
Déterminé à diminuer les émissions de gaz à effet de serre, le climatologue Robert Vautard applique d’abord à lui-même la sobriété qu’il juge nécessaire pour combattre le réchauffement climatique. Le nouveau coprésident du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) ne se rendra par à la COP28 qui s’ouvre jeudi 30 novembre à Dubaï, aux Émirats arabe unis.
Afin de limiter son impact carbone, il suivra la conférence des Nations unies sur le changement climatique en visioconférence. Un rendez-vous qu'il espère constructif.
Interrogé par Audrey Racine, spécialiste des questions environnementales à France 24, l’expert estime que les COP ont permis de limiter en (petite) partie les émissions de gaz à effet de serre.
France 24 : Cette année 2023 est la plus chaude jamais enregistrée pour les neuf premiers mois. Que pensez-vous de cette situation ?
Robert Vautard : On risque de dépasser cette année les 1,5 °C. L’accord de Paris concerne une moyenne sur vingt ans. On les aura atteints lorsque qu’il y aura autant d’années au-dessus que d’années en dessous de 1,5 °C. Mais en tous les cas, cela montre vraiment qu’on s’en rapproche.
Comment rester optimiste lorsqu’on travaille sur de tels sujets ?
Si on est pessimiste, on n'arrive à rien et on baisse les bras. L’optimisme, c’est de dire qu’on connaît aujourd’hui un ensemble de technologies et de méthodes, des solutions, qui sont basées sur la sobriété. Il faudra faire appel à tout cela pour arriver à contenir ce changement climatique.
Ces solutions sont très difficiles à mettre en œuvre car elles engendrent une transition très complexe, qui va occasionner beaucoup de résistances dans de nombreuses branches. Il ne reste plus qu’à les mettre en œuvre, à se retrousser les manches et permettre d’arriver à un niveau le plus bas possible en terme de réchauffement.
L’une des missions du Giec est de rédiger un résumé de l’état du réchauffement climatique à l’attention des décideurs. Avez-vous l’impression qu'ils saisissent l’urgence que vous décrivez ?
Les rapports techniques de la COP28 font beaucoup référence aux travaux du Giec. C’est donc un premier succès. Et le bilan mondial indique bien un constat qui est tout à fait en accord avec les rapports du Giec. Ça arrive tard, je le concède. Mais rien que d’en faire le constat, notamment de la part des décideurs politiques [à l’échelle mondiale], c’est une première lueur d’espoir. Le passage à l’action va être l’objectif de cette COP28.
Lors de la COP26 à Glasgow en 2021, les pays s’étaient engagés à sortir progressivement du charbon mais pas de l’ensemble des énergies fossiles. Puis la COP27 de Charm el-Cheikh, en 2022, s’était conclue sans nouvelle ambition en matière de réduction des gaz à effet de serre. Les COP ont-elles encore une utilité ?
Oui, les COP sont absolument indispensables. C’est le seul moment où les pays peuvent parler de climat, négocier ensemble. Il n’y a pas d’autre endroit pour cela. S’il n’y avait pas ces COP, je me demande ce que le climat deviendrait ou ce qu’il serait déjà devenu. Grâce aux COP, un tout petit peu d’émissions de gaz à effet de serre ont été évitées. Trop peu encore, certes. Mais cela montre le chemin. Ça va prendre beaucoup de temps, mais on a besoin des COP.
