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Agriculture : les ONG environnementales consternées par la "pause" du plan de baisse des pesticides
Si le gouvernement a satisfait les syndicats agricoles majoritaires en acceptant de mettre en "pause" le plan de réduction des pesticides Ecophyto, il va devoir composer maintenant avec la fronde des associations de défense de l'environnement.

Vertement critiqué pour la "pause" annoncée sur le plan de réduction des pesticides, le gouvernement défend l'idée de "sortir de l'écologie punitive", mais ses opposants dénoncent une rupture avec le "quinquennat écologique" promis par Emmanuel Macron.

Après deux semaines de fronde agricole, l'exécutif a mis fin au mouvement au prix de nombreuses concessions. Notamment sur le 4e plan Ecophyto qui fixait un objectif de réduction de 50 % de l'usage des pesticides d'ici 2030 (par rapport à 2015-2017) et que le gouvernement a décidé jeudi de "mettre en pause".

Une "mise à l'arrêt" justifiée par le Premier ministre, Gabriel Attal, "le temps de mettre en place un nouvel indicateur" pour mesurer l'usage des pesticides dans les champs et les vergers.

Les élus écologistes ont aussitôt dénoncé un "recul inacceptable" et "dramatique", tandis que les ONG environnementales se sont inquiétées d'une décision "rétrograde" alors que la protection de la biodiversité et la santé des agriculteurs sont en jeu. 

"L'agriculture du siècle précédent en gardant toujours plus de produits dangereux"

"Nous rejetterons toute participation à une nouvelle dynamique Ecophyto dont l'indicateur serait biaisé", a immédiatement répondu Générations Futures.

"Le Nodu [indicateur de suivi du plan national de réduction des produits phytopharmaceutiques] nous a permis de voir que la France n'a pas rempli ses objectifs depuis près de 15 ans : 15 ans d'échec pour mettre en pause, ça pose question", s'étonne aussi Thomas Uthayakumar, de la Fondation pour la Nature et l'Homme, auprès de l'AFP.

"Ce que nous propose aujourd'hui Gabriel Attal vient totalement en contradiction avec les stratégies nationales" de décarbonation (SNBC), d'alimentation (SNANC) ou de planification agricole (PLOA), regrette-t-il. 

Ce responsable salue toutefois la détermination du gouvernement à s'opposer à l'accord de libre-échange UE-Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), à obtenir la réciprocité des normes et à faire appliquer la loi Egalim, pour protéger la rémunération des agriculteurs.

"Aujourd'hui la FNSEA a gagné, mais ça ne va rien amener au revenu agricole, pas un centime" et "ça permettra de continuer à faire l'agriculture du siècle précédent en gardant toujours plus de produits dangereux sur le marché et en retardant leur retrait de manière cynique", a ajouté pour l'AFP le porte-parole de Générations Futures, François Veillerette.

"Décision de justice"

"Il s'agit d'une erreur politique majeure car si la question du revenu agricole est une vraie question pour un certain nombre d'agriculteurs, ce n'est pas en sacrifiant l'environnement et les ressources naturelles qu'on règlera ce problème, bien au contraire", a-t-il continué.

Cette "pause" est annoncée alors que l'État a jusqu'au 30 juin 2024 pour mieux respecter ses trajectoires de baisse de l'utilisation des pesticides et protéger les eaux, sur ordre de la justice administrative.

"Cette annonce est donc aussi un refus de se plier à une décision de justice", a fustigé auprès de l'AFP l'ONG Pollinis, une des cinq associations à l'origine de cette procédure judiciaire, "Justice pour le Vivant".

Ces 30 dernières années, les populations d'oiseaux des champs ont chuté de 30 % en France, selon des études selon lesquelles l'intensification de l'agriculture est la principale cause de ce déclin.

Pour le WWF aussi, cette pause est "un signal désastreux". "La pollution chimique est l'un des principaux facteurs responsables du déclin de la biodiversité animale et végétale, au même niveau que le changement climatique", ajoute Jean Burkard, du WWF France.

Protéger la santé des agriculteurs

"Certes il vaut mieux suspendre que d'avoir une stratégie au rabais", relève Sandrine Bélier, directrice de l'ONG Humanité et Biodiversité, jointe par l'AFP. "Mais Ecophyto est le principal plan qui accompagne les agriculteurs dans leur transition économique", via les 41 millions d'euros distribuées par l'Office français de la biodiversité (OFB) pour la recherche, l'expérimentation, etc.

"Mettre en cause ce mécanisme, ça veut dire renoncer à accompagner les agriculteurs dans leurs transitions écologiques", met-elle en garde.

"L'enjeu, c'est la protection de la biodiversité mais aussi la santé des agriculteurs qui sont les premières victimes des phytosanitaires qu'ils utilisent", rappelle-t-elle.

Avec AFP

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