives d'assassinat

Comme tous les membres du Hamas, a fortiori les membres du bureau politique du mouvement, Khalil al-Hayya devient automatiquement une cible pour Israël. Et ce au sens propre, puisqu’il échappe à plusieurs tentatives d'assassinat ciblées.

La première fois, en 2007, lorsque son domicile est visé par une frappe israélienne dans laquelle deux de ses frères et six autres membres de sa famille périssent. Khalil al-Hayya, lui, n’était pas présent dans l’immeuble. En 2014, alors que l’armée israélienne mène l'opération "Bordure protectrice", une deuxième tentative israélienne visant à le liquider chez lui échoue, le cadre du Hamas ayant évacué son domicile par crainte d'être pris pour cible.

Il perd deux de ses fils dans des attaques distinctes menées toujours par l’armée israélienne. L'un deux a été tué en 2008 alors qu’il dirigeait une escouade qui tirait des roquettes sur des villes de l'État hébreu.

"C'est le dixième membre de ma famille à recevoir l'honneur du martyr, s’était félicité à l’époque, lors des obsèques de son fils, Khalil al-Hayya. Cela fait partie du destin de notre peuple et, si Dieu le veut, notre peuple remportera la victoire".

À l’instar de Yahia Sinouar, accusé par Israël d’être le cerveau de l'attaque du 7 octobre, Khalil al-Hayya a passé un certain nombre d'années dans les geôles israéliennes. Il a été détenu pendant trois ans au cours des années 1990 pour son activisme politique.

Un chef de la diplomatie de l'ombre

En plus du parrainage du cheikh Ahmad Yassine, cet historique particulier avec l’ennemi israélien contribue à légitimer, aux yeux de son mouvement et de ses partisans, son ascension politique. En charge à la fois des relations arabes et islamiques du Hamas et chef de son bureau des médias, Khalil al-Hayya devient incontournable dès lors qu’il s’agit de négocier avec le mouvement islamiste.

Sorte de chef de la diplomatie du Hamas, c’est souvent lui qui apparaît en première ligne lorsqu’il s’agit de tractations secrètes avec le Fatah de Mahmoud Abbas, lors des tentatives de rapprochements inter-palestiniens.

Il devient également l’un des visages du Hamas sur la scène régionale. C’est lui par exemple qui se rend à Damas en octobre 2022 pour acter la réconciliation entre le Hamas et le régime syrien, avec lequel les relations étaient rompues après la campagne de répression du président Bachar al-Assad contre l’opposition à partir de 2011.

Bien que perçu comme un radical parmi les plus radicaux par Tel-Aviv, Khalil al-Hayya participe également aux discussions indirectes avec Israël, sur la libération du soldat israélien Gilad Shalit en 2011 ou pour conclure les différentes trêves à Gaza, comme en celle de 2014.

Une marge de manœuvre étroite

L’attaque du 7 octobre - que Khalil al-Hayya a justifié comme étant "une réponse au mépris dont est victime le peuple palestinien, à la négation de ses droits, à l'assaut contre ses lieux saints et à la tentative de liquider sa cause" - l’a de nouveau propulsé au premier plan alors que les médiateurs tentent notamment d'arracher un accord de cessez-le-feu avant le ramadan.

Ils recherchent notamment un compromis portant sur une trêve de six semaines associée à la libération d'otages retenus à Gaza en échange de prisonniers palestiniens détenus par Israël, ainsi que l'entrée d'une quantité accrue d'aide humanitaire à Gaza, où la population est menacée de famine

Mais malgré une influence certaine au sein de son mouvement, son "expertise" dans la guerre médiatique que se livrent Israël et le Hamas et les relations nouées avec des acteurs régionaux depuis plusieurs décennies au gré des négociations, la marge de manœuvre de Khalil al-Hayya reste étroite.

Depuis le 7 octobre, les évènements démontrent clairement que la décision finale appartient à son supérieur hiérarchique à Gaza Yahya Sinouar, qui détient entre ses mains le sort des otages, soit l’un des principaux points d'achoppement des négociations.