Les Bangladais se sont rendus aux urnes dimanche pour des élections législatives. La Première ministre Sheikh Hasina, qui brigue un cinquième mandat à la tête de son pays, est assurée de la victoire, l’opposition ayant décidé de boycotter le scrutin dans un climat de répression politique extrême.
Le décompte des bulletins a débuté dimanche 7 janvier au Bangladesh, où les électeurs ont voté pour des législatives assurées d'offrir un cinquième mandat à la Première ministre Sheikh Hasina, qui a qualifié le principal parti d'opposition du pays d'"organisation terroriste".
Le scrutin était boycotté par le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principale force d'opposition, qui dénonce un "simulacre d'élection", et d'autres partis, décimés ces derniers mois par une vague massive d'arrestations.
"Le BNP est une organisation terroriste", a déclaré dimanche Sheikh Hasina aux journalistes après avoir voté dans la capitale Dacca. "Je fais de mon mieux pour garantir que la démocratie perdure dans ce pays", a déclaré la Première ministre. "Les élections seront libres et équitables", a-t-elle assuré.
Les bureaux de vote du huitième pays le plus peuplé du monde ont fermé à 16 h (10 h GMT) et les résultats sont attendus dès lundi matin. "Le comptage des voix a débuté", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la commission électorale, Shariful Alam.
Faible participation
Le pays, autrefois en proie à une extrême pauvreté, a connu une croissance accélérée sous la direction de Sheikh Hasina. Mais son gouvernement a également été accusé de violations des droits humains systématiques et d'une répression impitoyable de l'opposition.
La Ligue Awami, parti de la Première ministre, n'a pratiquement pas d'adversaires dans les circonscriptions qu'elle brigue. Mais elle a omis de présenter des candidats dans quelques-unes d'entre elles, dans le but apparent d'éviter que le Parlement monocaméral ne soit considéré comme l'instrument d'un parti unique.
Dans l'est du pays, à Chittagong, des policiers ont tiré, sans faire de blessés, pour disperser une soixantaine de militants de l'opposition qui avaient érigé un barrage routier pour protester contre le scrutin, a indiqué à l'AFP Mokhlesur Rahman, commissaire adjoint de la police de la ville portuaire.
Le chef de la commission électorale nationale, Habibul Awal, a estimé la participation autour de 40 %, selon des premiers chiffres.
Le chef du BNP, Tarique Rahman, a dénoncé un possible bourrage des urnes. "Ce qui a eu lieu n'est pas une élection, mais plutôt une honte pour les aspirations démocratiques du Bangladesh", a-t-il jugé sur les réseaux sociaux, ajoutant avoir vu "des photos et vidéos dérangeantes" appuyant ses accusations.
"Je n'ai aucun intérêt à participer à cette farce", a observé Shahriar Ahmed, électeur de 32 ans travaillant pour une association. "Je préfère rester à la maison et regarder des films."
Certains électeurs affirment avoir été menacés de confiscation de leurs cartes d'allocations gouvernementales, nécessaires pour obtenir des prestations sociales, s'ils refusaient de voter pour la Ligue Awami.
"Ils m'ont dit qu'ils me la confisqueraient si je ne votais pas", a déclaré à l'AFP Lal Mia, 64 ans, qui vote dans le district de Faridpur, dans le centre du pays. "Ils ont dit que puisque le gouvernement nous nourrit, nous devons voter pour lui."
Vague de répression
L'opposition a organisé l'an dernier des manifestations afin d'exiger la démission de la Première ministre et promouvoir un gouvernement intérimaire neutre pour superviser les élections, sans succès. Elle appelle à une grève générale ce week-end.
Samedi, la police a arrêté sept membres du BNP, dont un haut responsable du parti à Dacca, accusés de sabotage après un incendie la veille dans un train de banlieue bondé qui a tué au moins quatre personnes et fait huit blessés.
Plusieurs incendies ont eu lieu depuis l'an dernier sur le réseau ferroviaire et Sheikh Hasina a accusé le BNP d'en être à l'origine.
Ces actes sont planifiés par le gouvernement "pour discréditer le BNP, un mouvement non violent", et "détourner l'attention des gens de cette parodie d'élections", a déclaré à l'AFP le porte-parole du parti d'opposition, A.K.M. Wahiduzzaman.
Quelque 25 000 cadres de l'opposition, dont l'ensemble des dirigeants locaux du BNP, ont été arrêtés dans une vague de répression qui a suivi les manifestations de l'an dernier, lors desquelles plusieurs personnes ont été tuées dans des affrontements avec la police, selon le parti. Le gouvernement a pour sa part fait état de 11 000 arrestations.
Troubles sociaux dans le secteur du textile
La scène politique du pays de 170 millions d'habitants a longtemps été dominée par la rivalité entre Sheikh Hasina, la fille du fondateur du pays, et Khaleda Zia, Première ministre à deux reprises et épouse d'un ex-dirigeant militaire.
Depuis son retour au pouvoir en 2009, Sheikh Hasina, 76 ans, a renforcé sa mainmise après deux élections entachées d'irrégularités et d'accusations de fraude.
Condamnée pour corruption en 2018, Khaleda Zia, 78 ans, est détenue dans un hôpital de la capitale Dacca, en raison de sa mauvaise santé. Son fils Tarique Rahman dirige le BNP à sa place depuis Londres, où il vit en exil depuis 2008, après plusieurs condamnations dans son pays.
Les forces de sécurité du Bangladesh sont depuis longtemps accusées de recours excessif à la force, ce que dément le gouvernement.
Les États-Unis, plus grand marché d'exportation du Bangladesh, ont sanctionné une unité d'élite de la police et ses commandants, accusés de nombreuses exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées.
Le succès de sa politique économique a longtemps garanti la popularité de Sheikh Hasina. Mais les difficultés se sont récemment multipliées, avec une hausse des prix de la plupart des produits de base et des pannes d'électricité généralisées en 2022. Le refus des hausses salariales réclamées par les ouvriers du textile, secteur qui génère 85 % des 55 milliards de dollars d'exportations annuelles du pays, ont déclenché des troubles sociaux fin 2023, avec des usines incendiées et des centaines d'autres fermées.
Le gouvernement est "moins populaire qu'il y a quelques années, mais les Bangladais ont peu de véritables options dans le bureau de vote", relève Pierre Prakash, de l'International Crisis Group. Ces frustrations pourraient présager de violences politiques par la suite, estime-t-il. "C'est une combinaison potentiellement dangereuse."
Avec AFP