Les journalistes occidentaux qui ont le droit d’entrer en Iran sont de plus en plus rares depuis l’élection contestée de Mahmoud Ahmadinejad il y a 6 mois. L’un de nos journalistes, Alain Chabod, a cependant pu se rendre à Téhéran et s’intéresser au noyau de la contestation politique : les Universités.
L'Université de Téhéran est l'un des espaces publics où se côtoient et parfois s'affrontent partisans et opposants du pouvoir. Située au centre de la capitale iranienne, c'est la plus ancienne et la plus réputée des universités publiques du pays. C'est ici qu’a lieu chaque semaine la Grande Prière du Vendredi, une cérémonie phare de la théocratie iranienne qui rassemble des milliers de fidèles. En semaine, c'est un lieu d'enseignement mais aussi une agora où l'on débat de politique, plus ou moins discrètement. FRANCE 24 a pu se rendre à l'Université de Téhéran, quatre jours avant les débordements du dimanche 27 décembre.
Les autorités nous avaient accordé une autorisation valable pour une heure de reportage, le temps pour nos journalistes d'interviewer les étudiants. Beaucoup hésitent à se livrer face aux caméras occidentales rarissimes dans le pays depuis les élections de juin dernier. Les opinions sur la situation actuelle dans le pays sont partagées. "L a liberté d’expression est totale ici", nous assure une étudiante en foulard, le regard fuyant.
Un peu plus loin, en plein cœur du campus, s’élève la mélopée d’une prière de deuil. Il s’agit d’un rassemblement interdit en mémoire de l’Ayatollah Montazeri l’une des figures de l’opposition qui est décédé le dimanche précédent. Une vingtaine d’étudiants brandissent pacifiquement des portraits du leader religieux disparu. Fondus dans le paysage, des bassidjis - les miliciens du régime - sont aux aguets. Un garde de l’université nous demande d’arrêter de filmer. Nous nous exécutons.
Dans une allée du campus, un groupe d’étudiantes au look occidental discutent. Elles acceptent de témoigner, mais pas à visage découvert. L’une d’elles tient à ce que nous filmions ses baskets aux lacets verts, la couleur de ralliement de l’opposition. "Les opposants ne peuvent pas s’exprimer et il n’existe aucune organisation d’opposition estudiantine !", déplore-t-elle.
"Ici, à l’université, les opposants sont peu nombreux et isolés, renchérit l'une de ses amies, étudiante en arts. Ils sont très vite identifiés par le comité de vigilance islamique et ils finissent pas être expulsés".
Parmi ces étudiantes au franc parler, l’une souhaite quitter l’Iran pour aller étudier aux Etats-Unis. Une autre nous avoue avoir passé une semaine en prison après les élections pour avoir participé aux manifestations, elle est toujours en attente de jugement.