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Élections européennes : les enjeux d'un scrutin à haut risque
Les électeurs des 27 pays membres de l'Union européenne se rendront aux urnes dans trois mois (du 6 au 9 juin) pour élire les 720 eurodéputés du Parlement européen. Les principales têtes de liste sont connues et la campagne d’ores et déjà lancée. Alors que les sondages donnent l’extrême droite en tête dans de nombreux pays, dont la France, France 24 vous présente les enjeux de ce scrutin décisif.

Jordan Bardella et Marine Le Pen dimanche dernier à Marseille pour le Rassemblement national, Valérie Hayer et Gabriel Attal le 9 mars à Lille pour Renaissance : à trois mois des élections européennes (du 6 au 9 juin) et après un Salon de l’agriculture qui a vu défiler de nombreux candidats, la campagne française est bel et bien lancée.

Dans un contexte de progression de l’extrême droite partout en Europe, ce scrutin pourrait donner lieu à des changements profonds au Parlement européen, dont l'équilibre politique détermine grandement les politiques menées par Bruxelles.

Au total, 720 députés européens issus des 27 pays membres seront élus par les citoyens européens, dont 96 pour l’Allemagne, 81 pour la France et 76 pour l’Italie. Quels sont les enjeux de ces élections ? France 24 fait le point.

  • Vers une forte poussée de l’extrême droite et des partis eurosceptiques

France, Autriche, Pologne… L’extrême droite est donnée gagnante dans neuf États membres de l’Union européenne et en deuxième ou troisième position dans neuf autres, selon les sondages. Une poussée qui pourrait entraîner un nombre record d’élus eurosceptiques à Strasbourg : alors qu’'ls sont actuellement 127 eurodéputés – 68 au sein du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (CRE) et 59 au sein du groupe Identité et Démocratie (ID) –, ils pourraient être plus de 180 à l’issue des élections européennes, selon l’étude du groupe de réflexion European Council on Foreign Relations (Conseil européen pour les relations internationales – ECFR) intitulée "Virage à droite : prévisions des élections du Parlement européen de 2024".

Une percée qui aura également des conséquences dans le rapport de force entre les groupes CRE et ID. Le premier est notamment composé du parti polonais Droit et Justice (PiS) et du parti italien Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, tandis que le second réunit le Rassemblement national du Français Jordan Bardella, la Ligue de l'Italien Matteo Salvini et l’AfD de l’Allemand Maximilian Krach. Actuellement en infériorité numérique, le groupe ID devrait passer devant celui du CRE au soir du 9 juin, selon les projections de l’ECFR. À moins que les élus du Fidesz de Viktor Orban, en Hongrie, actuellement non-inscrits au sein du Parlement européen après leur départ avec fracas en 2021 du Parti populaire européen (PPE), ne fassent le choix de rejoindre le CRE. Dans tous les cas, c’est bien la forte poussée de l’extrême droite et des partis eurosceptiques qui devrait marquer ces élections européennes.

  • Quelle coalition se dégagera au Parlement européen ?

Même si la plupart des textes sont votés au cas par cas avec des alliances qui évoluent, le Parlement européen est historiquement dirigé par une coalition plus ou moins centriste formée du Parti populaire européen (PPE, droite) et de l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D, gauche), à laquelle s’est ajouté le groupe Renew Europe (RE, centre-droit) depuis 2019. À eux trois, ces groupes politiques représentent 60 % des sièges de l’actuelle législature. Mais alors qu’ils devraient perdre des députés lors du prochain scrutin et que les groupes d’extrême droite, ID et CRE, devraient en gagner, l'équilibre du Parlement européen pourrait basculer nettement à droite.

Une alliance entre PPE, ID et CRE pourrait en effet approcher de la majorité absolue – fixée à 361 eurodéputés dans la législature 2024-2029 – après le scrutin de juin, donnant un visage inédit au Parlement de Strasbourg. Les eurosceptiques en ont bien conscience, d’où la main tendue par Matteo Salvini au PPE début décembre, lors d’une réunion des partis d’extrême droite européens à Florence. Dans cette perspective, la décision des élus du Fidesz hongrois de rejoindre ou non les Conservateurs et Réformistes européens sera décisive, tout comme l’attitude des membres du PPE.

En conséquence, l’agenda politique européen en matière d’immigration devrait, quoi qu'il arrive, être considérablement durci. Dans le même temps, il pourrait être plus difficile pour le Parlement européen de voter des sanctions à l’encontre des États membres ne respectant pas l’État de droit et les libertés civiles. C’est d’ailleurs cette question qui avait acté la rupture, en 2021, entre le PPE et le Fidesz.

  • La transition écologique, stop ou encore ?

De ces incertitudes au sujet de la coalition qui dirigera le Parlement européen découle la bonne poursuite, ou non, du "Green Deal" (ou Pacte vert) européen. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a lancé une transition écologique visant la neutralité carbone de l'Union européenne en 2050. Mais des mesures comme l’interdiction de la vente des voitures thermiques neuves en 2035 ou l'augmentation des objectifs d’énergies renouvelables ont été votées grâce au concours des eurodéputés écologistes du groupe des Verts/Alliance libre européenne et du groupe La Gauche.

Or, certains élus du PPE et de RE estiment que Bruxelles est allé trop vite et trop loin. Un sentiment encore plus présent depuis que la colère des agriculteurs européens a éclaté et que les contraintes environnementales de la Politique agricole commune (PAC) sont pointées du doigt. Résultat : alors que l’UE se montre déjà disposée à assouplir les obligations environnementales de la PAC notamment, une coalition de droite et d’extrême droite pourrait encore davantage freiner la mise en application du Pacte vert européen, voire même renverser de nombreuses dispositions.

  • Ukraine, défense européenne, relations avec la Russie : quelle politique extérieure ?

Le futur visage du Parlement européen aura également des conséquences sur le conflit en Ukraine, les rapports de l’UE avec la Russie, l’avenir de la défense européenne et même le possible futur élargissement de l’Union. Certains candidats - à l’image de Raphaël Glucksmann (groupe S&D), en France, qui appelle à passer "en économie de guerre" - placent d'ailleurs cet enjeu au centre de leur discours de campagne.

L'Union européenne devra en effet choisir dans les prochains mois entre la poursuite ou la réduction de l’aide financière à Kiev. Au-delà de ce soutien et alors que Ursula von der Leyen a récemment proposé la création d’un commissaire européen à la Défense et que Donald Trump a laissé planer la menace de revenir sur la protection américaine de l’Europe, la question de la défense européenne sera un enjeu majeur.

L'Union européenne devra aussi trancher la question de l'adhésion de l'Ukraine et de la Moldavie, d'une part, et de ses relations avec la Russie d'autre part. La possible arrivée massive d’eurodéputés pro-russes - ou a minima peu enclins à sanctionner Moscou - pourrait rebattre les cartes des votes sur la politique extérieure du Parlement européen.

En revanche, les élections européennes ne devraient pas avoir beaucoup d’impact sur la politique de l'UE concernant le conflit au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, d’autant que le Parlement européen a déjà adopté le 18 janvier une résolution appelant à un cessez-le-feu permanent sous conditions.