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Après le "méga décret", "le méga projet de loi". Le gouvernement argentin du président d'extrême droite Javier Milei continue son offensive ultralibérale par le biais d'un nouveau texte transmis mercredi 27 décembre au congrès, et consistant en 664 articles portant sur l'ensemble des secteurs de l'économie et de la vie sociale du pays.
Le texte gargantuesque déclare "l'état d'urgence en matière économique, financière, fiscale, de sécurité, de défense, tarifaire, énergétique, sanitaire, administrative et sociale jusqu'au 31 décembre 2025". Cette période pourrait être prolongée de deux ans, couvrant ainsi l'ensemble du mandat du président.
Ce projet de loi dit "omnibus", en raison de la variété des sujets abordés, prévoit le transfert à l'exécutif de pans entiers du pouvoir législatif actuel dans de nombreux domaines et ouvre la voie à la privatisation d'une quarantaine d'entreprises publiques. Il "libéralise" aussi la sphère privée en simplifiant les procédures de divorce.
Intitulé "loi de base et points de départ pour la liberté des Argentins", le texte propose également de restreindre le droit de manifester. Javier Milei souhaite que tout "rassemblement intentionnel et temporaire de trois personnes ou plus" soit considéré comme une manifestation passible d'une peine de prison ferme si elle entrave la liberté de circulation ou la fourniture de services publics.
Le 22 décembre, le gouvernement argentin avait déjà indiqué vouloir faire payer aux organisateurs du premier rassemblement organisé contre la politique du président d'extrême droite les frais liés à la sécurisation de l'évènement.
Mécontentement social
Autre aspect phare de ce texte hétéroclite : une modification du système électoral qui entraînerait la fin des primaires pour les partis, trop coûteuse pour le contribuable au dire du gouvernement, et une restructuration de la Chambre des députés qui avantagerait les deuxième et troisième forces électorales du pays, dont le parti de Javier Milei, la Libertad Avanza ("La Liberté avance").
"Le président pose un défi majeur au système politique, en tentant d'accumuler des pouvoirs sans précédent pour un gouvernement sans majorité [...] C'est l'ébauche d'un projet institutionnel qui repose sur l'idée que seul le président incarne la volonté du peuple", analyse l'éditorialiste Martín Rodríguez Yebra dans le quotidien argentin La Nación.
Le dépôt de ce projet de loi controversé intervient dans un contexte de forte agitation sociale en Argentine. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé mercredi à Buenos Aires contre la politique ultralibérale portée par Javier Milei qui depuis son entrée en fonction il y a trois semaines, légifère à tour de bras dans le sens d'une dérégulation massive de l'économie.
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Après une dévaluation de 54 % de la monnaie nationale et des coupes dans les dépenses publiques annoncées par le ministre de l'Économie, Luis Caputo, la thérapie de choc a continué avec la publication le 20 décembre d'un "méga décret", comme l'a baptisé la presse, destiné à modifier ou abroger plus de 300 normes dont celles sur les loyers, les privatisations et le droit du travail.
Ce décret prévoit notamment l'abrogation de la loi encadrant les loyers ainsi que celle qui tentait de freiner la spéculation de la grande distribution, alors que les prix des articles de première nécessité ne cessent d'augmenter. Il enterre aussi la réglementation protégeant les travailleurs avec une période d'essai passant de trois à huit mois, une modification en faveur des entreprises des régimes d'indemnisation pour licenciement sans cause ou une renégociation des accords collectifs en vigueur depuis 1975.
Cette semaine, le gouvernement a également annulé les contrats de travail d'au moins 5 000 employés de l'État. Pour Javier Milei, l'objectif affiché est clair : réduire drastiquement le déficit budgétaire chronique d'une Argentine plombée par une inflation de 160 % sur un an.
Une issue incertaine
Contrairement au projet de loi déposé mercredi, le gouvernement argentin peut se passer de l’approbation du Congrès pour faire valider son méga décret, qui entrera en vigueur le 29 décembre. En revanche, la représentation nationale a le pouvoir de l'abroger en obtenant la majorité absolue des deux chambres, ce qu'aucune formation politique ne détient. Le parti de Javier Milei, n'est que la troisième force politique du pays, même s'il peut compter sur l'appui du bloc de centre-droit, le deuxième en importance.
Par ailleurs, le destin de ce texte reste très incertain car, selon plusieurs syndicats et experts, ce méga décret est contraire à la constitution. Au cœur de la bataille juridique à venir : la notion d'urgence invoquée par le gouvernement argentin pour justifier le texte.
"La seule nécessité et urgence qui existe est celle des groupes économiques, celle de leur représentation politique, qui veulent piller notre pays le plus rapidement possible parce qu'ils savent que cette majorité circonstancielle qu'ils ont obtenue électoralement va commencer à se dissoudre entre leurs doigts", estime dans un communiqué Oscar De Isasi du syndicat CTA autonoma.
Selon l’avocat Andres Gil Dominguez, cité par le journal Le Monde, "il s’agit d’une tentative claire d’accumulation du pouvoir public qui n’est pas liée à une situation d’urgence objective, seulement à la nécessité d’imposer un projet politique".
Une dizaine de recours ont été déposés devant la justice pour faire capoter le projet du gouvernement. En cas de rejet de la part du Congrès, Javier Milei a promis d'organiser un référendum. "S'ils rejettent le DNU [le décret de nécessité et d'urgence], je demanderai un plébiscite ou une consultation populaire", a-t-il déclaré dans une interview à la presse argentine, estimant que ceux qui s'y opposent "ne sont pas conscients de la gravité de la situation".