Alors que la COP28 bat son plein à Dubaï, Laure Manent reçoit la primatologue Jane Goodall. Elle raconte comment son travail de scientifique, se battant pour défendre les chimpanzés, l'a conduite à devenir une militante investie dans le soutien aux communautés. À presque 90 ans, elle continue son inlassable combat pour la biodiversité, les humains et la planète.
Alors que la planète se réchauffe et que les catastrophes climatiques et environnementales se multiplient, la primatologue britannique Jane Goodall veut rester optimiste. Pour elle, la planète approche du point de non-retour. Elle pense que la fenêtre d’action est en train de se refermer et que les humains, les chef·fes d’États et de gouvernement doivent enfin profiter du momentum pour trouver des solutions pérennes pour la planète.
Biodiversité, humanité et planète : un seul et même combat
Jane Goodall est convaincue que les animaux, les humains et la nature sont étroitement liés. Cependant, les besoins des uns peuvent parfois empiéter sur ceux des autres. C'est pourquoi le Jane Goodall Institute travaille sur tous les fronts pour inverser la tendance dans les villages où il intervient.
Mais humains et animaux doivent avoir chacun leur espace. Pour la primatologue, la pandémie de Covid-19 a été l’un des révélateurs des dangers de la trop grande proximité des humains avec les animaux. Fréquenter de trop près nos cousins les plus proches, qui partagent 99 % de leur patrimoine génétique avec nous, pourrait entraîner d’autres zoonoses à l’avenir.
Un parcours hors du commun
Jane Goodall revient aussi sur son parcours unique. Rien dans son histoire ne la prédestinait à devenir une scientifique, primatologue, vivant des années dans la jungle avec les chimpanzés. Enfant, la jeune britannique a une passion pour les animaux et lit tous les ouvrages qu’elle peut trouver sur le sujet. Lorsqu’elle a 22 ans, une de ses amies lui propose de lui rendre visite au Kenya dans la ferme de ses parents. Jane Goodall travaille un an comme serveuse, économise sou à sou pour enfin prendre le bateau et rejoindre son amie.
Lors de son séjour, elle visite le Coryndon Museum de Nairobi en compagnie de son conservateur, l’anthropologue Louis Leakey. Elle l’impressionne par ses connaissances, et comme son assistante vient de le quitter, il l’embauche pour la remplacer et l’accompagner sur des fouilles archéologiques en Tanzanie. Quelques années plus tard, il lui propose d’étudier les chimpanzés dans la réserve de Gombe, en Tanzanie. C’est le début de la légende Jane Goodall.
La méthode Jane Goodall : patience et empathie
La jeune femme, qui n’a pas suivi de formation scientifique à ce moment-là, observe et note tout. Elle donne des noms aux chimpanzés qu’elle observe, et tente de comprendre les sentiments qui les animent et les poussent à agir de telle ou telle manière. Cette méthode est unique, à l’époque, et de nombreux scientifiques lui reprocheront une approche trop "sensible", ou "empathique", expliquant qu’elle devrait donner des numéros à ses sujets d’étude et ne pas leur attribuer de personnalité. Aujourd’hui, l’approche de Jane Goodall est validée dans le monde de sciences.
Outre son parcours unique, Jane Goodall se fait aussi remarquer comme l’une des rares femmes de science à une époque où le secteur est quasi exclusivement masculin. Elle nous explique comment elle s’est imposée tout doucement, sans vraiment avoir à combattre, parce qu’elle était en réalité la seule dans son domaine d’étude. Elle a ainsi ouvert la voie à d’autres femmes, comme la primatologue française Sabrina Krief.
Aujourd’hui, Jane Goodall poursuit son combat, estimant que les combats pour les droits des femmes sont ceux de toutes les minorités, et que ce qui leur bénéficie est également bon pour les animaux et la planète.