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Le Premier ministre hongrois est confronté à sa plus importante crise politique depuis son retour au pouvoir en 2010, après la démission de deux de ses alliés suite à une affaire d'abus sexuels sur enfants. Silencieux depuis, Viktor Orban a simplement posté, mercredi, une photo du cabinet au travail.

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, est confronté à une crise sans précédent. À quelques mois des élections locales et européennes, parviendra-t-il à étouffer la polémique née de la grâce accordée dans une affaire de pédocriminalité ? Le chef de gouvernement n'a pas pris la parole depuis près d'une semaine, postant simplement, mercredi 14 février, une photo du cabinet "au travail".

En quelques jours à peine, la semaine dernière, l'affaire a scellé la chute de la présidente Katalin Novak et de l'ex-ministre de la Justice Judit Varga, pressentie tête de liste aux européennes.

Ces deux femmes les plus en vue du parti Fidesz, visages du régime Orban à l'étranger, ont endossé la responsabilité et disparu de la scène politique du jour au lendemain, après des années de loyaux services.

Depuis le retour du dirigeant nationaliste en 2010 et la mise au pas progressive des contre-pouvoirs, "aucun scandale n'a eu un impact politique aussi fulgurant", estime le groupe de réflexion Political Capital dans une note.

Pour l'analyste Robert Laszlo, interrogé par l'AFP, "ce qui rend ces événements extraordinaires, c'est la succession des controverses sans que le gouvernement ne parvienne à stopper" le cycle infernal.

"Cardinal Richelieu"

Car le soir même de la démission, le 10 février, de l'ancienne ministre de la Justice, Peter Magyar, son ex-mari et très bon connaisseur des arcanes du pouvoir, laisse exploser sa rancœur sur les réseaux sociaux.

"Je ne veux pas une minute de plus faire partie d'un système dans lequel les vrais responsables se cachent derrière les jupes des femmes", lâche-t-il, annonçant son retrait de deux entreprises publiques.

Il persiste le lendemain, lors d'une interview diffusée sur la chaîne YouTube Partizan, un des rares médias indépendants.

Dans cette vidéo visionnée plus de 1,6 million de fois, une audience exceptionnelle dans un pays de 9,7 millions d'habitants, il fustige la corruption endémique de la Hongrie, dernière du classement de l'ONG Transparency International portant sur les 27 pays de l'UE.

Au fil des ans, le cercle proche de Viktor Orban s'est spectaculairement enrichi et devant les soupçons de détournement des fonds européens, Bruxelles a gelé des milliards d'euros.

"Cette situation ne peut pas continuer", lance Peter Magyar. "Est-ce normal qu'une poignée de familles possèdent la moitié du pays ?"

Il décrit un système autoritaire contrôlant le discours public et régentant la vie privée de ses membres. S'il ne s'en prend pas directement au Premier ministre, il cible nommément son éminence grise, le tout-puissant Antal Rogan, "le cardinal Richelieu" de la Hongrie. 

Sollicité par l'AFP, Peter Magyar n'a pas répondu. Le gouvernement a balayé "les manœuvres désespérées de ceux qui sont dos au mur".

Assise solide

"Le scandale a touché au cœur du récit du gouvernement sur la protection des enfants", commente Andras Biro-Nagy, directeur de l'institut Policy Solutions, et a révélé les fragilités d'un système pris au piège de sa propre propagande.

L'indignation, souligne-t-il, a été amplifiée par le fait que Katalin Novak a bâti sa carrière sur son image de mère de famille, figure de proue des politiques natalistes.

Son départ n'a pas résolu le mystère derrière le pardon dont a bénéficié l'ancien directeur adjoint d'un foyer pour enfants, condamné en 2022 à plus de trois ans de prison pour avoir couvert les agissements pédocriminels de son supérieur.

Aucune explication n'a été fournie. Mis en cause, l'évêque calviniste Zoltan Balog, conseiller de la présidente, a admis avoir soutenu la mesure de clémence sans en détailler les raisons.

Après des manifestations la semaine dernière à l'appel de l'opposition, des influenceurs ont convoqué un rassemblement vendredi en solidarité avec les "victimes trahies" par cette décision.

Signe que Viktor Orban ne pourra pas tourner la page aussi vite qu'il l'aurait voulu.

Mais de l'avis de Political Capital, "il est peu probable que l'affaire entache sa réputation auprès de ses partisans" tant il a solidement assis son pouvoir.

Pour clore ce désagréable épisode, les experts s'attendent d'ailleurs à un nouveau tour de vis contre la presse indépendante qui a révélé la grâce, discrètement accordée à l'occasion de la visite du Pape en avril 2023.

Le discours de l'état de la Nation de Viktor Orban, prévu samedi, sera lui examiné avec attention.

Avec AFP